Mounia et Léo sont las de subir les conséquences de la bêtise des adultes qui les entourent. Parents ou voisins, ils sont affligeants mais inconscients de l’inanité de leur comportement. Alors les deux enfants décident d’agir, en commençant par dresser une liste fatidique. Leur objectif est de se débarrasser des nuisances, purement et simplement. Une mise sur orbite semble se préparer... Et certains n’auront pas fini de tourner !
Mais, et c’est justement ce qui fait le sel de toute-bonne connerie : elle est imprévisible. De plus, c’est bien connu, le con « ose tout », qu’il soit de la dernière averse ou des neiges d’antan, et c’est même à ça qu’on le reconnaît. Le plan des deux copains d’immeuble risque donc fort d’être contrarié. La moindre rencontre s’avère ainsi perturbatrice. Au-delà, chaque personnage croisé signe une magistrale connerie, qui souvent en entraîne une autre... Un véritable effet domino.
C’est tout un quartier qui se retrouve en effervescence. Entre les barres d’immeuble, sur le marché, à la supérette, au commissariat, dans les foyers, chacun y va de son ânerie. Jusqu’à ce que certains des habitants perdent leurs nerfs. Entre les petites bévues, les grosses gaffes, les préjugés honteux et les remarques acerbes, il y a de quoi remuer les esprits.
Mounia et Léo parviendront-ils à faire retomber la tension et à venir à bout des tombereaux de bêtises qui les environnent ? Leur pari est osé, mais peut-être réussiront-ils au moins à éclaircir, pour un temps, leur horizon.
Théa Rojzman au scénario et Abdel de Bruxelles (accompagné de Rémy Benjamin pour les couleurs) signent Dominos, bande dessinée rythmée, colorée et pleine d’humour. À partir d’une idée simple mais indubitable - chacun est le con de quelqu’un d’autre - et de quelques personnages bien sentis, ils mènent tambour battant une histoire à rebondissements, enchaînant les gags et les bons mots.
Sans moralisme, ils en profitent pour distiller quelques idées qui pourraient justement aider à lutter contre la connerie. À l’opposé d’une vision manichéenne du monde, ils montrent que personne n’est parfait. Mais il ne s’agit pas pour autant d’une démonstration didactique. La scénariste et le dessinateur s’amusent avec leurs personnages, les employant parfois à contre-emploi, n’hésitant pas à les faire évoluer et leur insufflant une fantaisie qui permet de ne pas verser dans la caricature.
Le lecteur s’amuse également. Si nous pouvons en apparence catégoriser les personnages, ils ont tous au moins un détail qui les fait sortir de l’ordinaire. Les relever fait partie du jeu et de la lecture, comme la possibilité de retracer les différentes rencontres. Le tout est très dynamique : les rares temps morts permettent simplement de ménager les effets de surprise et les dialogues fusent, sans pour autant être invasifs. Le trait souple et les couleurs fraîches et joyeuses ajoutent encore à la vivacité de l’ensemble.
Dominos est une bande dessinée qui plaira aux jeunes adolescents comme eux lecteurs plus âgés, grâce à sa modernité, son esprit farfelu dans un contexte semi-réaliste et son rythme endiablé. Mais il y aura bien des cons à qui cela ne plaira pas.
(par Frédéric HOJLO)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Dominos - Par Théa Rojzman (scénario) & Abdel de Bruxelles (dessin et couleurs avec Rémy Benjamin) - Audie-Fluide Glacial - 22 x 29 cm - 48 pages couleurs - couverture cartonnée - parution le 5 juin 2019.
Consulter le site de Théa Rojzman & lire quelques pages de l’ouvrage.
Lire également sur ActuaBD :
Le Carnet de rêves - Par Théa Rojzman - La boîte à bulles
Mourir (ça n’existe pas) – Par Théa Rojzman – La boîte à Bulles
"Emilie voit quelqu’un" : une lecture qui vaut bien une séance chez le psy
"Féministes" (Vide Cocagne) : des récits militants éclairés et éclairants
![Serge Monfort : « En lisant, l'enfant devient le chien, comme il deviendrait chevalier dans une BD médiévale ! » [INTERVIEW]](local/cache-gd2/07/a53eabf15a5df16adbd03466676855.jpg?1713070409)
