La série Midnight Tales crée un univers à partir de récits épisodiques qui s’attachent à une région, une population ou une croyance particulière, en établissant parfois des liens entre chaque histoire, par la structure de l’Ordre de Minuit et quelques personnages récurrents. Une façon efficace d’impliquer le lecteur tout en continuant à développer les attentes quant aux enjeux plus larges de l’Ordre et des relations avec le monde des esprits.
Après une première histoire ancrée dans l’air du temps, les récits suivants traitent davantage des croyances régionales et du rapport des sorcières avec l’Ordre de Minuit. La nouvelle écrite par Tanguy Mandias raconte une mission particulièrement poignante de l’Ordre, où les pouvoirs des sorcières apparaissent encore bien mystérieux.
Dans la première histoire, le collectif The Neb Studio offre une ambiance et un graphisme radicalement différents du tome précédent. Loin de l’atmosphère apaisée du début de Devil’s Garden #3, le scénario est horrifique avec un trait plus anguleux et des passages en trichromie qui tranchent visuellement dans le récit.
Une jeune femme embarque dans un métro fantôme. À chaque wagon, elle subit différentes formes de harcèlements sexuels, certains commis par d’autres femmes. Au lieu de lui procurer le réconfort et l’écoute qu’elle recherche après les épreuves traversées, elles jugent son apparence, sa tenue et jusqu’à sa réaction face aux attaques précédentes.
Chaque personnage, d’apparence banale au premier abord, révèle sa nature corrompue sous forme d’excroissances plus écœurantes les unes que les autres, dans la droite ligne des récits horrifiques. Mais le plus glaçant est que les discours et les attitudes de ces personnages, ici soumis à la volonté d’un démon, sont rencontrés au quotidien chez des gens bien loin d’être possédés. C’est le sens du titre de cette histoire : " Kyriarchie", qui dénonce une structure sociale où l’oppression et la domination font partie du système, au point que les victimes en viennent à se rendre responsables de ce qu’elles ont subi.
Les deux récits suivants mettent en scène des sorcières qui prennent des initiatives en dehors de l’Ordre, qu’elles soient animées de bonnes intentions ou fassent partie d’une bande de petits délinquants.
Mention spéciale dans "Maymaygwashi" pour les superbes dessins mouvants de Loïc Sécheresse sur un scénario de Clément Rizzo. Les couleurs et le trait flou apportent une dimension psychédélique qui sied bien aux années Soixante-dix où se situe ce récit écologique.
C’est l’opposé dans "Zoltar le magnifique" (scénario de Mathieu Bablet) où le graphisme plus urban et rugueux de Neyef anime des scènes violentes de lutte entre gangs juvéniles.
Enfin Thomas Gilbert dessine une histoire de vampires scénarisée également par Mathieu Bablet où le monstre n’est pas celui qu’on croit. Ce récit montre également la solidarité entre les membres de l’Ordre et met en scène Sheridan et Johnson, des chasseuses de sorcières déjà croisées dans des épisodes précédents. Elles seront au cœur du cinquième tome, qui sera tourné davantage vers les ressorts secrets de l’Ordre de Minuit.
Ce quatrième opus clôt le premier cycle de Midnight Tales sans apporter de grande révélation ou de réel climax, ce qui est un peu frustrant au vu des attentes créées mais ne ternit pas la qualité de l’ensemble. Ce volume reste dans la lignée de la série, qui distille des informations sur l’Ordre de Minuit au compte-goutte tout en apportant toujours de la nouveauté par la diversité des personnages et des situations de chaque épisode, maintenant un bon équilibre entre suspense et innovation et entretenant savamment nos questionnements et notre intérêt.
(par Lise LAMARCHE)
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