Paraíso - Par Suehiro Maruo - Casterman

Par Guillaume Boutet le 1er février 2023

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Récit complet du maître de l'érotico-grotesque japonais, une nouvelle exploration de la souffrance et de la noirceur de l'âme humaine, mais avec une pointe de lumière plus vive et plus marquée que de coutume.

Au Japon, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, des enfants des rues survivent tant bien que mal : entre les adultes qui les abusent et les orphelinats qui ne leur offrent guère mieux, l’enfer semble être sur terre pour eux. Cependant la grâce en frappe quelques uns par l’intermédiaire du message d’amour porté par quelques prêtres.

Deux ans après la publication en France de Tomino la maudite, Suehiro Maruo nous revient avec cette vraei-fausse anthologie : cinq histoires présentées comme indépendantes, publiées entre 2019 et 2020, liées par un moment d’histoire et des personnages communs qu’on retrouve d’un récit à l’autre. Mais c’est aussi une liaison de trois points à travers l’espace et le temps : Nagasaki de 1622, Nagasaki de 1945 et Auschwitz de 1941.

La ligne directrice semble être celle des martyres avec l’exécution de cinquante-deux chrétiens, hommes, femmes et enfants, à Nagasaki en 1622 faisant écho aux événements de la Seconde Guerre mondiale. Si le décor d’après-guerre, les horreurs et les protagonistes ne surprendront pas les lecteurs du mangaka, le traitement de la religion pourra par contre surprendre.

: © Maruo Suehiro 2020 / KADOKAWA CORPORATION

En effet, si nous commençons avec la première histoire de manière très classique, voire clichée, avec un prêtre pédophile, la suite développe un récit allant dans l’exact opposé. Nous pourrions y voir la patte du mangaka à osciller entre le bien et le mal pour échapper au manichéisme, mais nous avons également l’impression de le voir se débarrasser d’une figure imposée pour aller ensuite à son vrai sujet : celui de transformer l’Enfer en Paradis ou tout du moins de commencer à poser la première pierre d’un monde meilleur.

La figure du frère Maximilien Kolbe, qui a fait son apostolat à Nagasaki dans les années 1930 puis est décédé à Auschwitz en 1941, a grandement inspiré Maruo et incarne cette idée de martyre qui régénère un monde mort. Il n’est pas le seul personnage, religieux ou non, dans ce récit à montrer aux autres le Paradis, mais il joue le rôle de point culminant à ces histoires.

À la fois classique du travail de l’auteur et optant pour un point de vue plus tranché et net comme de coutume, ce Paraíso distille les horreurs de la guerre avec une approche singulière et salutaire. Une variation intéressante dans l’œuvre du maître.