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La bande dessinée africaine au coeur de BD 2020

Par Klara LESSARD le 21 novembre 2020                      Lien  
BD 2020 s’associe à la Saison Africa 2020 pour faire découvrir la bande dessinée africaine qu'ActuaBD n'ignore pas depuis longtemps. L’occasion de mettre à l’honneur un art et des artistes trop méconnus de ce continent afin de rendre compte de la diversité et de la richesse de ses influences et de ses œuvres et, au passage, de se dégager de la vision ethnocentrée de la culture BD classique. Pour ce faire, expositions et festivals avec les différents partenaires de l'évènement sont à découvrir pendant plusieurs mois. On en profite pour revenir sur les difficultés auxquelles le 9e art africain est confronté malgré son immense potentiel créatif.

Le président Emmanuel Macron déclarait en novembre 2017, à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso : « Je considère que l’Afrique est tout simplement le continent central, global, incontournable car c’est ici que se télescopent tous les défis contemporains. C’est en Afrique que se jouera une partie du basculement du monde."

Initiée par le chef de l’État français, Saison Africa est un projet hors normes qui réunit 54 États autour des grands défis contemporains internationaux : l’économie, les différents points de vue sociétaux, les arts et l’art de vivre. Et qui dit art ne peut plus désormais écarter le 9e !

À l’occasion, trois institutions partenaires vont promouvoir l’événement : la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image (CIBDI), l’Institut français du Congo à Brazzaville (Bilili BD Festival) et l’Institut français d’Afrique du Sud. La bande dessinée africaine mérite amplement cette mise en lumière, on pense à des auteurs reconnus comme l’Ivoirienne Marguerite Abouet, le Gabonais Pahé ou encore le Béninois Hector Sonon.

La bande dessinée africaine au coeur de BD 2020
Hector Sonon
Photo : DR

Pour ce dernier, la BD africaine souffre de plusieurs maux chroniques. Il déclarait en 2013 pour ActuaBD : « Pour résumer, il faudrait d’abord trouver le modèle économique pour développer le secteur de la BD, adapté au pouvoir d’achat des Africains. Ensuite, il faudrait familiariser le jeune lectorat avec la BD. En donnant le goût aux jeunes, on créera de nouveaux lecteurs qui auront envie d’acheter des BD. Dans plusieurs pays d’Afrique, il y a des classes intermédiaires qui se développent, les gens travaillent et gagnent de l’argent. Tôt ou tard, le grand public consommera des bouquins en masse. »

Pourtant, ce ne sont pas les talents en Afrique qui manquent, les auteurs cités précédemment mais également une nouvelle génération engagée, très bien accueillie sur le continent et également en France avec Annick Kamgang, autrice de Lucha, chronique d’une révolution sans armes au Congo ou encore Didier Kassaï, auteur de Tempête sur Bangui. Dans une interview donnée à Africultures Annick Kamgang disait : J’ai toujours dessiné mais ne savais pas que l’on pouvait en faire un métier. C’était plus pour moi un loisir qu’autre chose relevant, comme Hector Sonon, le problème de l’édition et de la diffusion en Afrique.

Extrait de Lucha d’Annick Kamgang
© La Boîte à Bulles

En effet, ce n’est pas la première fois que le problème de l’édition de BD à l’étranger est pointé, l’auteur espagnol Juanjo Guardino nous confiait récemment que "tous les auteurs espagnols ont été confrontés au même choix : soit travailler pour le marché américain, soit travailler pour le marché francophone car ce sont les deux seuls marchés qui peuvent nourrir leur homme, notamment au niveau des droits d’auteur", il en est de même pour les auteurs africains francophones.

La porte du marché franco-belge est-elle ouverte pour autant ? Petit à petit, on voit des maisons s’ouvrir à des ouvrages d’auteurs du continent voisin comme les éditions de l’Harmattan qui réunissent une quarantaine d’ouvrages du genre cornaquée par Christophe Cassiau-Haurie, spécialiste de la bande dessinée africaine, auteur de l’essai Quand la BD d’Afrique s’invite en Europe. Alors que sur le continent, c’est la bande dessinée alternative et l’édition indépendante qui commence à structurer la proposition éditoriale.

Le manque de diffusion et d’éditeurs spécialisés s’explique par un lectorat limité, notamment à cause des prix européens pratiqués, d’où le succès des mangas qui se développent en Afrique autant qu’ailleurs, à des prix plus abordables que les autres formats BD. Pourtant, les Africains ont également leurs héros de BD : Yirmoaga au Burkina Faso, Dago et Monsieur Zézé en Côte-d’Ivoire, Boy Melakh et Goorgoorlou au Sénégal ou des figures du panafricanisme et de l’émancipation comme le mythique Black Panther de la galaxie Marvel.

©Inter Afrique Presse Abidjan
Appolos Beugré et Maïga

Un point où nous ne sommes pas d’accord avec Hector Sonon : " Je crois qu’il faut arrêter d’organiser des festivals BD en Afrique ". En effet, les festivals sont un moyen formidable pour diffuser et promouvoir le 9e Art même si ce n’est sûrement pas la priorité économique de ces pays souvent en difficulté économique. ActuaBD a été partenaire de MboaBD et nous avons pu y constater à quel point c’est un outil de promotion essentiel pour la production indépendante, une occasion de rencontrer les artistes, les diffuseurs, les libraires, les éditeurs étrangers. Si ces festivals se multiplient sur tout le continent, nous sommes sûrs qu’une 9e art africain finira par s’imposer.

Pour en revenir à l’évènement, trois temps forts vont prendre place durant la Saison Africa 2020 ou plutôt 2021, en raison d’un aménagement du calendrier dû à la crise de la Covid. Une exposition virtuelle "Afroplitain Comics" conçue dans le cadre du National Arts Festival de Johannesburg 2020, disponible maintenant en ligne en version française. Cette rétrospective nous permet de découvrir l’imaginaire de 16 talentueux artistes dont le Sud-africain Loyiso Mkize ou l’Algérien Togui rassemblés en trois thématiques « Autobiographie », « Héros et Histoire », et « Folklore et Futur ».

Dans le même temps au Congo, en partenariat avec l’Institut français de Brazzaville s’organise la 5e édition de Bilili ("dessins" en lingala) BD festival, un festival international de la bande dessinée. Du 1er au 5 décembre 2020, le festival congolais va réunir des artistes locaux et internationaux autour de la créativité graphique. Ce festival multiculturel permet d’échanger et découvrir de nouvelles images. Cette année est placée sous la thématique « Le monde de demain : hyper connecté ou hyper isolé », une occasion de repenser l’avenir et les changements futurs dans un contexte post-Covid. En attendant impatiemment ce « monde d’après » le festival se fera essentiellement de manière digitale avec, au programme : expositions, rencontres d’auteurs, dédicaces, conférences-débats, master classes, salon des éditeurs, cosplay et concours BD.

Enfin, à la Cité de la BD d’Angoulême, vous pourrez admirer du 27 janvier au 26 septembre 2021 l’exposition « Kubuni ("création imaginaire" en swahili), les bandes dessinées d’Afrique.s » sous forme de roadmap qui se déploie autour de trois grands axes à la découverte des BD de l’Afrique subsaharienne d’hier, d’aujourd’hui et de demain en utilisant plusieurs supports : les albums classiques, les journaux et le numérique.

La bande dessinée francophone s’ouvre au monde, devenant la terre d’accueil de nombreux artistes d’Afrique et cela fait plaisir. Voilà qui changera du Tintin au Congo d’Hergé...

(par Klara LESSARD)

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6 Messages :
  • La bande dessinée africaine au coeur de BD 2020
    29 novembre 2020 12:16, par J Chanson

    Une erreur dans l’article : La collection L’Harmattan BD compte maintenant plus de 40 titres et non une trentaine. La seule collection dédiée à la BD africaine existant en France aurait méritée un peu plus de place.
    Le terme "cornaqué" au lieu de "dirigé" me gêne un peu...

    Répondre à ce message

    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 29 novembre 2020 à  12:25 :

      Bonjour Jean-François. Nous n’avions pas compté précisément, d’où l’erreur de calcul que nous corrigeons avec diligence. En revanche, le terme "cornaquer", certes familier, signifie : "Conduire quelqu’un, lui servir de guide." C’est ce que fait avec talent votre directeur de collection. Pardon, mais nous le maintenons : nous préférons éviter que nos article soient tous rédigés dans une "écriture blanche"...

      Répondre à ce message

    • Répondu par Barly Baruti le 2 décembre 2020 à  19:38 :

      Au niveau des "auteurs africains reconnus" (... en Occident), bien que la liste ne doit pas être absolument exhaustive, j’estime qu’il y a en un peu plus que ça : Al’ Mata, Simon Mbumbo, Christophe N’Gallé, Serge Diatantu, Pat Masioni, Albert Tshiswaka et autres ... méritent d’être cités comme étant des auteurs africains présents sur le marché de la BD. Le Monde de la BD d’Afrique doit se créer lui-même des opportunités pour se faire "connaître". Il y a des tentatives mais c’est encore timide.

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    • Répondu par jchanson le 5 décembre 2020 à  06:55 :

      On aurait aimé savoir pourquoi Hector Sonon n’aime pas les festivals de BD en Afrique. D’expérience, souvent, ils attirent peu de public, récupèrent des subventions qui auraient pu aider à l’édition et les auteurs, avec une tendance des organisateurs des différents festivals à s’inviter les uns les autres... D’abord créer un marché avant de le mettre en avant.

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      • Répondu par ALLADAYE le 29 janvier 2021 à  05:28 :

        salut a tous.
        En fait la bd africaine souffre plus d’un manque d’identité. Les auteurs africains qui font de la bd sur le continent et qui ont la possibilité de fonctionner en indépendant doivent définir une bd qui n’est pas à ranger sous les autres types de bandes dessinées du monde car être bédéiste sur un continent qui connaît des difficultés économiques tel que l’Afrique relève pour ma part relève plus d’un engagement dans la cause de la bd car tres peu de bédéistes sur le continent peuvent dire qu’ils vivent vraiment de leur art. sI NOUS DEVONS RESTER D’ETERNELS COLONISES NOTRE BD EST ALORS SOUS DOMINATION. c’est pour cela que étant des professionnels de la bd nous qui pouvons faire une production indépendant devons identifier nos BD PAR UN "Signe" qui nous classe d’office dans la catégorie "Bande Dessinée Africaine". Ce travail d’identité se doit d’être pris au sérieux autrement nous manquons de personnalité.
        Hodall Beo Bédéiste.Auteur de "MOTO TAXI" l’HarmatanBD

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