Les Enfants d’abord – Par Stéphane Tamaillon et Priscilla Horviller - Steinkis

Le nom est peu connu et, pourtant, Janusz Korczak (1878-1942) aurait fortement influencé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant adoptée en 1989, et aurait même inspiré Maria Montessori pour créer ses écoles.

Né à Varsovie dans une famille juive, Janusz Korczak connaît une enfance marquée par l’internement de son père dans un asile d’aliénés. Mais sa principale confidente, sa grand-mère, le rassure sur cet événement en lui racontant une histoire de chevalier qui lui permet de dédramatiser ce qui bouleverse profondément le quotidien de la famille. En échappant ainsi en partie à la dureté du monde par la fiction, Korczak rencontre pour la première fois ce qui constituera la matrice de son engagement : comprendre les enfants, se mettre à leur hauteur, adapter le monde à leurs représentations pour mieux les y inclure. Éduqué par une grand-mère qui le fait voyager à travers ses récits, et une mère qui refuse qu’il se mélange aux enfants pauvres de son quartier, Janusz Korczak grandit dans un contexte où il prend conscience des inégalités sociales qui frappent dès l’enfance.

Adulte, il écrit pour la littérature jeunesse, notamment Le Roi Mathias Ier. Devenu médecin, et après diverses expériences d’encadrement des enfants, il dirige la Maison de l’orphelin, organisée en République dotée d’un parlement, d’un tribunal et d’un journal entièrement organisés par les enfants eux-mêmes. Y sont appliqués les préceptes éducatifs, parfois étonnants et dans tous les cas novateurs (comme le cas de la gestion des conflits) de Korczak.

Le duo Tamaillon/Horviller, que l’on avait déjà rencontré dans La Baronne du jazz, rend ici un hommage documenté à l’œuvre de Janusz Korczak en mettant l’accent sur les émotions qui le traversent à différentes étapes de sa vie. Fondamentalement mû par l’ambition d’un monde meilleur qui nécessiterait de s’attaquer d’abord à la condition des enfants, Korczak est dépeint en homme généreux et sensible, prêt à sacrifier son confort pour faire triompher ses convictions. La montée des périls des années 1920 et 1930, qui constitue l’arrière-plan historique du récit, permet de faire d’autant plus ressortir le sens des priorités de ce pédagogue qui, refusant de les abandonner à leur sort, accompagnera ses pupilles jusqu’à Treblinka.

Les illustrations de Priscilla Horviller combinent des touches dramatiques liées à l’apparition des camps et au bruit des bottes avec des apports plus (faussement) naïfs et enchantés, avec notamment l’apparition régulière et très colorée, au fil des pages, du personnage de Mathias Ier, héros du roman de Korczak.