Actualité

Let’s Talk KOCCA 2022 : un webinaire à l’heure du webtoon et de la culture coréenne

Par Auxence DELION le 17 décembre 2021                      Lien  
Du 30 novembre au 2 décembre 2021 s'est tenu un webinaire de la KOCCA (Agence coréenne des contenus créatifs) : "Let's Talk", dans lequel des experts européens de l'industrie du dessin animé, du webtoon, du jeu vidéo et de la diffusion/distribution se sont réunis pour parler de l'avenir du contenu coréen en Europe. Il a notamment été posé la question de l'engouement du public européen pour le webtoon, à travers une problématique globale : la popularité des webtoons peut-elle dépasser le statu quo actuel et s'installer en tant que genre ? Le modèle du manga et de l'animation japonaise est évidemment en ligne de mire... Petit tour d'horizon...

Après une introduction de SE M. Dae-Jong Yoo, ambassadeur de la République de Corée en France, le premier intervenant à prendre parole est Kim Hyung-Rae. Ancien DG de Delitoon et aujourd’hui PDG Europe de Piccoma, la plateforme leader dans la lecture numérique de mangas et de webtoons au Japon et dans le monde, filiale française et européenne du groupe Kakao, il est le premier des interlocuteurs du Let’s Talk.

Celui-ci explique que la France s’intéresse au numérique depuis les années 2010, mais que ce format peine à démarrer. Selon lui, jusqu’ici, cette pratique déplaisait au lecteur français et le rythme de publication des webtoons, d’environ un épisode par semaine, était incompatible avec celui des Européens. Mais le webtoon est en train de changer la donne : les acteurs français du numérique ont réellement commencé à s’y intéresser vers 2014-15, avec l’entrée en scène de poids lourds comme Media Participations ou Delcourt.

Let's Talk KOCCA 2022 : un webinaire à l'heure du webtoon et de la culture coréenne
Kim Hyung-Rae
© KOCCA 2022

En France, constate M. Kim Hyung-Rae, la bande dessinée reste majoritairement dédiée à un marché du papier. Pour que le webtoon grandisse en France, et plus généralement en Europe, il faut des titres-phares capables d’influencer la pop culture, d’une puissance comparable à l’exemple de Solo Leveling. Piccoma Europe a d’ailleurs l’intention d’importer le modèle japonais en France dès la fin de cette année 2021, l’objectif étant d’y trouver une synergie entre le secteur de l’édition et celui du webtoon, dans la mesure où le webtoon et le manga sont selon lui complémentaires et non opposés. Piccoma compte en conséquence proposer sur sa plateforme le meilleur des contenus japonais, coréens ou autres.

Comment s’imposer sur le marché français ?

Le second interlocuteur du Let’s Talk de la KOCCA est Didier Pasamonik, DG de l’Agence BD et directeur de la rédaction d’ActuaBD, que nos lecteurs connaissent bien.

Faisant un bref historique, il rappelle comment le manga s’est implanté en France, produisant depuis le début des années 1990 un flux continu de publications, dans le format très rentable du livre de poche en noir et blanc. Il ajoute que les Japonais ont réussi en leur temps à imposer leur soft power culturel grâce à un événement qui faisait la promotion de leur mode de vie global, la Japan Expo, sachant que le moindre petit village français a son club de judo depuis des décennies. Un chemin que devrait emprunter, selon lui, la Corée du Sud.

Didier Pasamonik
© KOCCA 2022

Il appelle à un véritable échange entre les deux pays, les auteurs coréens comme les auteurs français opérant comme les véritables ambassadeurs de leurs identités, comme cela a été le cas avec Kim Jung-Gi en France. Avec un écueil à éviter toutefois : celui de respecter les éditeurs français qui contrôlent un des réseaux de libraires parmi les plus denses au monde. Ce long chemin passe par une compréhension du fonctionnement des marchés de part et d’autres, et des alliances entre auteurs et éditeurs coréens et français. En résumé, de faire circuler les créations à l’exemple du Transperceneige (Snowpiercer) en passant d’un album français à un film coréen, ou de Solo Leveling, un webtoon devenu un succès "papier" en France grâce au savoir-faire de son éditeur français (K-Comics, Delcourt).

Drawing Show du dessinateur coréen Kim Jung-Gi à la galerie Maghen à Paris
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Autre détail qui a son importance, celui d’assurer que le Coréen soit enseigné en France et inversement le français en Corée, afin que les traductions soient justes et fidèles. Un échange qui permettrait, dans un système croisé de résidences, de faciliter le repérage des œuvres de qualité dans leur langue originale et les traduire efficacement.

Les atouts des webtoons coréens et les genres préférés des consommateurs européens

C’est Pascal Lafine, directeur éditorial de Verytoon, plateforme de distribution de webtoons de Delcourt, qui anime cette troisième partie.

Selon lui, deux genres fonctionnent très bien dans le webtoon en France : la Fantasy et les récits d’action pour les lecteurs, et les histoires de réincarnations, souvent dans des univers parallèles, pour les lectrices.

Le webtoon intègre beaucoup de faits et d’usages modernes : les jeux vidéo, les smartphones, la réalité virtuelle, etc., ce qui touche un public nouveau et connecté. Si Verytoon était d’abord spécialisé dans le drama coréen, l’arrivée de concurrents l’a poussé en janvier 2021 à se diversifier. Verytoon a choisi d’augmenter progressivement son offre (6 titres en 2020, 32 en 2022) pour créer un marché orienté sur le long terme plutôt qu’une course au profit immédiat. Cela passe nécessairement par l’édition papier de manhwas via sa collection KBooks.

Pascal Lafine
© KOCCA 2022

Les spécificités principales du webtoon, selon M. Lafine, sont le scroll vertical, un bon équilibre texte/images et une offre abondante pour le public féminin, ce qui manque beaucoup à la BD franco-belge et aux comics. Pour toucher un public varié, Verytoon envisage de faire de la publicité papier pour les webtoons, et d’apporter une offre plus orientée adultes, comme Hellbound, ou féminine, comme les histoires de Boy’s Love. [1]

Grâce aux webtoons, les K-Comics commencent à faire jeu égal avec les mangas.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Croissance et avenir des K-Webtoons en Europe

Sol Kim, responsable de la branche française de Naver Webtoon, explique, toujours dans ce webinaire, que la Corée du Sud, pour s’adapter au marché français, a intérêt à se rapprocher du type de bande dessinée apprécié dans l’Hexagone : soit la bande dessinée franco-belge, axée sur une approche traditionnelle et patrimoniale du récit, soit sur le manga, la France constituant, en terme de diversité d’offre, le deuxième plus gros marché mondial du manga.

Il énumère à ce titre les avantages du webtoon sur un marché de passionnés de lecture : une production et un rythme de publication rapide, une gratuité totale dans sa version numérique en scrolling sur smartphone, et surtout la possibilité de repérer et soutenir les talents français en finançant les meilleures créations, via la plateforme de concours Canvas.

Sol Kim
© DR

Un plan de coopération pour le développement de l’industrie coréenne-européenne des webtoons

Cette ultime partie est représentée par Stéphane Ferrand, directeur de Webtoon Factory, Kim Hyung-Rae de Piccoma et Thierry Rodriguez, directeur de Verytoon du groupe Delcourt, sous la modération de Sébastien Célimon, consultant chez White Dragon.

De gauche à droite : Sébastien Célimon, Stéphane Ferrand, Thierry Rodriguez, Kim Hyung-Rae
© KOCCA 2022

Les intervenants s’accordent sur le fait que le webtoon peut parler aux jeunes lecteurs grâce à sa présence sur smartphone et à un système de micro-paiement original, plus accessible pour leur pouvoir d’achat. De plus, le sens de lecture et les sujets abordés permettent de s’y lancer facilement contrairement aux mangas. Néanmoins, si les webtoons "explosent", ils restent à les médiatiser plus largement, et un modèle économique pérenne doit être trouvé : les jeunes générations sont habituées à consommer du contenu gratuit, comment les convaincre de payer pour du webtoon ? Certains des locuteurs s’emploient à le croire...

L’arrivée d’une société comme Piccoma montre que le simultrad [2] peut être un business model pertinent. Il faut convaincre également les investisseurs français -Delcourt et Dupuis en font déjà partie- de l’intérêt du webtoon en mettant en avant des forts succès : Solo Leveling est par exemple la preuve qu’un webtoon peut séduire les lecteurs français. Reste à trouver la licence qui créera une transversalité entre les différents supports investis par la culture coréenne : films, séries, manhwas, webtoons, K-pop...

Sur le volet créatif, il est également évoqué le fait de créer des coopérations entre créateurs français et coréens, en encourageant par exemple la formation à la création de webtoons du côté français, ou encore l’apport de scénarios français aux dessinateurs coréens.

Un sacré chantier !

(par Auxence DELION)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Auxence DELION  
A LIRE AUSSI  
Actualité  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD