D’entrée de jeu, le ton est donné dans le dialogue écrit par Garth Ennis. Son héroïne a le sens de l’humour bizarre, tordu, méchant, puéril et grossier. Alors qu’on la retrouve déguisée en femme de harem lors des funérailles de Ramsès II, le scénariste a trouvé judicieux de présenter la belle qui compte bien en faire voir de toutes les couleurs à l’univers entier et dans toutes les périodes historiques. Une façon, en quelque sorte, de faire le tri sélectif parmi les potentiels lecteurs. Marjorie, c’est la Harley Quinn des éditions Black River, en vraiment, définitivement, plus grossière. Alors forcément, on aime, ou on n’aime pas. C’est au feeling…
Dans le pire des cas, peut-être que ceux, désappointés par son humour et son langage obscène, se retrouveront en la personne de sa sœur, Harriet, devenue marshal temporelle justement pour se venger de son aînée tout en mettant les criminels du temps derrière les barreaux. C’est un véritable jeu du chat et de la souris, un "Tom & Jerry" interdit aux enfants, qui se joue sous les traits mi-figue, mi-raisin de Goran Sudzuka. Si le style est plutôt travaillé pour les plans larges, les expressions des personnages sont caricaturaux. Sans doute voulu pour appuyer l’humour au trente-sixième degré de l’auteur. On en arrive presque à attendre les planches de séparation de chapitres pour savourer le graphisme d’artistes divers comme Mike Deodato Jr, Johnny Desjardins ou encore Tula Lotay.
Mais on suit l’histoire qui change radicalement après la mise en prison de Marjorie. Enfermement temporaire. Avant d’être attrapée par sa frangine, la voleuse a surpris une terrible conversation entre son ancien fiancé et le seigneur du Mal. Ils ont mis la main sur des Hypocryphes (récits apocryphes mais considérés, dans le scénario, comme étant le texte originel de l’Histoire) et comptent bien remanier le monde selon un concept moins édulcoré pour nombre de personnalités célèbres !
Imaginez : « Certains grands noms juifs à un méchoui de cochon. Le prophète qui, s’avère-t-il, ne refusait pas une bonne pinte de temps en temps. […] La nuit où Bouddha a pété un câble et les dents d’un videur... » Si les hommes de bien avaient, finalement, des vices cachés qu’il serait politiquement incorrect de dévoiler, au risque de modifier totalement l’histoire du monde et pzr là-même le sens de la vie pour l’humanité ?
Cela suffit pour unir les deux blondes dans le projet d’éviter le chaos escompté par le seigneur du Mal. Un scénario plutôt engageant, sur le fond, au dépit d’une forme plutôt vulgaire, au scénario comme au dessin, laissant peu Miroslav Mrva briller par son talent. Tout le monde ne peut pas y adhérer... Ce premier tome constitue un véritable crash-test pour les lecteurs.
(par Marc Vandermeer)
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Marjorie Finnegan, criminelle temporelle. Scénario : Garth Ennis. Dessin : Goran Sudzuka. Editeur : Black River. 208 pages. Sortie : le 9 mars 2023. Prix : 19,90 euros.
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