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Louis 2/2 ("Tessa") : « Ce que j’aime dans les scénarios de Mitric ? Ils sont très denses, carrés, réfléchis ! »

Par Charles-Louis Detournay le 13 février 2015                      Lien  
(Co)-Scénariste de "Husk, Khaal, Edgar Allan Poe" ou "Templier" chez Soleil, mais également de "Sept Clones" chez Delcourt et d'autres albums d'inspirations Comics; co-dessinateur de "Hero Corp" ; auteur de "Escobar" au Lombard, d'un "Kookaburra Universe" chez Soleil et de Miss Deeplane chez Clair de Lune, Louis est un touche-à-tout. Après avoir terminé "Tessa", il va reprendre et terminer "Kookaburra" et réaliser un récit plus intime chez Grand Angle.

Graphiquement parlant, comment avez-vous abordé ce dernier tome de Tessa ? Il semble que vous avez dû multiplier les plans pour situer les différents cadres, gérer beaucoup d’actions et laisser de la place aux dialogues ?

Louis 2/2 ("Tessa") : « Ce que j'aime dans les scénarios de Mitric ? Ils sont très denses, carrés, réfléchis ! »
Le dernier tome de Tessa vient de paraître en librairie

Ça a été le même casse-tête que depuis le tome 1, et une des constantes de la série Tessa : beaucoup de cases, beaucoup de texte. Pour que le lecteur en ait pour son argent, mais aussi, pour qu’on puisse en raconter beaucoup. Forcément, pour moi au dessin, et Sebastion [Lamirand] à la couleur, cela a été un combat, doublé d’un challenge. Mais c’est ce que j’aime dans la collaboration avec Nico [Mitric] : c’est très dense, mais en même temps. v, pensé, réfléchi.À l’arrivée, je suis toujours content, mais sur les genoux ! (rires)

Le style graphique (et scénaristique) des premiers Tessa lorgnait plus vers la jeunesse, tandis que les 42 AI étaient plus sombres. Toutefois, ce dernier tome de Tessa semble aussi un peu plus mature que les premiers de la série. Est-ce pour suivre votre public qui a mûri, ou simplement pour vous faire plaisir ?

Rien de tout ça. Au départ, nous n’avons jamais ciblé aucun public. Par contre, comme je l’ai dit, tout était écrit, prévu : Nico savait que la série Tessa et l’héroïne passeraient de la légèreté absolue vers plus de maturité. Car l’histoire de fond l’obligeait : mine de rien, on traite de la mort, ainsi que du passage à l’âge adulte, du renoncement et de la trahison. À l’inverse, dès que j’ai proposé 42 Agents intergalactiques à Nico, je lui ai proposé le cheminement inverse : le spin-off commence dans une atmosphère très « dark », et se conclut dans la joie, en contrepoint de Tessa. L’ensemble forme donc une vraie série complète, en 14 tomes, appuyée par deux vraies fins chronologiques dans chacun des tomes 7.

J’imagine que l’écriture du scénario de Nicolas et votre style graphique ont également été influencés par tous les renvois que vous faites aux différents tomes précédents. En effet, même si ce n’est pas obligatoire, on profite mieux de cette conclusion en se rappelant, voire en feuilletant les albums antérieurs. Vous vous proposez même aux lecteurs de relire les tomes précédents avec ces nouvelles informations. Est-ce la volonté de donner un ensemble cohérent et qui permette au lecteur de la première heure d’être récompensé pour sa fidélité ?

Tout-à-fait : cohérence, continuité et nous assurer que les lecteurs ne soient pas volés. Le fait de proposer au lecteur passionné de relire les albums est un appui pour cette conclusion en beauté, pour que les infos soient bien présentes en tête, et afin que les lecteurs ne soient pas largués par la masse d’infos.

Au moment de clôturer cette page importante de votre carrière, quel est votre sentiment ? Une envie de développer une autre série de cet univers dans le futur ?

Si Tessa continuait, on aurait, encore et encore, cette comparaison [avec Sillage] qui me pourrirait la vie. Donc, si Tessa s’arrête, c’est pour une raison. On pourra faire ce qu’on veut, on nous comparera toujours. Malgré cela, j’avais prévu une suite, pour laquelle je réalisais le scénario et le dessin, et qui fait suite, non pas au tome 7 de Tessa, mais bien à la fin de 42 Agents intergalactiques. Normalement, il n’y aurait plus eu matière à comparaison, mais les pisse-froids auraient encore continué...

Mes sentiments sont donc très partagés. D’un côté, je suis très triste de laisser mes personnages derrière moi, et de petit à petit les laisser tomber dans l’oubli réservé aux séries achevées. D’un autre côté, je suis soulagé de fermer cette porte sur une guéguerre éternelle, toujours ramenée en avant pour untel ou untel. Maintenant, si l’éditeur me disait (ce qui n’arrivera pas bien entendu) : "On fait un tome 8 ?" Je signerais tout de suite ! Mais si cela devait arriver, ce serait différent. Très. Les indices sont à la fin des sept tomes de 42/Legacy. Je n’écris pas le futur, je le vivrai le moment venu. L’étendue des possibles est donc illimité.

Miss Deeplane, chez Clair de Lune

Même si c’est la fin de Tessa, Nicolas et vous allez continuer votre collaboration, notamment pour une autre grande série de Space Opera : Kookaburra ! Comment avez-vous été amené à prendre le relais de Nicolas sur le dessin de cette série emblématique ? Est-ce que Crisse a jeté un œil sur votre travail et le scénario ?

Non, Didier [Crisse] ne donne plus son aval sur les récits, il pose juste un regard bienveillant qui me fait chaud au cœur. Pour la petit histoire, c’est d’ailleurs Didier qui nous a présentés, Nico et moi ! C’est donc une longue histoire. J’ai ensuite eu la chance d’intervenir à deux reprises sur l’univers Kookaburra : sur le Kookaburra Universe T9, comme auteur complet, avec mon comparse Sébastien Lamirand à la couleur, puis comme scénariste sur le KU T13, avec Arnaud Boudoiron aux dessins, et Sébastien à la couleur. Je connais, et j’aime l’univers. La série-mère était chasse-gardée de Nicolas Mitric, héritier officiel de la série à la suite de Didier Crisse. La vie éditoriale, comme la vie elle-même, n’est pas un long fleuve tranquille. La série était dans une ornière suite à une série de blocages, dont Nico n’avait pas caché les raisons, mais je ne reviendrai pas dessus ici : ce n’est pas mon rôle.

Le temps passait, et je revenais régulièrement à la charge, disant à Nico qu’il fallait finir la série, d’une manière ou d’une autre. Je lui conseillai un dessinateur, et proposai diverses solutions. Et puis un jour, je lui ai proposé de le dessiner à quatre mains. Qu’il fasse le premier jet, et moi je l’encrerai à la suite. Ça a fait « tilt » une première fois, mais Nico ne voulait vraiment pas le dessiner. Du coup, plus tard, je lui ai proposé de pousser les murs, et de le dessiner. L’autre partie qui bloquait l’avancée du projet a accepté cette solution de médiation. Et Kookaburra était enfin sortit de l’ornière. Dragan pouvait revenir ! Il n’y aura qu’un tome, le dernier. Graphiquement, ce sera ce que je propose d’habitude, comme je l’ai montré sur mon premier jet de Dragan. Je ne chercherai ni à faire du Crisse, ni à faire du Mitric.

Une planche de "Drones", un diptyque de Sylvain Runberg, Louis et Vera Daviet, à paraître au Lombard.

Vous allez également publier en juin 2015 un album fort différent de la SF évoquée plus haut, à savoir Martin Bonheur chez Grand Angle. Quelle en est la teneur, et pourquoi dessiner ce récit ?

Jérôme Félix, dont j’apprécie énormément le travail, m’a tendu un perche à un moment où j’avais la tête sous l’eau, et Bamboo a fini de me hisser hors de l’eau. Avec Véra Daviet, nous nous sommes énormément amusés à mettre en image cette "belle histoire", qui respire la joie de vivre. Ce récit est dans le genre d’un Jérôme K Jérôme Bloche dont j’adore l’ambiance. J’avais pour une fois la chance de pouvoir montrer que je n’aime pas que la science-fiction, mais aussi les récits plus intimes. Plus globalement, je n’aime pas les étiquettes, et en France, elles collent pourtant très fort à la peau. J’espère pouvoir refaire ce genre de BD qui sont autant de ma culture qu’Aquablue ou Akira.

Outre cette fin de Kookaburra et Martin Bonheur, vous travaillez sur un diptyque pour le Lombard ?

Je dessine Drones, avec Sylvain Runberg au scénario, et Véra Daviet aux couleurs. C’est un récit sombre, d’anticipation, sur la guerre asymétrique, les horreurs et les non-sens qu’elle suggère. Nous suivons une équipe de pilotes de drones ultra high-tech qui les commandent depuis leur base danoise, alors que le terrain d’opération à lieu dans une province chinoise. En face, des autonomistes adeptes de guérilla et leur chef charismatique. Un récit fort. J’aime beaucoup le travail de sylvain et j’ai de la chance de pouvoir faire cette histoire avec lui. La sortie du tome 1 sortira pour août/septembre 2015.

Avez-vous d’autres projets ?

Pas mal, mais tout est flou pour le moment. Plusieurs scénaristes m’ont accordé leur confiance en me disant vouloir travailler avec moi, mais rien n’est signé actuellement. D’un autre côté, j’aimerais continuer à écrire des scénarios. J’ai autant d’albums à mon actif en tant que dessinateur ou scénariste (27). Mais c’est plus compliqué en ce moment de signer comme scénariste que comme dessinateur ! J’aimerais aussi adapter l’univers très Appleseed like du jeu de figurines mondialement connu Infinity. Je travaille déjà pour eux comme illustrateur, et j’ai leur feu vert pour le projet en bande dessinée, mais il faut encore trouver un éditeur. À suivre...

Essai pour l’adaptation en bande dessinée d’Infinity
Essai pour l’adaptation en bande dessinée d’Infinity

(par Charles-Louis Detournay)

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Concernant Tessa, lire notre chronique du premier tome, ainsi que notre articles concernant les tomes 2 et 3 de 42 Agents Intergalactiques.

Lire aussi notre chronique de Kookaburra Universe, T13 : L’Appel des Étoiles – Par Louis & Boudoiron – Soleil

Lire également notre précédente interview de Nicolas Mitric : "Didier Crisse m’a fait un super cadeau en me confiant l’univers de Kookaburra."

 
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1 Message :
  • Regrets
    16 février 2015 13:26, par Philippe BONET

    Quel dommage que tout cela s’arrête pour les raisons exposées dans les 2 articles. Je suis un lecteur de la première heure de Tessa, tout comme de Sillage d’ailleurs.
    La lecture des deux séries a toujours été des plus agréables et je ne peux que regretter l’abandon de Tessa et des 42 AI. En tout cas, bravo aux auteurs pour ce tome 7 exceptionnel, et qui me donne envie de relire les 7, pardon, les 14 albums.
    Les ’pisse-froid’ sont des emmerdeurs : il faut résister ! A bientôt j’espère pour d’autres aventures dans ce monde très créatif des Agents Intergalactiques.

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