Si la danse, c’est pour les filles, un ballet se doit d’être homogène, alors pas question qu’une fille métisse, aux cheveux afros, ne persévère dans cette voie : pourquoi ne pas se tourner vers le modern jazz ou la danse contemporaine ? Voilà le genre de clichés auxquels Nina est confrontée durant son enfance, ici par sa professeure de danse, madame Leroy du Barry. Le père de Nina est séné-gambien, sa mère est française, blanche, son grand-père, qui vit avec la famille, est un juif polonais. Chacun parle avec son accent, et Nina est l’héritière de leurs parcours, où se mêlent la Shoah, la colonisation, ou l’immigration. Mais n’est-ce pas un poids trop lourd à porter pour une jeune fille ?
Cette bande dessinée, issue de la nouvelle collection de Nathan, est l’adaptation d’un roman de Rachel Kahn publié en 2016 (Anne Carrière). On y retrouve les thèmes chers à l’essayiste (l’identité, le refus de l’injustice) avec le récit de la mise à distance d’un héritage familial d’un côté, et la construction de soi par la performance sportive et les premières amours de l’autre. On y aborde des problèmes graves (la communication avec les parents, le viol, la transmission familiale), mais souvent de façon légère, sans qu’on ne réussisse à voir précisément ce que la trajectoire de Nina a d’universel, et ce qu’on peut en retirer philosophiquement en dehors d’une vieille idéologie libérale « quand on veut, on peut ». Néanmoins, le dessin de style humoristique et le découpage d’Aude Massot permettent de dépasser ces écueils, rendant la lecture plutôt fluide et agréable.
(par Damien Boone)
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