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Entre les fêtes de fin d’année, "L’Affaire Vivès" et "Le Monde sans fin", comment s’en sortent les libraires ?

Par Kelian NGUYEN le 30 décembre 2022                      Lien  
400 m² et une cohorte d’une vingtaine de libraires, il faut au moins ça pour faire tourner le paquebot de la librairie Momie de Grenoble. Se plaçant en haut du tableau des plus grandes librairies de France en terme de chiffre d’affaires, elle vient d’inaugurer deux nouveaux espaces : un pour le manga, cela vous étonne? ; plus surprenant un autre pour... une galerie d’art. Un déploiement significatif de l’avenir de la librairie BD ?

Fondée en 1985 dans la capitale des Alpes, la Librairie Momie s’est bien agrandie en quelque 37 ans, et pas uniquement en surface. Sortie du réseau Canal BD il y a peu, elle a enfanté son propre réseau de neuf succursales partout en France. Son point fort ? Une équipe de jeunes libraires spécialisés dans le manga (55% du marché, faut-il le rappeler), mais surtout une diversification sans égale : figurines, poster, vêtements. « Sur Grenoble, ils étaient les premiers à faire ça » nous confie un habitué de la boutique. Une success story qui a entraîné l’agrandissement en 2020 de la partie manga. « En 2020 on est passé de 60 m² de mangas dans la boutique originelle à une boutique dédiée aux mangas de 100 m². Et là, on vient encore de doubler la surface dans un nouvel espace. » nous explique l’un des piliers de l’équipe. La conséquence d’une demande qui a été en forte croissance ces dernières années.

Entre les fêtes de fin d'année, "L'Affaire Vivès" et "Le Monde sans fin", comment s'en sortent les libraires ?
"Supermarché du manga"

Située dans la rue la plus passante de Grenoble la nouvelle boutique Momie Manga est un véritable « supermarché du manga » pour ses détracteurs, une « Japan Expo miniature » où tout ou presque tout ce qui touche à la culture japonaise est disponible, plaçant par conséquent la librairie grenobloise parmi les premières sur c segment de marché en France.

Le secret du succès des mangas, la série à petit prix, ce qui permet de fidéliser les lecteurs.

Que faire maintenant des anciens locaux ? Les vendre ? Mmmh, non… Bien trop facile ! L’ambitieuse Momie s’est donc lancée dans la vente d’originaux et qui de mieux que le régional Jean-Marc Rochette pour inaugurer ses cimaises ? Venu avec ses planches de la Dernière Reine (chasse gardée de la galerie parisienne Daniel Maghen) mais aussi avec des tableaux, des bronzes et des illustrations, cette exposition montre l’étendue du talent de l’artiste qui vient d’annoncer son retrait de la BD.

A Grenoble, une nouvelle galerie d’originaux de bande dessisée.
Une sculpture de "La Dernière Reine" par Rochette

Une exposition ouverte le 1er octobre 2022, bien avant l’explosion de ce qu’on appelle maintenant « L’Affaire Vivès », une affaire dans laquelle Rochette fut l’un des seuls auteurs à prendre publiquement la défense de l’auteur de Polina, une prise de position qui n’a guère eu d’impact sur les visiteurs : « Les gens qui viennent voir Rochette, ils viennent voir le montagnard, une figure de la région, mais surtout l’immense artiste aux multiples facettes » reprend notre guide de la journée. « Des gens nous ont appelé de toute la France pour avoir les prix et même acheter de très belles pièces. » continue-t-il. « Et évidemment sur les ventes, ça s’est senti. Nous avions édité, sous le label de la librairie Momie, une édition augmentée d’un cahier graphique, d’un ex-libris et d’une couverture alternative, ce qui multipliait par trois les variantes de l’édition avec la normale et la noir et blanc de chez Casterman et la nôtre. Résultat ? Au-delà de nos prévisions, tout s’est vendu. Le livre est en réimpression. »

Une ligne de produits exclusifs. Merchandising...

Reste à poser la question qui fâche beaucoup de monde en ce moment, quid de la réception de L’Affaire Vivès en boutique ?

« Nous, et c’est normal, n’avons pas pris position. Mais évidemment qu’on en a vendu plus et pris des piles puisque les clients nous le demandaient. Maintenant, on ne cherche ni à l’enterrer, ni à la glorifier, on fait notre travail. »

Si l’on en croit le libraire, « les fêtes se sont très bien passées. Avec Angoulême qui approche, on continue de mettre en avant et de défendre les titres que l’on considère comme méritant. » Avant de finir : « On a la chance d’être installé depuis un moment et donc d’avoir un rôle de référent ce qui nous permet de vendre de tout à tout le monde puisque la plupart de nos clients nous suivent les yeux fermés. »

La bonne vieille BD franco-belge garde une place de choix dans la boutique
Pour promouvoir leurs titres favoris, les libraires ont mis en place un système d’ "albums-mystère"

Libraire, vendeur de para-BD, éditeur et maintenant galeriste, pour Momie la recette du succès passe par la le développement et la diversification. Comme chez la plupart des "Spé-BD" qui dament le pion à la grande distribution où les libraires sont loin d’avoir leur expertise.

(par Kelian NGUYEN)

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Code EAN :

Exposition Rochette visible jusqu’au 31 décembre 2022.

Photos : Kelian Nguyen

✏️ Jean-Marc Rochette France Marché de la BD : Faits & chiffres L’affaire Vivès
 
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18 Messages :
  • Ils vendent Le Monde sans fin, mais j’espère qu’ils y glissent l’erratum au moins. Un bon libraire conseille Le Droit du Sol de Davodeau quand un lecteur veut prendre Le Monde sans fin par panurgisme.

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    • Répondu le 30 décembre 2022 à  21:36 :

      C’est l’idée que vous vous faites d’un bon libraire. Peut-être qu’un bon libraire ne recommande ni l’un ni l’autre ? Peut-être qu’un libraire est avant tout un commerçant ?

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      • Répondu par Richard (Teljem) le 30 décembre 2022 à  22:55 :

        Non, un libraire n’est pas qu’un commerçant, on ne vend pas des livres comme de la viande ou des patates. Un bon libraire est un conseiller, le livre n’est pas un produit comme un autre.

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        • Répondu le 31 décembre 2022 à  10:04 :

          Pourtant dans certaines librairies, il est bien clair qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’un commerce. Ce qu’on appelle la « culture », c’est aussi l’industrie du divertissement.

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    • Répondu par Erwan le 6 janvier 2023 à  10:44 :

      ce n’est pas un " erratum", c’est un trac qui essaye de s’officialiser comme un erratum.

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  • Je ne sais pas pourquoi mais je ne me fais pas trop de soucis pour les libraires en général… en France en tout cas. Ailleurs en Europe, ils ont presque disparu.

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  • Les libraires Bd s’en sortent très bien. Grâce aux mangas, au succès de niche des romans graphiques consensuels à 30 euros le bouquin, et aux habituelles reprises des séries historiques. Si vous ne boxez dans aucune de ces 3 catégories, vous êtes presque mort.

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  • Je n’ai jamais mis les pieds chez « momie » mais la description que vous en faites me fait penser à une autre librairie référence qui fête ses 40 ans actuellement : la librairie bulle au Mans, avec étage manga et second espace pour les expositions et les rencontres dédicaces

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  • Les (derniers) boomers ont les poches profondes donc les BD à 30 euros se vendent toujours très bien ; et leurs enfants se jettent sur les mangas ! Il y a encore de beaux jours pour le libraire bd, quand le reste des petits commerçants tire la langue avec leur clientèle de prolos.

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    • Répondu par Milles Sabords le 5 janvier 2023 à  16:11 :

      Manque d’informations (de terrain) sur les réalités du marché BD : à force de voir le public en dédicace en tant qu’auteur, je peux vous garantir que les boomers ne représentent pas l’essentiel de la clientèle roman-graphique, loin de là, et les acheteurs de manga ne sont pas les enfants des premiers et depuis longtemps… les médias et les instituts de mesures ne donnent qu’une photographie très parcellaire du public BD.

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      • Répondu par Michel Ferrandi le 5 janvier 2023 à  19:17 :

        Les boomers, au sens strict ceux nés juste après la seconde guerre mondiale, achètent plutôt de la BD traditionnelle : ils complètent leurs collections d’Astérix, Luke, Blake et Morty etc. Leurs enfants ont 50 ans et complètent leurs collections de Thorgal, Largo, XII etc. Les acheteurs de romans graphiques consensuels à 30 euros sont un public de niche bobo/urbain/lasses supérieures (ça peut faire beaucoup de monde quand il y a un emballement style Arabe du Futur ou Un Monde Sans Fin). Les mangas sont achetés par des ados d’un peu tous les milieux (ados au sens large, disons de 8 à 35 ans en comptant les ados attardés et les gamers). Les catégories populaires, désargentées, ceux qu’on appelait autrefois les prolos et ceux qui vivent loin des centre-villes et n’ont même pas un Cultura dans la ZAC près de chez eux, ceux-là n’achètent pas de livres et ne lisent plus du tout. Tout ceci étant posé, les bibliothèques et médiathèques de quartier font un boulot extraordinaire pour essayer de nuancer ou démentir ces réalités générales.

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        • Répondu par Milles Sabords le 6 janvier 2023 à  06:06 :

          Vous avez raison, vous posez le constat d’une réalité un peu biaisée et largement entretenue par les instituts de sondages. L’expérience de terrain indique autre chose ; les prolos continuent à lire (merci aux médiatèques et bibliothèques), mais la lecture BD n’est pas aussi répendue qu’on le croit dans la population, quel que soit le niveau social. En gros, la BD est assise sur un tout petit confetti de lectorat, aux vues des densités de populations.

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          • Répondu par Michel Ferrandi le 6 janvier 2023 à  06:55 :

            Je n’ai jamais lu un sondage de ma vie. Je ne parle que du terrain. Petits confettis dites-vous ? Mais ça peut faire beaucoup de monde quand un engouement se déclenche. Et le bouche à oreille fonctionne toujours très bien.

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            • Répondu par Milles Sabords le 6 janvier 2023 à  11:06 :

              Lors des festivals BD, je côtoie en dédicaces toutes les couches sociales, toutes les tranches d’âge, hommes ou femmes, qui peuvent aussi avoir les mêmes lectures en passant d’un genre à l’autre. Ceux qui lisent du Largo, lisent aussi du Chat du Rabbin, du Corto Maltese, ou des auteurs comme Taniguchi, Tardi, Eisner, ou Bretécher, ou Bagieu, etc…. C’est plutôt sain ce mélange des genres pour la vitalité de la lecture, et les gens me parlent autant de leur dernier coup de cœur pour un album de Debeurme, qu’un album de Jailloux. Bien sûr, la personne qui est fondu de manga ou de comics, achètera moins d’albums Les Pompiers, mais il ne faut pas croire, elle en achètera, au moins pour son entourage. En fait, il n’y a plus autant de segmentation dans le public qu’auparavant, et cela, l’évolution des catalogues d’éditeurs n’y est pas étrangère. Il n’existe presque plus de « collections » dans les catalogues, qui ont été la marque des affinités éditoriales des uns et des autres. Tout le monde publie de tout maintenant, et Sarbacane peut tout aussi bien proposer un Western que Dargaud, Soleil un roman-graphique que le Seuil une épopée d’Heroic-Fantasy. Le terrain et la rencontre du public, il n’y a que ça de vrai pour se rendre compte de l’évolution des goûts. Dommage que les éditeurs n’écoutent pas un peu plus les aut-eurs-trices.

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              • Répondu par Phildar le 6 janvier 2023 à  14:00 :

                Ahah ! Vous êtes pote avec Marc Jailloux donc ! L’étau se resserre...

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                • Répondu par Milles Sabords le 6 janvier 2023 à  15:51 :

                  Bien sûr, et tous les vendredi je dîne avec la famille de Jacques Martin…

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                  • Répondu par Phildar le 6 janvier 2023 à  17:32 :

                    On comprend mieux le côté conservateur, les vraies valeurs de la BD de papa (qui a dit réac ?). En revanche ça n’explique pas la faiblesse en orthographe de base.

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        • Répondu par PATYDOC le 12 janvier 2023 à  13:52 :

          Le "baby boom" officiellement commence en 1942 (eh oui ! aux heures les plus sombres de la seconde guerre mondiale ) et finit en 1973 (la première crise pétrolière) ; donc pour moi les derniers boomers achètent bien de tout -francobelge, romans graphiques...- et leurs ados, les mangas ... Les générations qui suivent et leurs enfants ... seront moins à l’aise, sans compter l’inflation !

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