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Shiki, 4 saisons au Japon - Par Rosalie Stroesser - Ed. Virages graphiques

Par Christian GRANGE le 15 décembre 2023                      Lien  
Roman graphique en noir et blanc pour un récit autobiographique et tout en nuance, d’une jeune Française, fascinée par le Japon. Oeuvre sur le voyage, la rencontre de l’ailleurs mais aussi, les désillusions. Cet album subtil touche le lecteur par son authenticité et son honnêteté descriptive. Remarquable premier album : une autrice à suivre !

Octobre 2015. Rosalie, une jeune dessinatrice française passionnée par les mangas des années 1970 et double de papier de l’autrice, s’envole pour le Japon. Elle ne sait pas vraiment ce qu’elle va y chercher, peut-être avant tout la beauté.

Au fil des saisons, de l’automne à l’été, son regard sur un Japon idéalisé évolue. Blessée par les violences qu’elle subit en tant que femme dans une société japonaise très patriarcale, elle reste pourtant toujours aimantée par ce pays.

« C’était comment le Japon ? ». Question attendue et réponse difficile : « Comment évoquer cette relation particulière, toute en contradiction, que j’ai développée avec le Japon ? ». Dès les premières planches, le rejet et l’attirance, la fascination et l’incompréhension du personnage pour ce pays déroutant pour les Occidentaux, toute la complexité d’un pays, des relations sociales et de la psyché individuelle sont annoncés.

À travers le quotidien d’une jeune femme vivant ce pays, les rencontres et la découverte de la culture japonaise, des relations hommes-femmes, d’une société à la fois contemporaine et traditionnelle, Shiki nous embarque dans un voyage intime mais sans exhibitionnisme et sans placer le lecteur dans le voyeurisme.

L’histoire : après quelques pages sur le retour de l’héroïne en France et un conte traditionnel sur la genèse du Japon (l’histoire mythique de sa naissance, qui n’a donc rien d’anthropologique ou d’historique), Rosalie raconte son arrivée en 2015 dans la campagne japonaise, pour aller travailler dans une auberge.

Le lecteur découvre son quotidien et celui des autres jeunes filles (Miya, israélienne ; Elodie, canadienne ; Léa, belge et Beth, allemande) qui y travaillent aussi : dormir sur un futon, cuisiner à l’huile de sésame, l’art de rouler des tamakis (sushis) à la main, faire les courses (et s’affliger du sur-emballage plastique), nourrir les animaux, se promener, prendre le temps de la contemplation, choisir un kimono…

Shiki, 4 saisons au Japon - Par Rosalie Stroesser - Ed. Virages graphiques
Saison hivernale.
Traitement graphique : un dessin pleine page avec quatre dessins incrustés formant un carré avec une correspondance des images 1-3 et 2-4. A noter la puissance du noir et blanc.

Puis, vient l’hiver et Rosalie s’en va pour Tokyo. Traversant la ville sous la neige pour trouver un vélo d’occasion, cherchant une chambre à louer, rencontrant de nouvelles personnes (Nao, sa colocataire, Yusuke devenu un ami qui lui fait découvrir les « activités fun et cliché auxquelles s’adonne la jeunesse japonaise » (p. 152), elle trouve un emploi dans un bar.

Le printemps arrivant et au vu de la nécessité de réduire sa consommation alcoolisée, Rosalie part visiter Kyoto. quatre jours de congés : le château Nijo propice à la méditation, le musée du manga, une balade nocturne, les cerisiers en fleurs,…

Quelques jours de congés à Kyoto
Regard à la fois critique et admiratif de l’héroïne. Une ville et un pays qui fascinent malgré les désillusions.

Été 2017, dix mois après son retour en France, Rosalie retrouve Tokyo.

Selon un entretien accordé au Journal du Japon, Rosalie Stroesser a d’emblée choisi le noir et blanc afin que « le Japon ait une présence aussi importante sinon plus que mon personnage, que mes décors soient fouillés, riches en détails, mais pas trop lourds, les plus élégants possible. ». L’objectif est atteint !

Le choix graphique du personnage flouté (à partir de la page 28) est brillant. Le pourquoi est révélé ensuite. De même, le traitement des pages 120 à 125 est époustouflant, tant il traduit la violence subie. Personnage qui devient une silhouette (pages 128-130).

Rien que pour cette première saison, de loin la plus forte, cette BD mérite plus qu’un détour.

Après Perpendiculaire au soleil en 2022, Shiki, 4 saisons au Japon a obtenu le label « Découverte Jeune talents France Inter » Ce label, sans contrepartie financière, pose un coup de projecteur sur les artistes de BD de demain.

Rêveries et méditations au pays du soleil levant
Grande lisibilité des planches : ici, 4 cases seulement, alternant les les angles et la distance.

L’album a également obtenu le Prix de la BD géographique 2023. Ce Prix décerné par le Festival international de géographie de Saint-Dié-des-Vosges récompense le ou les auteurs d’un roman graphique ou d’une bande dessinée de voyage, d’aventure, de découverte... et de tout thème en lien avec la géographie. Son jury, composé de professionnels de la BD, du livre et du monde du voyage délibère fin août. Doté de 1500 euros, il est officiellement remis lors du Festival au Salon du Livre Amerigo Vespucci.

Domo arigato !

Voir en ligne : Dans l’atelier de Rosalie Stroesser par la revue de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, Neuvième art

(par Christian GRANGE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782743660987

Décicaces à venir :
Librairie Octopus le samedi 16 décembre à Epinal
Librairie Le Neuf le vendredi 15 décembre à Saint-Dié-des-Vosges
Librairie Lilosimages le dimanche 28 janvier à Angoulême

Virages graphiques ✏️ Rosalie Stroesser à partir de 13 ans Autobiographie Livre de voyage chronique sociale
 
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