La bande dessinée dite « alternative » peut recouvrir plusieurs significations. Il s’agit en général de se positionner comme un choix possiblement différent voire à contre-courant des productions issues des maisons d’édition possédées par de grands groupes financiers. Pour le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, qui lui dédie un prix depuis bientôt quarante ans, la bande dessinée alternative regroupe des publications collectives non professionnelles.
Sont donc retenues les parutions réalisées par au moins deux auteurs, éventuellement au sein d’une structure associative : revues, fanzines, ouvrages à plusieurs mains, recueils. Les candidats avaient jusqu’au 15 décembre 2020 pour envoyer leur réalisation et avoir ainsi la possibilité d’être dans la liste des nommés, révélées il y a quelques jours, à condition de satisfaire aux critères définis dans le règlement [1] et de faire parvenir au jury huit exemplaires papier [2].
Nombre d’auteurs et d’éditeurs aujourd’hui reconnus dans le paysage éditorial ont par le passé concouru à ce Prix de la Bande Dessinée Alternative, et pour certains l’ont remporté. Ainsi des maisons d’édition 6 Pieds sous terre, Arbitraire, Biscoto, Hécatombe, Misma ou The Hoochie Coochie notamment. Mais le Prix n’est pas seulement un tremplin. C’est avant tout un espace d’expérimentation, parfois éphémère, parfois durable, qui permet d’oser des formes graphiques et narratives que les contraintes de l’édition professionnelle ne permettraient sans doute pas.
C’est aussi l’occasion de découvrir des réalisations venues du monde entier. Des revues au rayonnement international ont déjà été récompensées, comme Stripburger (Slovénie) en 2001, Kus ! (Lettonie) en 2012, Samandal (Liban) en 2019 ou Komikaz (Croatie) l’an passé. En 2021, pas moins de onze pays de trois continents différents sont représentés.
Le nombre de nommés est certes en baisse, d’environ un tiers par rapport à 2020, ce qui peut s’expliquer par les difficultés économiques découlant de la crise sanitaire. Les publications françaises sont à peine majoritaires : treize sur une liste de vingt-quatre nommées. L’Europe reste largement dominante, avec la Finlande (Kuti), l’Italie (Lok Zine) le Portugal (Pentagulo), la Suède (Bild & Bubbla) et la Suisse (La Bûche). Viennent ensuite l’Asie avec trois parutions de Chine (Murmure), du Japon (New Cinema Coffee) et de Taïwan (Zigma), et l’Amérique avec deux publications brésiliennes (Cafe Espacial et CWB) et une canadienne (Planches). Une diversité qui reflète l’internationalisation de la bande dessinée, mais aussi le fait qu’elle attire toujours autant les créateurs amateurs, en particulier les jeunes dessinatrices et dessinateurs.
Le 40e Prix sera remis cette année dans des circonstances exceptionnelles : pas de festival en janvier, une remise des Fauves diffusée en vidéo, des journées de juin menacées à la fois par la pandémie de coronavirus et par un appel au boycott d’une partie des autrices et auteurs. Mais il restera le seul doté de mille euros [3] et d’une invitation, frais et stand payés, pour le festival de l’année suivante [4]. Un regret cependant, déjà émis lors des précédentes éditions du festival : la révélation tardive des nommés - une dizaine de jours à peine avant la remise des Fauves - ne permet pas de les inclure aux présentations dont bénéficient toutes les autres œuvres en sélection. Si le Prix est bien mentionné lors de la conférence de presse du mois de novembre et dans les supports annonçant la sélection, la clôture des candidatures à la mi-décembre empêche une promotion et une visibilité qui n’auraient pas d’équivalent pour les micro-structures concernées.
Les nommés au Prix de la Bande Dessinée Alternative du 48e FIBD :
Cliquez sur les liens ci-dessous pour accéder aux sites des nommés quand ils ont été trouvés.
Les lauréats depuis la création du Prix :
(par Frédéric HOJLO)
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En médaillon : Le Fauve © Lewis Trondheim / 9e Art+
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[1] Sont exclues les œuvres d’un seul auteur, les ouvrages auto-édités ou édités par des sociétés professionnelles.
[2] Ce qui en soi est une contrainte qui peut exclure les plus petites structures, davantage d’ailleurs du fait des frais postaux que du coût des productions elles-mêmes.
[3] Une bourse attribuée par le SEA, syndicat des éditeurs alternatifs, qui regroupe notamment d’anciens lauréats du Prix.
[4] Un représentant du collectif lauréat est également appelé à participer au jury du Prix l’année suivante.
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