Les auteurs sont en colère ! est le titre d’un article récent d’ActuaBD qui relate le coup de gueule des auteurs qui voient leurs dédicaces vendues sur les sites de vente en ligne... Pour faire d’abord le tour du problème, mettez-vous sur le même pied les dédicaces en festival et celles en librairie ?
Philippe Delbay : Ma foi, non. Dans la mesure où le libraire peut être sélectif dans sa clientèle et connaitre chaque personne invitée. Cela me semble plus compliqué dans un salon, mais une solution pourrait venir par la suite et on pourrait trouver un moyen de ne pas devenir impopulaires. C’est d’ailleurs peut-être un des buts de ce marché parallèle, allez savoir ! Cela augmenterait leur petit trafic...
De nombreux auteurs ont réagi au message de Philippe Xavier, exprimant leur déception, voire leur ras-le-bol, face à cette situation. Est-ce le moment de faire changer les choses ?
Delaby : Oui, c’est le moment pour entreprendre une révision du système, mais sans être impopulaires ! Cela ne sera pas facile. On fera certainement une table ronde avec d’autres auteurs très prochainement... Je sais que beaucoup sont partants pour une révision. Tout ça doit changer. Pas dans cinq ans, pas dans deux ans, mais maintenant !
Philippe Xavier : Il n’y a qu’à voir les réactions qui fusent de toutes parts : lecteurs, libraires, organisateurs et surtout auteurs. C’est le moment d’organiser tout cela de manière efficace et équitable, en gardant cet esprit convivial qui caractérise les festivals et qui fait de ces rencontres avec le lecteur un moment privilégié. Il ne faut pas oublier que ces déplacements sont longs et fatigants pour les auteurs ! Si le plaisir de rencontrer nos lecteurs se trouve gâché par ce genre de comportement, croyez-moi, on restera tranquillement chez nous à dessiner nos albums ou à vendre nos propres dédicaces sur Ebay ! (rires)
Vous évoquiez le principe des dédicaces payantes ? Cela pourrait fermer la porte à certains fans moins argentés et cela ne ferait que les affaires de revendeurs qui joueraient sur le phénomène de rareté et de prix.
Delaby : Aux USA, le procédé est adopté depuis longtemps et personne, là-bas, ne s’en offusque. Bon, cela n’empêche certainement pas des reventes, mais ça dissuade les importuns de faire leur petit business. Là-bas, ils sont plus procéduriers que chez nous ! Mais ici c’est l’Europe, la France, la Belgique… Je ne suis pas le seul dans le métier de la bande dessinée, et j’entends que tout le monde ne partage pas ce point-de-vue ! Je le redis, évitons d’être impopulaires ! Peut-être pensez-vous que je ne sais pas où me situer ! Delaby a les fesses entre deux chaises ! Je suis d’une nature plutôt explosive, un sanguin ! Et ce que je venais d’apprendre était la goutte qui a fait déborder le vase ! Comme dit le proverbe : " Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis." Mes propos seront donc plus mesurés dans quelques jours. Cependant, si je tombe sur la personne ou le groupe de personnes qui sévissent dans ce petit business, celles-ci devront en assumer les dures conséquences !
Philippe Xavier, pour éviter de retrouver les mêmes personnes à plusieurs séances de dédicaces d’affilée, vous avez opté pour le système du screening. Pouvez-vous nous l’expliquer ?
Xavier : En effet, je viens de faire trois séances de dédicaces à Bruxelles. J’ai donc demandé à nos amis libraires de se partager la liste des inscrits, bien trop longue pour satisfaire tout le monde, afin que chacun puisse obtenir une seule dédicace ! Pas deux, ni trois... Ce n’est bien sûr réalisable que pour les séances organisées en librairie, dans un périmètre géographique plus limité, mais je pense que cela a bien fonctionné et que chacun y a trouvé son compte.
Autre solution entendue, certains auteurs proposent de boycotter les festivals pour vendre eux-mêmes les dédicaces sur Internet, comme vous l’évoquiez tout à l’heure en riant. La méthode est dommageable car elle bafoue le lien privilégié de la rencontre entre l’auteur et le lecteur. Permettrait-elle pas de casser le marché parallèle des indélicats ?
Delaby : Il faut voir… C’est peut-être une réaction extrême, mais légitime. À votre avis et dès le départ, qui bafoue ce lien de confiance et d’échange ? Nous ne sommes pas nécessairement blindés contre ce genre d’individus et la blessure engendrée pourrait nous conduire à envisager avec plus de sérieux cette extrémité !
Xavier : Pourtant, cette méthode est très éloignée de l’esprit même d’une dédicace... Si je me déplace en festival, c’est avant tout pour passer un bon moment avec mes amis professionnels, rencontrer de nouveaux auteurs et bien sûr mon public. Offrir des dédicaces payantes sur le Net est juste un moyen d’arrondir ses fins de mois, et malheureusement, beaucoup d’entre nous en ont besoin. Je n’ai rien contre cette démarche mais, selon moi, elle n’est pas assimilable à une véritable séance de dédicace. Pour autant, si on devait pratiquer ce type de ventes directes, ni l’auteur, ni l’acheteur ne seraient grugés ou victimes de spéculateurs à la petite semaine !
Un autre problème est alors le souci des fausses dédicaces qui circulent sur ce genre de site, surfant sur le marché de la vente des authentiques. S’adresser à l’auteur ne reste-t-il alors pas la bonne (voire unique) solution ?
Xavier : On trouve vraiment de tout sur la toile ou chez des prétendus spécialistes ! C’est effrayant ! Dans mon cas, le plus simple, et cela m’est arrivé plusieurs fois, est de me contacter directement via mon blog ou facebook afin de vérifier l’authenticité du dessin que vous désirez acheter.
Delaby : Ah ! Les fausses dédicaces ! Ça, j’en ai connues et ces acheteurs-là sont encore plus cons que les autres ! (Je vais encore me faire des copains !) C’est stupide, d’autant plus qu’elles sont fort reconnaissables ! Une de mes signatures était carrément à l’envers ! Énorme !
Vous parliez d’une solution radicale. Avez-vous déjà contacté d’autres auteurs comme vous l’évoquiez ? Comptez-vous boycotter les festivals pour marquer l’opinion ?
Delaby : J’ai déjà contacté certains auteurs très proches. La suite viendra en son temps. Quant au boycott, cela pourrait être envisageable comme plan radical, mais nous n’en sommes pas encore là.
Il y a également l’idée de dédicacer avec le nom et le prénom, en indiquant la date et le lieu. Mais cela changera-t-il vraiment quelque chose ?
Delaby : C’est une bonne idée qui, par miracle, pourrait donner un état d’âme au potentiel escroc !
Xavier : Cela pourrait effectivement décourager certains acheteurs.... Dorénavant, auprès de ma signature, j’ajouterai le lieu et la date sur mes dédicaces, et non plus au crayon, mais au feutre. Et pourquoi pas un "ne peut être vendu". Je vais me renseigner auprès de ma maison d’édition pour voir ce que nous pouvons faire légalement afin d’éviter ces ventes de dédicaces sauvages, car elles restent avant tout des œuvres artistiques qui ne devraient pas être monnayées sans notre consentement.
Actuellement, certains libraires exigent l’achat supplémentaire d’un tirage de tête pour avoir accès à la dédicace, plutôt que de réaliser une réelle sélection à l’entrée. Une responsabilisation n’est-elle aussi nécessaire de ce côté ?
Xavier : Un dialogue plus systématique doit avoir lieu entre tous afin d’être justes et efficaces. Je remercie tous ceux qui sont devant ma table lors des dédicaces car je passe souvent un très bon moment en leur compagnie, comme ils peuvent le constater. Malheureusement, c’est vrai que les nouveaux visages sont rares...
Delaby : L’album "normal" est le plus lu, donc celui par lequel nous sommes le plus connus ! Disons que le tirage de tête doit être pour le libraire un moyen de se faire plaisir et de faire plaisir à sa clientèle dans un esprit de partage. Mais pour ma part, cela ne change rien à la rencontre qui dans un cas comme dans l’autre sera toujours source d’échange avant tout.
(par Charles-Louis Detournay)
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Lire notre article traitant des ventes de dédicaces
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