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Dargaud, Lombard, Casterman et Fluide dans la cour des grands.

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 4 décembre 2003                      Lien  
({cet article a été modifié suite aux développements récents de l'actualité}).
Le Monde du 4 décembre 2003 rapportait que Média-Participations, la holding belge qui contrôle le groupe Dargaud-Lombard, de même que Rizzoli-Corriere-della Sera, propriétaire de Casterman et de Fluide Glacial, étaient en passe de racheter la majorité des actifs d'Editis au groupe Lagardère (Hachette). Dans cette opération, Média-Participations serait devenu un acteur majeur de l'édition européenne, après avoir pris une place éminente dans la production de dessins animés. Les dernières informations que nous avons recueillies nous permettent d'affirmer que si ce n'est pas pour tout de suite, c'est malgré tout un processus inéluctable.

Média-Participations a commencé à faire parler d’elle en 1984, au moment où cette société rachète les Editions du Lombard à son fondateur Raymond Leblanc. Quatre ans plus tard, c’est au tour de Dargaud à tomber dans l’escarcelle d’une société que la presse désigne l’époque sous le nom de groupe Ampère. Certains journaux s’en émeuvent, notamment dans le monde catholique où l’on s’inquiète que ce groupe jusque là inconnu rachète une série d’éditions à vocation confessionnelle, comme Mame ou Desclée De Brouwer, de même que le catalogue jeunesse et l’outil de diffusion des Editions Fleurus. Les raisons de ces inquiétudes ne se sont pas vérifiées avec le temps. Seul point noir de cette époque, Enki Bilal avait été vendu par le groupe Dargaud aux Humanoides Associés, dans le cadre de la cession du catalogue « Dargaud-Passion ».

Une politique d’expansion

Après un long procès entre Uderzo et Dargaud qui se solda pour ce dernier par la perte des droits d’Astérix au profit de Hachette, Dargaud avait repris ses acquisitions en rachetant les éditions Blake et Mortimer, en s’associant avec Lucky Production ou en acquérant des morceaux de catalogue, comme la série Biggles et les éditions Miklo. En juin de cette année, les Editions Fleurus, l’autre filiale de Média-Participations avait également acquis l’éditeur pour la jeunesse Mango. Diversifié dans l’audiovisuel (Dargaud contrôle l’éditeur de vidéo et DVD pour la jeunesse Citel, ainsi que le producteur de téléfilms Marina Films), le groupe avait aussi acquis cet été, au travers de Dargaud, auprès de Vivendi Universal, le leader français de dessins animés Ellipsanime (voir notre article). Ce faisant, Dargaud devient le premier catalogue européen du dessins animés, en même temps que sa position de leader dans le domaine de la BD.

Un phénomène de concentration

De son côté, déjà propriétaire de Fluide Glacial/Audie depuis 1995, les éditions Flammarion avaient racheté, fin 1999, les éditions belges Casterman avant de se retrouver à son tour absorbée quelques mois plus tard par le groupe italien Rizzoli-Corriere-della Sera (RCS), un groupe de dimension mondiale présent aussi bien en Europe qu’aux États-unis. Ancien patron de Vent d’Ouest (groupe Glénat), Louis Delas avait pris la tête des deux entités BD du groupe actuellement en plein renouveau(voir notre article).
Dans le cas de Dargaud/Lombard, comme dans celui de Casterman/Fluide Glacial, la BD est une pièce majeure d’un échiquier des médias caractérisé depuis quelques années par de fortes concentrations capitalistiques et des équilibres qui reposent sur les relations entre les différents médias : livre, presse, télévision, cinéma…

La « pieuvre verte »

Créée en 1875 grâce à une concession exclusive sur les kiosques de gare accordée par Napoléon III à Louis Hachette, le groupe Hachette-Lagardère est un poids lourds des médias, presse et livre, souvent surnommée « la pieuvre verte » en référence à la Bibliothèque Verte éditrice de Jules Verne. Le groupe avait acheté l’année dernière à Vivendi Universal son principal outsider : Vivendi Universal Publishing, rebaptisé depuis Editis. Problème : en faisant cela, Hachette contrôle plus de 70% de l’édition française et détient, en infraction avec les règles de la concurrence dans la Communauté Européenne, une position dominante des secteurs clés de l’édition comme le livre scolaire, le livre de poche et la distribution. Avec une longue négociation, l’éditeur parisien est arrivé à la conclusion qu’il lui fallait rétrocéder 70% des actifs acquis dont il ne conserverait que le pôle Larousse, Bruxelles lui ayant enjoint de se séparer de son distributeur Interforum.

Une redistribution des cartes

Média-Participations, comme RCS, avaient confirmé vendredi dernier leur intérêt pour certains actifs (la cession se fait à prix coûtant). Mais, selon Le Monde et certaines de nos informations, le morceau serait trop gros pour un opérateur hexagonal. Editis comprenant des éditeurs scolaires comme Bordas, Retz et Nathan, un éditeur de dictionnaire comme Le Robert, des éditeurs de littérature générale comme Laffont, Plon, Perrin, Presses Solar Belfond, La Découverte, etc…, les éditeurs de livres de poche Pocket, 10/18, Fleuve Noir et le distributeur Interforum, l’ensemble est évalué à 562 millions d’euros et le démembrement prendrait, pour le moins, du temps. Comme le fait remarquer Le Monde, « Média-Participations ne semble pas pouvoir se lancer dans une opération de plus de 500 millions d’euros ». Le groupe Lagardère/Hachette devra d’abord constituer des ensembles cohérents avant de pouvoir les céder, ce qui le met en porte-à-faux avec Bruxelles. Il est possible que Média-Participations, comme RCS seront sur les rangs.

Au niveau de la bande dessinée, cela doit nous faire prendre conscience que Dargaud-Lombard, comme Casterman/Fluide Glacial, sont adossés à des poids lourds de l’édition mondiale.

Le site de Média-Participations
Notre photo : Claude de Saint-Vincent, PDG de Dargaud-Lombard. DR.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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