L’idée semblait incongrue en 2009. Il fallait tout le courage et la détermination de Patrick Pinchart, ancien rédacteur en chef de Spirou et ancien éditeur de Dupuis (c’est lui qui a notamment révélé Kid Paddle) pour se lancer, avec ses indemnités de départ de l’éditeur de Marcinelle et avec quelques associés, dans la constitution de la première communauté de financement participatif de la bande dessinée en France.
Un truc pour mettre encore plus de BD sur le marché ? Sans doute, mais avec deux avantages objectifs : 1/ Les auteurs sont associés et impliqués dans le projet, communiquant avec les dizaines d’"édinautes" qui ont misé sur son projet ; 2/ Les "édinautes" deviennent les premiers ambassadeurs du livre qu’ils ont contribué à faire naître : ils en font la promotion auprès de leur famille, de leur cercle d’amis, dans leur région...
Oh, pour Patrick Pinchart, par ailleurs le créateur d’ActuaBD.com, cela n’a pas été un long fleuve tranquille d’autant que, quelques mois après le lancement de Sandawe, il faisait une lourde chute lors d’une escalade, de laquelle il réchappa de peu à la mort, et qui l’obligea à piloter son projet pendant de longs mois de son lit d’hôpital. Mais l’homme a de la ressource et comme dirait l’autre, ce défi l’a rendu "encore plus fort"...
Le projet a été en tout cas suffisamment crédible pour que Media-Participations (propriétaire de Dargaud, Dupuis, Le Lombard...) embraie aussitôt dans une alliance avec My Major Company et que d’autres plateformes de financement participatif s’ouvrent à la bande dessinée. Il faut dire que le crowdfunding en général affichait en 2012 un total de 2,7 milliard de dollars de recette et devrait, selon certains experts, dépasser le cap de 5 milliards en 2013. De quoi attirer l’attention des acteurs les plus réactifs en temps de crise.
Trois ans plus tard, Sandawe affiche un chiffre qui s’approche de 800 000 € investis à ce jour, avec 32 projets (14 en développement et 18 financés), une communauté de 7930 membres et 1162 auteurs impliqués dans des projets maison ou des projets libres, car depuis peu, Sandawe a ouvert son réseau à des réalisations éditoriales qui ne seront pas publiées sous son label.
Sur Ulule, on affiche au compteur 11 projets BD en cours de financement, 110 financés et près de 281 000 € récoltés.
Du côté de Média-Participations / MMC, on dénombre sept projets en cours de développement et près de 200 000 € investis par les édinautes sur 11 projets dont un Largo Winch et deux volumes du Chômeur et sa belle de Jacques Louis (Dupuis) ou encore La Ballade de la Magdalena de Christophe Dubois (Le Lombard).
Enfin, le partenaire du Festival d’Angoulême 2014, KissKissBangBang, affiche trois projets en cours et un peu plus de 51 000 € investis par les internautes sur 18 projets au total.
La différence de rendement entre ces diverses activités se situe dans le statut de leurs opérateurs : Sandawe est un "pure player", totalement impliqué dans ses projets, tandis que Média-Participations/MMC, Ulule ou KissKissBankBank ont bien d’autres chats à fouetter...
Néanmoins, le financement participatif a permis de trouver des sous pour la publication de revues comme La Revue Dessinée sur Ulule, de classiques du comic-book américain comme Das Kampf de Vaughn Bodé sur KissKissBankBank, d’expositions de BD comme l’Exposition Tezuka sur Ulule, l’apprentissage de la BD comme "Apprendre à dessiner" de Benoît Springer sur Ulule, de documentaires sur la BD comme celui sur Jean-Claude Mézières, L’Histoire de la page 52 sur KissKissBangBang et même, récemment, d’une émission de TV sur la BD, Kaboom sur Sandawe ou encore le FOFF, festival de micro-édition indépendante en marge du Festival d’Angoulême sur Ulule !
Mais aussi pour de plus en plus d’albums qui, grâce à cette voie, peuvent exister en librairie.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Picsou par Walt Disney © Walt Disney Company Inc.
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