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Jean-Louis Dauger (Michel Vaillant) : « Dupuis avait conscience du potentiel de la marque "Michel Vaillant" et était décidé à s’investir à partir du moment où il en détiendrait les droits »

Par Charles-Louis Detournay le 5 octobre 2020                      Lien  
Suite au rachat de Graton Éditeur par Média-Participations, Jean-Louis Dauger est devenu le directeur de la marque et du développement de Michel Vaillant. Ce dernier nous explique comment la transition s'est mise en place et quels sont ses objectifs pour le futur.

Commençons par un retour en arrière si vous le voulez bien : pouvez-vous rappeler au lecteur votre parcours et comment a débuté votre collaboration avec la famille Graton ?

Bien sûr ! J’ai travaillé vingt ans chez Renault, puis cinq années chez Eurosport Events en tant qu’expert en sports mécaniques. L’automobile fait donc partie intégrante de mon univers. Je suis aussi à ce titre un grand fan de Michel Vaillant.

En 2011, Philippe Graton et moi avons fait connaissance autour d’un premier projet commun. J’étais alors patron d’Eurosport Events, et j’ai proposé à Philippe de réaliser un album sur le WTCC (le Championnat du Monde de Voitures de Tourisme), organisé par Eurosport. En lien avec La Nouvelle Saison (ou Saison 2) de Michel Vaillant, nous avons fait participer à l’une des courses WTCC une vraie voiture reprise sous le nom de Vaillante. Un projet qui a dépassé nos espérances, car cette voiture a remporté la course ! Monter ensemble sur le podium avec une écurie Vaillante a bien entendu resserré les liens entre nous !

Jean-Louis Dauger (Michel Vaillant) : « Dupuis avait conscience du potentiel de la marque "Michel Vaillant" et était décidé à s'investir à partir du moment où il en détiendrait les droits »
Jean-Louis Dauger, sur le stand des "Michel Vaillant Art Strips" au Grand Palais en 2019.

Est-ce à la suite de la réussite de ce premier projet que Philippe Graton vous a proposé de le rejoindre ?

Oui, il y a six ans, Philippe Graton avait effectivement le souhait de redynamiser l’entreprise Graton Éditeur. De plus, ses enfants ne voulaient pas prendre la suite, et Philippe souhaitait aussi se consacrer à d’autres activités comme il vous l’a expliqué.. Je suis donc arrivé au bon moment pour l’épauler, tout simplement.

Mon travail consistait donc à développer Michel Vaillant en tant que marque, et de la faire rayonner. Pendant la réalisation du tome 6 de Saison 2, à savoir l’album Rébellion, nous avons fait rouler des Vaillante aux 24 Heures du Mans, et l’année suivante, nous avons fait de même avec une autre voiture inscrite à la course du Championnat du Monde de Formule 3 qui se courrait à Macao, titre d’ailleurs du septième album.

Philippe Graton et Jean-Louis Dauger avec les pilotes de l’équipe Vaillante-Rébellion aux 24 Heures du Mans 2017
Photo © Eric Fabre

Vous vous êtes aussi occupé des Michel Vaillant Art Strips dont nous avons encore récemment parlé à nos lecteurs ?

En effet, Philippe savait qu’on pouvait se positionner sur ce segment. Mon idée a donc été de travailler avec Dominique Chantrenne le graphisme de Jean Graton comme un style artistique à part entière. Cela rejoignait l’idée de repositionner la marque auprès du grand public, pas uniquement autour de la bande dessinée. L’objectif était de montrer que Jean Graton est un vrai artiste, au-delà d’un auteur de BD.

Bref, pendant cinq ans, j’ai été en charge du Business développement, un travail de l’ombre, mais que j’ai réalisé avec beaucoup de plaisir, car collaborer avec Philippe était très harmonieux : nous avons accompli un super-travail ensemble.

Jean-Louis Dauger
Photo : Charles-Louis Detournay

Après cette montée en puissance, Philippe Graton avait également un autre objectif : vendre la société à une entreprise qui garantirait sa pérennité…

Vous avez entièrement raison. Il y a dix-huit mois, il a décidé que c’était le bon moment pour mettre Graton Éditeur en vente. Maintenant que toutes les idées étaient développées, il pouvait la vendre à une entreprise qui pourrait continuer à la faire prospérer dans la direction où nous nous étions engagés.

Plusieurs sociétés étaient intéressées. Il fallait réunir plusieurs conditions : tout d’abord, Philippe ne voulait sortir du paysage que s’il était rassuré quant au suivi de ce que son père avait créé ; j’étais intéressé à rester à bord. Les trois repreneurs potentiels étaient d’ailleurs demandeurs que je poursuive l’aventure.

Finalement, Dupuis a été préféré. Cela faisait plusieurs années que je travaillais avec eux, et j’avais non seulement acquis la certitude qu’ils respectent Michel Vaillant, mais aussi qu’ils avaient conscience du potentiel de la marque et qu’ils étaient décidés à en faire plus à partir du moment où ils en détiendraient les droits. Même si Dupuis était l’éditeur de La Nouvelle Saison, il y a encore une nette différence entre le rôle d’éditeur, et celui qui détient les droits à part entière. Ils s’étaient auparavant logiquement limités, mais ils étaient maintenant prêts à s’investir totalement, je le sentais. La décision finale a donc été prise en décembre dernier. Le temps de régulariser les statuts au Moniteur belge et la vente a été effective en février dernier, juste avant le confinement.

Quel est votre rôle au sein de cette nouvelle organisation chez Dupuis ?

J’ai signé un contrat de cinq ans, en tant que directeur de la marque et du développement de Michel Vaillant. Pour parler concrètement, Julien Papelier, le président de Dupuis, me voit comme le patron du personnage dans Média-Participations concernant les bandes dessinées et les autres développements, une sorte de patron d’IP [NDR : Intellectual Property]. Ce qui ne modifie pas la situation concernant les Michel Vaillant Art Strips, car je les commercialisais déjà via ma société Art Dynamics.

Michel Vaillant Art Strips : Le Raidillon. Pour la troisième épreuve du ″Grand Défi », Michel Vaillant et Steve Warson découvrent le circuit de Spa-Francorchamps et son virage mythique, le Raidillon de l’Eau Rouge.

À ce propos, comment se portent les Michel Vaillant Art Strips ?

En cinq ans, cet immense succès a permis de remettre dans l’esprit des gens ce qu’est Michel Vaillant, également dans son rôle de personnage historique, et de redorer l’esprit de Michel Vaillant dans l’absolu. Je pense que nous avons d’ailleurs toujours un potentiel de progression avec encore beaucoup de personnes qui aimeraient afficher l’une de nos réalisations chez eux ou dans leur lieu consacré à l’automobile.

Avoir limité le nombre de tirage en a renforcé l’intérêt. Ainsi la plupart des tirages à trente exemplaires sur plexiglas sont épuisés. Sans oublier le développement de la Box avec ses quatorze petits tirages de format 30x30cm qui a connu un beau succès avec la version collector de 300 exemplaires.

En définitive, l’engouement ne baisse pas : les personnes en rachètent et j’accueille en permanence de nouveaux clients qui se manifestent. Nous avons donc tenu le pari : réaliser un hommage à Jean Graton et redynamiser la marque dans le même temps.

Vous avez encore récemment sorti de nouveaux visuels. Avez-vous encore d’autres objectifs en ce qui concerne ces réalisations artistiques ?

Je voudrais internationaliser ce marché. Nos clients restent en effet très francophones. Mais je suis certain qu’un marché existe au-delà de ces frontières. Car loin de se focaliser sur les connaisseurs de Michel Vaillant, les Art Strips intéressent plus globalement tous les fans de sport automobile.

L’un des deux nouveaux "Michel Vaillant Art Strips"

Et maintenant ? Six mois après le rachat, tous les secteurs de Dupuis se mettent en marche autour de Michel Vaillant ?

Oui ! Par exemple, Michel Vaillant a intégré l’action que Dupuis réalise auprès du « Bon Marché », le grand magasin sur la rive gauche de Paris. Cela souligne la différence de positionnement suite au rachat. Média-Participations a maintenant complètement intégré Michel Vaillant dans sa stratégie de communication et de développement, certainement car la série et le personnage représentent pour eux un moyen d’atteindre un public différent et complémentaire de leurs clients habituels.

Plus globalement, mon rôle consiste à piloter ce plan stratégique de développement et d’intégration pour qu’il fonctionne à tous niveaux.

Michel Vaillant au Bon Marché jusqu’au 18 octobre

Que prévoyez-vous en termes de publication en bande dessinée ? Allez-vous monter en régime ?

Oui, nous allons accélérer le nombre d’albums réalisés, à plus d’un par an. Il est encore un peu tôt pour vous en dire plus car nous sommes encore en phase d’élaboration. Mais disons que nous voudrions remettre en avant des personnages secondaires qui valent la peine de s’y intéresser. Et des dossiers complémentaires autour de l’univers.

Nous allons également prolonger notre gamme de produits dérivés, qui possède déjà une forte légitimité dans le monde du sport automobile. Par exemple, avec la vente de mini-casques au 1/12e qui racontent toute l’histoire de Michel Vaillant, un travail réalisé avec un créateur français ultra-motivé JFC Créations, ce qui nous permet de retracer tout le parcours du personnage. Une légitimité renforcée car nous avons déjà vendu de vrais casques utilisables pour deux roues de la marque Veldt.

Il y aura encore d’autres produits dérivés, n’est-ce pas ?

Oui, nous voulons développer des produits en adéquation avec la marque, tout en cherchant à bien respecter Michel Vaillant et le mettre en valeur avec des produits de qualité. Nous avons ainsi présenté il y a quelques semaines une combinaison Michel Vaillant (de la marque RRS) pour la course automobile et qui bénéficie d’une homologation de la FIA, comme les gants Michel Vaillant par la même occasion. Et depuis le 19 septembre, des chaussures Caval Michel Vaillant sont aux couleurs du logo de l’écurie, dépareillées et comportant de multiples détails clins d’œil à la série.

Allez-vous nouer des partenariats comme Jean Graton le faisait par le passé ? Avec le circuit Paul Ricard par exemple ?

Tout-à-fait, nous venons d’ailleurs de réaliser un dossier Michel Vaillant pour les 50 ans du Circuit Paul Ricard. Nous avons d’autres partenariat en cours, dont Dunlop, et Nissan pour lesquels nous réalisons un dessin de chaque course de Formula E (Championnat du Monde de monoplaces électriques). Il nous arrive aussi de faire des albums publicitaires sur commande dans l’esprit de Michel Vaillant. Par exemple, le dernier en date contient une douzaine de pages et a été demandé par une écurie de course GPX-Racing qui a gagné les 24h de Spa-Francorchamps de 2019 : ils le souhaitaient pour 2020 pour célébrer leur précédente victoire.

Nous serions très tentés par une série TV, mais cela reste l’un de nos objectifs de longue haleine. Tout l’enjeu est de réaliser une bonne et une belle série autour de Michel Vaillant, car une grande force réside dans ce rapport que le personnage a toujours entretenu entre fiction et réalité. Un aspect sur lequel j’ai accéléré le focus depuis le début de mon travail comme je le précisais, avec l’album Rébellion et tous les croisements entre fiction et réalité. C’est le meilleur terreau pour une série qui ait de l’allure et qui fonctionnera. Michel Vaillant existe déjà tellement dans la réalité de nos vies, que souvent on nous demande quand Michel viendra lui-même pour dédicacer. J’espère que cela sera le cas prochainement…

Photo : © Germain Hazard

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

(par Charles-Louis Detournay)

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