“Fleur de Prunier" ou : le petit manuel pour adopter un enfant dans la Chine des années 90

L’histoire se déroule en 1990, quelques mois après les événements de la Place Tian’anmen, à une époque où adopter un enfant en Chine nécessitait de respecter trois règles essentielles : payer les chauffeurs de taxi en cigarettes américaines, recruter des étudiants pour assister aux réunions avec les fonctionnaires et éviter les attroupements, toujours surveillés par police politique. Maou nous fait vivre son expérience personnelle d’adoption à travers le regard de sa mère, nous permettant de vivre son choc des cultures (et des périples bureaucratiques !).

Révélée par sa victoire au concours "Dessinateurs de demain" en 2013, Maou démontre une fois de plus son talent avec son dernier album. Ses personnages, aux traits d’animaux, apportent une dimension visuelle particulière à son histoire, qui parfois peuvent confondre les lecteurs de par l’abondance de personnages au long du récit. Cependant, son graphisme en noir et blanc permet de dégager l’élégance d’un trait bien soigné.

Fleur de Prunier, par Maou. Éd Antipodes

Contrairement à l’idée reçue, l’adoption en Chine au début des années 1990 n’était pas une tâche aisée pour les européens. Dans un pays refermé sur lui-même après la répression de Tian’anmen, les étrangers étaient rares et les obstacles à l’adoption nombreux, malgré les conditions lamentables des orphelinats. En mettant en lumière les conséquences de la politique de l’enfant unique, l’album révèle le destin tragique des fillettes abandonnées et décédées dans de bien tristes conditions en raison de cette politique qui favorisait les garçons.

À travers ses parents bourgeois de Paris, nous voyons les contradictions d’une société autoritaire et asiatique, cherchant sa voie vers la modernité à l’européenne. Des petites magouilles avec les chauffeurs de taxis aux grands enjeux idéologiques, nous découvrons une cohorte de personnages ayant aidé le jeune couple en détresse à trouver la voie vers Meili (Fleur de prunier), malgré les risques et la paranoïa généralisée.

Le chaos et les tribulations de sa mère, Annick, nous sont partagés à travers les dialogues, mais aussi par le trait parfois fébrile et les compositions qui utilisent des perspectives angulaires et en contre-plongée, peuplés de phylactères qui évoluent au sein de la case. Le tout nous donnant la sensation de traverser des moments incertains, où tout peut changer à la merci du hasard et de bureaucrates (surtout des bureaucrates !).

Fleur de Prunier, par Maou. Éd Antipodes

Album touchant qui explore les thèmes universels de l’adoption, des rencontres culturelles et de l’identité, le récit personnel de Maou nous offre une histoire émouvante, portée par un graphisme séduisant, plein d’humour, dosant avec tact gags et tension dramatique.

Et pour ceux qui veulent y plonger un peu plus, l’autrice a étoffé le bouquin avec de nombreuses recommandations de lectures, documents historiques et autres informations sur les sujets abordés.

Fleur de Prunier, par Maou. Éd Antipodes