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Les Passagers du vent ou l’Histoire rebelle

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 21 décembre 2022                      Lien  
François Bourgeon fait partie de ces auteurs que le prochain siècle redécouvrira avec étonnement quand il prendra le temps de se pencher sur le contenu et la méthode de création de ses chefs-d'œuvre. « Le Sang des Cerises », dont c’est ici le livre 2 ne s’intitule pas par hasard « Rue des martyrs ». Il évoque les conséquences de l’insurrection violemment réprimée de la Commune de Paris, cette génération sacrifiée qui a espéré un temps concrétiser un modèle social juste et équitable inspiré par les idéaux de la Révolution Française.
Les Passagers du vent ou l'Histoire rebelle
Le tome 1 du Sang des cerises - Ed. Delcourt

Jeune lecteur, jeune lectrice qui feuilletez cet album en vous disant que c’est exigeant, voire "un peu vieillot", dites-vous que oui, ce l’est, comme Shakespeare, Molière, Boileau, Pierre Larousse ou Jules Verne le sont dans leur registre et leur époque respectifs.

Il y a d’abord la minutie de son travail, le souci de l’exactitude historique, de la cohérence du récit, du détail inédit. D’aucuns diraient "la maniaquerie..." Il répond : "la passion". La construction de chaque histoire, de chaque page, de chaque case est une incroyable aventure dont on n’a pas idée de l’élaboration.

François Bourgeon
Photo : DR

Son propos en outre est d’une incroyable modernité. Il met en avant des héroïnes, indépendantes, rebelles, intelligentes, séduisantes sans être "sexys", antiesclavagistes et féministes à une époque où cela n’existait même pas, toutes pétries d’idéal.

Alors que la gauche française est en train de chercher aujourd’hui sa boussole, égarée l’on ne sait où, et que la droite nous rejoue la bonne vieille pièce de l’homme providentiel inspirée des bons vieux modèles bonapartistes, légitimistes ou orléanistes de l’ancien régime, Bourgeon évoque ces têtes bien faites animées par un idéal de liberté, d’égalité et de fraternité, cabossées quand elles n’ont pas été écrasées par un ordre bourgeois qui est en train mettre en place sa « révolution industrielle ».

Derrière la grande histoire, il y a un récit très personnel où une mère raconte son parcours à une jeune interlocutrice comme on confie un secret : dans le Paris insurgé de la Commune, puis au bagne aux côtés de figures historiques comme Louise Michel, Elisée Reclus, Henri Rochefort ou Henri Rivière… pour finir devant le Mur des Fédérés au Père-Lachaise. S’esquissent dans les conversations les grandes théories politiques qui structureront le XXe siècle : l’anarchisme, le communisme, ou encore les modèles autoritaires qui inspireront les fascismes…

Avec comme décors : Paris, la Nouvelle-Calédonie (on n’élude pas la question canaque), la Bretagne… Il s’en dégage une nostalgie pour des lieux et des paysages dont on constate que la mémoire s’efface peu à peu pour s’enfermer dans le donjon des livres d’histoire. Ces idéaux qui avaient enflammé plusieurs générations d’une jeunesse rebelle, sont retombés fourbus, reprenant le souffle jusqu’à la reprise de la lutte. Car le chemin vers la véritable humanité est long et périlleux, parsemé d’embûches, un éternel combat.

Faites un sort heureux à cette fin de partie pour Les Passagers du vent de François Bourgeon, une série digne et exemplaire. Noël est là pour cela. Relisez la saga, en attendant la publication de l’entretien vidéo que nous avons eu avec l’auteur voici quelques semaines et qui ne devrait plus tarder à être monté.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782413030621

Les Passagers du vent T. 9 : Le Sang des cerises – Livre 2 : rue des martyrs – Par François Bourgeon – Delcourt

Les Passagers du vent Delcourt ✏️ François Bourgeon Aventure France
 
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3 Messages :
  • Les Passagers du vent ou l’Histoire rebelle
    17 janvier 2023 20:43, par Sawyer

    J’ai toujours été convaincu que François Bourgeon était un génie, un créateur shakespearien qui domine toute l’histoire de la bande dessinée mondiale.
    "Les passagers du vent" (1979-1984) c’est aussi sublime que "Le guépard" de Visconti ou "Barry Lyndon" de Kubrick.
    "Les compagnons du crépuscule", c’est mille fois mieux que "Le septième sceau" de Bergman.
    "Le cycle de Cyann", c’est mille fois mieux que "Star Wars" ou "Avatar".

    Après, pourquoi Bourgeon (le plus extraordinaire artiste que nous ayons en France, sans équivalent dans la littérature actuelle et le cinéma français contemporain), pourquoi n’a-t-il jamais été récompensé par le Grand Prix d’Angoulême (alors que tant de médiocres l’ont été) ?
    En France, on aime bien mettre en avant les artistes médiocres, et on jalouse les artistes géniaux (surtout s’ils sont encore vivants).

    Répondre à ce message

    • Répondu par hypothèse le 17 janvier 2023 à  22:47 :

      Peut-être parce que son dessin est plutôt médiocre et déjà démodé quand il l’utilise. C’est très Glénat années 80.

      Répondre à ce message

      • Répondu le 18 janvier 2023 à  09:30 :

        Non, ni médiocre ni démodé, il est seulement personnel et hors du temps, un peu comme Guibert dont on parlait l’autre jour. C’est un grand auteur, ça ne fait aucun doute.

        Répondre à ce message

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