Elles sont trois Anna, de trois générations différentes, de la même famille originaire d’un petit village d’Allemagne. L’autrice Mia Oberländer les nomme tout simplement « Anna 1 », « 2 » et « 3 ». Elles se distinguent toutes trois par leur grande taille. Une stature qui est presque une malédiction dans une société où les femmes ont été et sont encore parfois infériorisées, comme rapetissées.
La pression sur ces femmes aux jambes immenses, interminables - du moins est-ce ainsi que la dessinatrice les représente - est autant sociale que psychologique. Non seulement elles doivent s’intégrer à un monde qui ne leur est pas toujours matériellement adapté, mais elles doivent également subir les regards de commisérations et faire face aux idées reçues. Trop grandes, trop libres aussi, ces femmes hors normes dérangent, souvent à leur corps défendant.
Mia Oberländer, dont Anna est le premier livre, associe un trait simple à une grande inventivité formelle pour faire ressentir ce que ses personnages vivent. La déformation des corps et des perspectives, jusqu’au vertige, souligne les complexes physiques sur un ton souvent humoristique.
Les jeux sur les couleurs, qui varient en fonction des époques et des ambiances, renforcent l’expressivité et le dynamisme du dessin. Le chapitre 10 par exemple, consacré à un seul et long cri de vingt pages, est impressionnant.
La dessinatrice, elle-même d’une taille qu’elle a longtemps trouvée trop haute, aborde son sujet avec beaucoup de franchise, mais aussi une certaine légèreté et même, en fin d’ouvrage, une forme de poésie. Elle évoque au passage les relations intergénérationnelles entre femmes, thème relativement peu abordé dans la bande dessinée.
Elle appelle enfin à dépasser les complexes, à refuser les préjugés et à s’intéresser aux personnes pour ce qu’elles sont, et non pour ce qu’elles paraissent. La sentence n’est pas certes neuve, mais mérite toujours d’être rappelée.
(par Frédéric HOJLO)
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Anna - Par Mia Oberländer - Éditions Atrabile - collection Flegme - édition originale : Edition Moderne, 2021 - traduction de l’allemand par Charlotte Fritsch - lettrage par Aline Peter - 16 x 24 cm - 224 pages couleurs - couverture souple avec rabats - parution le 18 mars 2022 - 22 €.
Atrabile offre dans les librairies participantes un quasi fac-similé d’un carnet réalisé par Frederik Peeters à bord du voilier Fleur de Passion, en septembre 2018 entre Madagascar et Mozambique, pour l’achat de deux ouvrages parmi une sélection spéciale pour les 25 ans de la maison d’édition.