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Something is killing the children - par James Tynion IV & Werther Dell’Edera - Urban Comics

Par Jaime Bonkowski de Passos le 4 avril 2022                      Lien  
Dans une petite ville perdue au milieu des États-Unis, un mal rôde. Des enfants disparaissent et, au milieu des murmures, un mot revient, comme une malédiction : le monstre est là... James Tynion IV, le scénariste superstar de DC Comics (entre autres) revient à l'horreur, aux commandes ici d'une série ô combien attendue en France depuis sa publication remarquée en 2019 outre-Atlantique. Frisson, horreur et action sont au rendez-vous dans un titre qu'on ne lâcherait pour rien au monde, tant pis pour les sueurs froides...

Dans la petite ville d’Archer’s Peak, une série de crimes aussi atroces que mystérieux frappe les enfants. Certains disparaissent purement et simplement sans laisser de trace, d’autres sont massacrés, démembrés, et à moitié dévorés. James, le seul survivant du dernier incident en date, se mure dans le silence face à la police, refusant de témoigner de ce qu’il a vu, ou cru voir...

Alors que l’enquête patine et que les soupçons se portent sur James, une étrange jeune fille débarque, accompagnée d’un poulpe en peluche et d’une furieuse envie d’en découdre avec ce qui rôde en ville, quoi que cela puisse être. Elle semble d’ailleurs en savoir long sur la chose qui a commis les meurtres, et a de toute évidence un long passif en matière de chasse aux monstres...

S’engage alors une traque sans pitié entre elle et la bête, dont l’issue pourrait bien décider du sort de la ville toute entière.

Something is killing the children - par James Tynion IV & Werther Dell'Edera - Urban Comics

Monstres fictifs, démons réels

JPEGLes amateurs de comics connaissent sans aucun doute le nom de James Tynion IV, scénariste de la présente série. Particulièrement remarqué pour son travail sur Batman, il est l’une des superstars montantes de l’écurie DC, et s’avère tout aussi efficace auprès du Chevalier noir que sur des titres moins consensuels et plus indé chez divers éditeurs. La consécration ultime survient en 2021 lorsqu’il reçoit l’Eisner Award du meilleur auteur pour l’ensemble de son travail (les Oscars du comics, gifle en moins), et notamment pour Something is Killing the Children, assurément la série la plus remarquable de sa bibliographie.

L’intrigue nous plonge dans une ambiance "États-Unis perdus d’Amérique", loin du faste et des lumières des classiques New York / Los Angeles / Metropolis. Ce théâtre est d’ailleurs assez prisé des auteurs d’horreur indé (dans ce registre, allez jeter un œil au très bon The Plot chez HiComics), car permettant d’explorer presque en huis clos l’intimité de petites bourgades anonymes et universelles, du genre où tout le monde connaît tout le monde.

La singularité de Something is Killing the Children réside dans le fait qu’on suit l’intrigue à hauteur d’ados, à travers les yeux de jeunes. C’est là l’audace ultime dont fait preuve l’auteur, en osant s’attaquer au tabou parmi les tabous : les meurtres d’enfants. Ici, il est question d’un monstre qui étripe à tour de bras, mais le sous-texte va au-delà du simple gore en se focalisant sur le rapport des jeunes à la violence. L’auteur interroge leur gestion des traumatismes, leur quête d’un sauveur, leur besoin de vengeance, et l’incapacité des adultes à se mettre à leur place et à leur venir en aide...

Aux USA, ces questions sont tout sauf anodines : le pays a un lourd passif avec les tueries dans les écoles, tragiquement récurrentes et qui, à chaque fois, soulèvent les mêmes questions. Structurer l’histoire autour du meurtre violent (et graphique) d’enfants sert donc un vrai propos, et n’est pas une facilité de l’auteur pour choquer et appâter le badaud. Il en va de même pour le titre, aussi provocateur qu’évocateur. Something is Killing the Children, quoi donc en effet...

Du reste, l’histoire est très prenante, et se déroule sous la forme d’une enquête ponctuée de moments d’action héroïques portés par la personnage principale Erica Slaughter (qui évoque furieusement la jeune et géniale héroïne d’I Kill Giants par son chara-design et sa vocation dans le récit). Le dessin est très réussi, mais pas forcément explosif car dans une gamme de couleurs plutôt terne. Il se démarque néanmoins par son sens du rythme implacable.

Quasi cinématographiques et ultra-denses, certaines doubles-pages ressemblent à des pellicules de caméra en 24 images par secondes, avec plusieurs dizaines de cases qui s’enchaînent sur toute la largeur. Werther Deel’Edera nous impose une lecture hachée et frénétique, qui accompagne le développement de l’intrigue et ne nous laisse pas une seconde pour souffler.

Les scènes d’actions en deviennent particulièrement étouffantes, notamment la séquence finale du premier tome, qui ne ménage ni les personnages, ni le lecteur.

Something is Killing the Children était une sortie particulièrement attendue par les amateurs de comics en France, depuis le sacre de son auteur aux Eisner de 2021 et les nombreuses éloges des critiques. Une fois en main on ne peut qu’abonder : le titre n’a pas volé sa réputation et ses récompenses. Découvrir les deux premiers tomes d’un coup (Urban Comics a décidé de les sortir simultanément) permet en outre de s’imprégner pleinement de l’atmosphère poisseuse du récit, et on referme le dernier volume comme on sort la tête de l’eau : haletant.

(par Jaime Bonkowski de Passos)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9791026829744

Something is killing the children T. 01 & 02 - par James Tynion IV & Werther Dell’Edera - Urban Comics - 16€ - 136 pages - 01/03/2022

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