Neha, notre héroïne, enchaîne les petits boulots sordides à base de livraisons un peu louches jusqu’à sa rencontre avec Imogen, une tueuse professionnelle à l’éthique bien particulière. Celle-ci la prend sous son aile et l’embarque pour la former aux arts subtils de l’assassinat dans la plus prestigieuse institution qui lui soit dédiée dans toute la galaxie.
À la petite histoire répond dans le même temps la grande, à savoir une bataille pour la domination de l’univers entre intelligence artificielle d’un monde robotique et "Mères" protégeant un œuf d’où est censé éclore une divinité protectrice pour l’humanité. Les robots cherchant à tuer dans l’œuf, c’est le cas de le dire, toute velléité d’évolution des humains et les "Mères" fuyant et se cachant de cette menace jusqu’à ce que leur progéniture soit prête à se révéler au monde.
Autour de cet écheveau, qui n’est pas sans évoquer L’Incal, référence majeure du Space Opera, Jonathan Hickman déploie son art en matière de construction d’univers. Les épisodes de l’action se trouvent entrecoupés de ces planches dont les lecteurs de l’auteur de Pax Romana et Nightly News ont l’habitude : schémas et descriptions quasi cryptiques servant de terreau à un background que l’on devine gigantesque.
Et c’est peut-être là que le bât blesse. Il y a, indéniablement, au fil de la lecture de cette mini-série en deux volumes (8 épisodes au total), un sentiment de frustration qui émerge. Tout va vite, presque (certainement ?) trop vite. Les ellipses et raccourcis s’enchainent et l’action en apparaît décousue, les personnages à peine ébauchés, même si Imogen s’impose, dans son archétype pleinement assumé, comme une belle réussite.
Pour autant cela fonctionne bien et lorsque l’action se précise dans le dénouement, qui demande à réellement se déployer, la rapidité débouche alors sur une forme de distance, un peu comique, qui confère de la légèreté au récit. Une manière de prendre le contrepied de ce type de bataille normalement épique qui se révèle intéressante.
Le travail au dessin et à la couleur de Mike Huddleston s’avère lui de toute beauté, jouant du noir et blanc et d’aplats ponctuels de couleur pour créer contrastes et dynamisme dans ses planches. C’est aussi là que se joue le rythme du récit et c’est rondement mené, et l’on peut jouer au passage le travail éditorial d’Urban Comics qui inscrit le titre dans une collection haut format qui met en valeur cet aspect du comics.
Decorum apparaît donc comme une série de SF atypique qui mérite qu’on y regarde de plus près, au-delà même de la réputation du scénariste d’East of West. Drôle et enlevée, elle propose un univers séduisant, une intrigue amusante, des personnages efficaces et une manière d’aborder le Space Opera manifestement originale.
(par Aurélien Pigeat)
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Decorum T2, par Jonathan Hickman et Mike Huddleston. Traduction Maxime Le Dain. Urban Comics, collection Urban Indies. Sortie le 11 mars 2022. 184 page. 21 euros.
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