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Angoulême 2023 : Riad Sattouf Grand Prix 2023

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 25 janvier 2023                      Lien  
Riad Sattouf remporte le Grand Prix du 50e Festival de la bande dessinée d’Angoulême. Un prix justifié qui récompense l’un des auteurs les plus remarquables de l’époque qui, en dépit d’une carrière encore courte, est représentatif d’une génération d’auteurs qui a désenclavé la bande dessinée et qui a grandement participé à son succès actuel. Sattouf est aussi une figure de l’édition alternative qui publia aussi bien chez de grands éditeurs comme Dargaud ou Fluide Glacial que chez un éditeur indépendant comme Allary, puis à son propre compte.

Cet aller-retour entre l’édition indé et les labels un peu plus commerciaux, rythme ses premières publications et indique bien son état d’esprit : l’indépendance. La chose est bien racontée dans le dernier tome de L’Arabe du Futur qui est un peu une chronique des premiers moments de sa vocation de dessinateur, comme Le Jeune Acteur raconte celui de ses débuts au cinéma.

Après des études de dessins animés aux Gobelins, Riad Sattouf signe d’abord chez Delcourt puis chez Dargaud des albums classiques qui ne se détachent de la production de l’époque. Son passage chez Fluide Glacial lui fait faire un premier bond qualitatif, avec le personnage de Pascal Brutal . « Notre époque glorifie la satire au nom de la liberté d’expression, écrivions-nous dans ActuaBD naguère. Mais ce qui ne nous échappe jamais chez Sattouf, c’est son empathie, pour l’adolescent mal dégrossi qui traîne au fond de chacun de nous, et surtout pour la manière dont les clichés structurent et finalement abîment les personnalités. La représentation de l’enfant dans Pipit Farlouse (Milan, 2005) ou Les Cahiers d’Esther (Allary, 2016), l’entre-deux de l’adolescence dans Les Pauvres Aventures de Jérémie (Dargaud, 2003), Retour au collège (Hachette, 2005) qui inspira le film Les Beaux Gosses (2009), ou La Vie secrète des jeunes (L’Association, 2007) et surtout le travail sur l’identité qui est le thème aussi bien du Manuel du puceau (Bréal Jeunesse, 2003), que de Pascal Brutal (Fluide Glacial, 2006) ou de L’Arabe du futur (Allary, 2014) et son film Jacky au royaume des filles (2014). »

Angoulême 2023 : Riad Sattouf Grand Prix 2023

L’Arabe du futur est, pour l’heure, son opus magnum. Il s’inscrit dans la lignée de mémoriaux comme Un Contrat avec Dieu de Will Eisner, Maus d’Art Spiegelman, Persépolis de Marjane Satrapi ou, dans une moindre mesure, La Synagogue de Joann Sfar. Il évoque la France provinciale des années 1970-80, mais aussi le Moyen-Orient : la Libye, le Liban, la Syrie… Des sujets d’actualité souvent présents au 20 heures.

Son trait est schématique et humoristique façon Peanuts. Le talent de Sattouf n’est pas (seulement) dans cette formidable capacité de synthèse, dans ce « dessin-écriture » revendiqué par son « mentor » de l’Atelier des Vosges Émile Bravo : il est dans sa formidable qualité d’observation des comportements humains et des émotions qu’il arrive à caractériser de façon exceptionnelle.

Les Cahiers d’Esther par Riad Sattouf
© Allary
Les Cahiers d’Esther par Riad Sattouf
© Allary

« L’arabe du futur » dont rêve le père de l’auteur, Abdel-Rasek, un prof d’histoire panarabiste émigré en France, est celui d’un socialisme prôné par des dictateurs qui ont laissé des traces dans l’Histoire : Nasser, Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, Hafez el-Assad… Un romantisme nationaliste qui a directement impacté sur la vie de l’auteur qui a dû vivre entre ce père absent, mais toujours présent dans l’esprit, et une mère déprimée par l’enlèvement de son fils, un frère avec lequel Riad communique par internet et qui s’avère être complètement du côté de son paternel, pleinement syrien.

Tout cela fait un grand auteur. Déchiré entre ces contradictions, complexé et peu sûr de lui, s’interrogeant sur sa vocation -la bande dessinée- dont les perspectives n’étaient pas évidentes, Riad Sattouf a formidablement réussi son parcours. Ce Grand Prix, il le mérite grandement.

Le Jeune Acteur par Riad Sattouf

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Allary Dargaud Fluide Glacial
 
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13 Messages :
  • Angoulême 2023 : Riad Sattouf Grand Prix 2023
    25 janvier 2023 18:28, par Xav

    Super, il va nous faire une belle affiche ! Ah bah non, c’est déjà le cas cette année... ça va finir par se voir qu’il est le chouchou.
    Bravo à lui !

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  • Angoulême 2023 : Riad Sattouf Grand Prix 2023
    25 janvier 2023 19:00, par Gilles Poussin

    Oui, Didier, il le mérite amplement. Il réussit la synthèse entre la BD d’auteur et la BD populaire, ce qui est un Everest dans ce métier. Bravo à lui.

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    • Répondu le 26 janvier 2023 à  00:24 :

      C’est un auteur très consensuel, d’une candeur feinte mais toute pédagogique, et accessoirement un dessinateur moyen mais qui a beaucoup travaillé sa lisibilité, donc un succès mérité.

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      • Répondu le 26 janvier 2023 à  06:43 :

        Par pitié les gars, mettez une veste quand vous avez un prix ! Pas besoin d’un costume d’académicienne comme Catherine Meurisse mais le cliché du dessinateur en pull c’est pas possible…

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        • Répondu par Pierre le 26 janvier 2023 à  14:28 :

          Je suis sans doute plus âgé que vous, mais je trouve votre remarque...amusante. Surréaliste, mais amusante !

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          • Répondu le 26 janvier 2023 à  17:46 :

            Je ne suis moi-même plus tout jeune, et je n’ai pas l’impression d’être surréaliste… un peu d’élégance ne saurait nuire ou au moins un certain look..

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            • Répondu le 27 janvier 2023 à  06:56 :

              Le look de l’auteur de BD, c’est souvent : le pull, le jean, la chemise à motifs et les chaussons. Parce que les auteurs qui ne travaillent pas dans des ateliers passent le plus clair de leur vie en chaussons.
              À la remise de ces trophées, les chaussons devraient être obligatoires pour tous les auteurs qui montent sur le podium. Je dirai même, des charentaises puisqu’on est à Angoulême. ainsi, ce serait la promotion d’un produit régional méritant un rayonnement international.

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              • Répondu le 27 janvier 2023 à  15:47 :

                Il n’en as pas toujours été ainsi. Regardez les photos de Winsor McCay, toujours tiré à 4 épingles même à sa table de travail. Et plus récemment, Hergé, Morris, Uderzo, Goscinny, toujours en complet-veston. Le laisser-aller s’impose dans la profession comme partout ailleurs dans les années fin 60 et 70 avec l’explosion du prêt-à-porter. Qu’on dessine en pantoufles à la maison ne me choque pas, mais ajouter une touche de glamour quand on sort le soir, ou au moins quand on se rend à une remise de prix ne ferait que du bien à l’image de la profession et débarrasserait les auteurs de leur éternelle image d’ados attardés, et ce d’autant qu’ils ne font que demander d’être pris davantage au sérieux.

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      • Répondu par Milles Sabords le 26 janvier 2023 à  07:36 :

        C’est sa BD d’auteur qui est devenue populaire.

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      • Répondu le 26 janvier 2023 à  07:41 :

        Malheureusement, au prix où ils sont vendus, les romans graphiques ne sont pas de la BD populaire.

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        • Répondu le 27 janvier 2023 à  14:27 :

          Si vraiment on n’a pas d’argent et qu’on veut lire des romans graphiques, il existe les médiathèques et les bibliothèques municipales. La BD est populaire grâce aux bibliothécaires aussi !

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      • Répondu par Milles Sabords le 26 janvier 2023 à  07:41 :

        C’est sa BD d’auteur qui est devenue populaire.

        Répondre à ce message

  • Angoulême 2023 : Riad Sattouf Grand Prix 2023
    26 janvier 2023 07:06, par Grelots

    Prix bien mérité...

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