"The Rock Cocks" : ça déménage avec le nouvel label "Kinky" de la Musardine

La Musardine nous avait déjà conquis avec Seikô, son label manga destiné aux productions asiatiques non censurées. Et voilà que sort un premier tome sous cette nouvelle appellation "Kinky", dont le format broché s’approche des grands mangas de Seikô. Ce nouveau segment serait-il alors dévolu à la publication érotique anglo-saxonne ? Pas uniquement, comme nous l’explique Nicolas Cartelet, éditeur de la Musardine.

« La collection Seikô est dédiée au manga, pas d’ambiguïté de ce côté. Kinky se situe dans un entre-deux. J’ai remarqué ces dernières années l’émergence d’une nouvelle bande dessinée érotique, plus moderne, moins « rentre-dedans », portée par des auteurs jeunes du monde entier. Beaucoup d’Américains mais pas que, qui souvent s’autoéditent et vivent grâce à Patreon. Ils abordent des thématiques érotiques variées à côté de thématiques sociales, politiques, etc., n’ont pas peur de mélanger les genres – dans The Rock Cocks par exemple on a des scènes gays et lesbiennes au milieu d’une BD essentiellement hétérosexuelle, chose qu’on ne trouve que rarement dans la BD érotique « traditionnelle ». Graphiquement, on s’éloigne aussi du réalisme qui domine bien souvent la BD érotique. C’est à ce nouvel érotisme que Kinky sera consacré. »

Premier album paru, The Rock Cocks est la parfaite incarnation de cette déclinaison. Il raconte le parcours d’un couple de musiciens. À la rue après avoir perdu leur dernier boulot, Steg & Suria ont décidé de loger dans leur van afin de ne plus vivre que d’amour, de musique et d’eau fraîche. Ils s’aiment, pas de doute. Mais il est clair que si la tournée des bars les remplit des applaudissements des spectateurs de passage, c’est moins le cas de leur estomac !

Tout bascule lorsqu’ils se présentent à un concours musical : décidé d’assumer pleinement l’aspect érotisant de leur mode de vie et de leur musique, le couple délivre un sabbat endiablée qui électrise les sens de la foule. Il n’en faut pas plus pour sortir un grand producteur de sa semi-retraite. Mais le chemin est long pour parvenir au succès, et il est surtout pavé d’embûches.

Réalisé également par un couple d’auteurs américains, The Rock Cocks séduit dès ses premières pages. Leur style graphique et narratif emprunte tant au manga qu’au comics, avec la lisibilité en maître-mot. Ils ont aussi compris que pour séduire le public, il fallait avant tout des personnages attachants, auxquels le lecteur peut s’identifier et ait envie de suivre les péripéties. Jackpot avec Steg et Suria, un couple dans lequel chacune et chacune peut aisément se retrouver.

Outre leur graphisme inspiré et la qualité du tandem des personnages, ce récit bénéficie de grandes qualités. Primo, il aborde en profondeur le milieu de la musique : quel est le parcours des stars de demain ? Comment fonctionne l’industrie du "disque" ? Une passionnante progression qui constitue le fil rouge de la série. Deuxio, l’aspect sexué vient se greffer sur l’ensemble sans constituer l’essentiel des planches. On traite de sexe de manière décomplexée sans tomber dans la surenchère que l’on a connue il y a quelques dizaines d’années. Une fraîcheur retrouvée avec la bande dessinée érotique, parfaitement incarnée par cet opus.

Une recette gagnante car la saga des Rock Cocks compte plus de mille pages produites déjà. Une longévité dopée par l’intrigue, car il y a du rififi dans le monde des producteurs, et tout le monde va arracher nos idoles. On a un peu l’impression de se retrouver dans Lucile, amours et rock ’n roll, l’aspect niais étant remplacé par des scènes de sexe plus que coquines.

« Avec Kinky, on essaye d’ouvrir le propos, nous explique Nicolas Cartelet, De laisser la place à des histoires plus fouillées parfois, à des réflexions qui n’ont pas toutes à voir avec l’érotisme. Néanmoins, le sexe reste central dans The Rock Cocks, c’est ce qui motive nos deux héros du début à la fin de leur aventure. Ce nouvel érotisme est essentiellement porté par des artistes anglo-saxons, ce qui explique le nom du label. Mais les déclinaisons du mot « kink » sont passées dans le langage érotique courant, même en France, c’est devenu un mot-clé pour désigner toutes les sexualités un peu « étranges », « inavouables ». ça va très bien avec l’esprit Dynamite ! »

Vous l’aurez compris, nous avons été complètement conquis par ce premier volume des Rock Cocks. C’est drôle, fun, sexy et enlevé, sans prise de tête et surprenant à chaque chapitre. On regrette parfois quelques cases trop sombres (un souci à l’impression ?), mais dans les quelque 190 pages de ce premier tome, c’est un détail que l’on oublie vite. Surtout que La Musardine bouleverse son calendrier éditorial pour déjà proposer le second tome de la série en octobre prochain, avec l’objectif de publier deux volumes par an sur un total de six.

« Concernant le prochain album de "Kinky" qui débutera en février 2024, continue de nous détailler l’éditeur, notre prochaine série "Split Check" est une histoire d’amour et de sexe gay qui se déroule dans l’atmosphère de la cuisine d’un restaurant new-yorkais – le héros est chef-cuistot. C’est une aventure humaine autant qu’érotique, et c’est porté par le trait et la colorisation sublimes de Nero O’Reilly. »

Un pitch alléchant ! On vous en reparle bientôt sur ActuaBD.com !

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.