Le Genre du Capital – Par Céline Bessière, Sibylle Gollac et Jeanne Puchol - Delcourt

Pourquoi l’égalité hommes/femmes, inscrite dans la loi, se heurte dans les faits à tant d’inégalités économiques lors des séparations conjugales et des successions ?

C’est à partir de cette intrigue que les sociologues Céline Bessière (Paris Dauphine) et Sibylle Gollac (CNRS, Paris 8) abordent le sujet. Elles sont les autrices d’un ouvrage issu d’une recherche de près de vingt années, publié à La Découverte en 2020. Elles ont suivi couples et adelphies dans leurs rapports avec la justice, quand il est question de partager et de transmettre un patrimoine.

Cette enquête est désormais adaptée en bande dessinée par Delcourt, dans le cadre de sa nouvelle collection dirigée par l’historien Sylvain Venayre, centrée sur la valorisation de travaux académiques, également inaugurée avec Cerveaux augmentés.

Le sujet est passionnant et montre à quel point inégalités de genre et inégalités de classe se renforcent mutuellement et, qu’au sein de classes sociales équivalentes, elles s’insinuent dans la famille, institution qui, bien que souvent brandie comme une cellule imperméable au monde social, est celle où naissent et se reproduisent toutes les formes de domination.

Primogéniture masculine dans les successions, biais misogynes dans le jugement des divorces (y compris de la part de femmes), travail domestique féminin invisibilisé (et non comptabilisé), magistrats peu au fait des réalités sociales de leurs clients... Les exemples abordés illustrent un travail au long cours des deux chercheuses, faits d’entretiens et d’observations dont on imagine que les conditions ont été difficilement négociées.

Sur la forme, l’album est décevant. La couverture, souple, est très colorée mais laisse ensuite place à aux planches en noir et blanc de Jeanne Puchol qui, bien que très réussies et réalistes, offrent un surprenant contraste.

L’écueil principal se trouve dans la narration, principalement confiée à des chats, issus de divers milieux sociaux : chats de gouttière ou félins racés, ils discutent dans la rue ou sur les toits, avant et après la présentation de quelques (courts) cas concrets. Ils apportent quelques éclairages factuels et juridiques et ont sans doute été introduits pour alléger le récit, mais leurs échanges ne sont guère convaincants et ont plutôt tendance à casser la narration. À vrai dire, on ne comprend pas que leurs propos ne soient pas mis dans la bouche des chercheuses qui, elles, sont à la fois incarnées à travers des échanges issus d’une réunion Zoom, mais sont aussi comme robotisées, car sans expression faciale.

Le rythme est donc bien souvent coupé, et on n’a pas vraiment l’impression d’entrer pleinement au cœur des situations et des problématiques abordées. C’est bien dommage tant le sujet soulève d’importants enjeux.