B-Side T.1 - Par Cocoro Hirai - Ki-oon

Rui est né dans une famille de musiciens. C’est donc presque naturellement que lui et son frère ainé sont amenés à devenir virtuoses à leur tour. Mais c’est une existence rude, rigoriste, … où seule l’excellence prime au détriment d’un environnement chaleureux et aimant. Les deux garçons ne connaissent de leur mère que les remarques incessantes, leur grand-père en est presque un dictateur, poussant les jeunes hommes à travailler sans relâche pour se faire un nom au piano ou au violon.

Alors quand, l’un comme l’autre, tentent de percer comme compositeur plutôt que de jouer inlassablement les mêmes grands classiques : c’est la guerre ! Yugo, l’aîné, quitte la maison familiale pour réaliser son rêve. Jouer dans un groupe, faire ses propres compositions. Rui est quant à lui trop jeune, alors il écrit en cachette la nuit, pour répondre aux attentes de sa famille, le jour. Il faut dire que, depuis sa plus tendre enfance, bercé par la passion qui anime ses aînés de génération en génération : le garçon a indéniablement du talent. D’autant plus qu’il renferme l’âme d’un brillant compositeur du passé.

À la limite de la schizophrénie, on le découvre en train de converser avec lui-même ; une voix, au début, hachée, lui parle de musique, impose le ton, la note, … jusqu’à ce que la silhouette floue prenne forme, petit à petit. Celui qu’on devine dans un premier temps, s’avère être "Beethoven" en personne, reconnaissable par sa stature noble, altière et sa tignasse qu’on imagine indomptable. C’est la magie graphique de Cocoro Hirai qui s’essaie, pour la première fois, à la réalisation complète d’un manga.

©Cocoro Hirai / Ki-oon

L’artiste s’était déjà fait connaître au dessin avec Sous un ciel nouveau et Les temps retrouvés, également aux éditions Ki-oon, mais c’est la première fois qu’elle s’attelle à l’entièreté d’une série, démontrant néanmoins un certain talent pour appâter le chaland. Outre des personnages assez réalistes, c’est l’atmosphère qui prédomine dans ce premier tome.

La musique est partout, palpable, sombre et violente à la fois, à l’instar de la puissance du compositeur allemand. Mais dans ce récit, Beethoven n’a jamais eu le succès qu’on lui connait. À cause de sa surdité, il a préféré se suicider avant de connaître la gloire, laissant derrière lui une œuvre inachevée. Son âme aura alors erré dans l’espoir de trouver quelqu’un pour terminer ce qu’il avait commencé. Rui est ce génie tant espéré. Alors le lecteur se retrouve à suivre ce duo atypique, menant une vie assez similaire, avec des siècles d’écart.

On le comprend d’autant mieux quand l’autrice, en interview à la fin de ce premier tome, évoque son travail sur cette série. Comme l’idée lui est venue, 10 ans plus tôt, l’envie de s’y remettre et de faire un parallèle entre ces deux hommes d’exception. Cette vie tourmentée, mais aussi et surtout, cette immersion dans la vie, pas toujours simple, des musiciens plongés dans le bain dès l’enfance, avec des parents exigeants.

Une nouvelle façon d’appréhender l’art, indéniablement, qui plaira autant aux amoureux de musique classique qu’aux néophytes.