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Nob : « Quel que soit le sujet, je l’aborderai toujours avec une forme de légèreté dans la gravité, de mélancolie dans l’humour, et de la pudeur » [INTERVIEW]

Par Marguerite VALIERE le 9 octobre 2023                      Lien  
Né à Tours en 1973, Bruno Chevrier alias Nob a fait ses débuts dans le magazine Tchô ! avant d'en devenir le rédacteur en chef en 2003. L'année suivante, il lance Mon ami Grompf(2006, Glénat) On lui aussi l'adorable Mamette (2006, Glénat), vient ensuite sa série la plus célèbre Dad (2015, Dupuis), puis La Cantoche pour BDKids en 2016. À l'occasion de la sortie imminente du 10e tome de cette série, Nob nous explisque la part personnelle de son travail et les secrets de sa création . Une interview intime et sensible.

Dad est père de famille, il a quatre enfants issus d’une famille recomposée, qu’il élève seul. Dans la série Que ce soit dans (Mamette, Grompf), qu’y a-t-il de personnel dans ces créations ?

Il y a toujours une part d’autobiographie dans ce qu’on écrit. Dans toutes mes séries, je parle de ce que je vis, ou ce que j’ai vécu, mais sous des angles différents. Mon ami Grompf était la série que j’aurais aimée lire enfant, avec un petit garçon timide comme je l’étais dans un univers recomposé à partir de mes premières lectures : Boule et Bill pour l’environnement familial, Tintin pour le personnage du yéti, mais un yéti qui aurait le caractère d’Obélix.

Nob : « Quel que soit le sujet, je l'aborderai toujours avec une forme de légèreté dans la gravité, de mélancolie dans l'humour, et de la pudeur » [INTERVIEW]

Dans Mamette, je parlais de la vieillesse, vue depuis mes sensations d’enfance, Les Souvenirs de Mamette mélangeait mes propres souvenirs avec mon histoire familiale plus ancienne, en particulier des éléments biographiques de ma grand-mère.

Dad s’est davantage construit sur l’enfance de mes enfants, du point de vue du père que j’étais devenu entretemps. On imagine plus volontiers Dad autobiographique que Mamette, parce que le personnage me ressemble plus physiquement, mais j’ai toujours pensé que Mamette était mon personnage le plus intime (ainsi que son double cynique, son amie Mademoiselle Pinsec !)

De la même manière, mon entourage est bien présent dans chacune de mes séries, mais ce n’est jamais aussi direct qu’on peut l’imaginer, ce peut être en creux, ou juste par certains aspects. De plus, au fil des albums, les personnages de fiction finissent par avoir leur propre vie.

Comment choisissez-vous vos sujets ? Les lecteurs vous soufflent-ils des idées parfois ?

Je vais les chercher au fond de moi ! C’est le plus souvent la sensation du moment qui va me donner la pulsation d’une page. Donc une réaction à l’actualité, ou une réflexion intime, une bonne humeur passagère ou au contraire un énervement ponctuel, une mélancolie. Et je mélange ça avec le fil rouge de l’histoire que vivent les personnages de Dad.

À vrai dire, les anecdotes de lecteur m’influencent peu, car j’ai vraiment besoin d’avoir ressenti les choses pour les raconter. Par ailleurs, on croit souvent qu’une anecdote amusante peut faire un bon gag, mais c’est rarement le cas ! Dans un gag de Dad, la narration, le rythme de la page, la gestuelle des personnages et surtout l’enchaînement des dialogues m’importent beaucoup plus qu’une chute efficace. Et j’aime souvent partir d’une situation qui n’est pas forcément drôle à la base, pour au contraire lui amener plus de légèreté par la manière dont elle est racontée.

Quelle est la part de votre métier d’auteur que vous aimez le plus ? 

En fait, j’aime tout, c’est bien pour ça que j’aime la bande dessinée : je réfléchis à mes histoires, je mets en scène mon petit théâtre perso, j’aime avoir besoin de me documenter ou chercher des références de décors, dessiner le tout, rendre des personnages vivants, et j’ai toujours eu un feeling particulier pour la couleur. Pour cette dernière, je travaille depuis toujours avec mon épouse, qui réalise les aplats de couleur (chaque décor principal ou personnage a ses couleurs référencées), qui est un travail assez long. Je récupère les pages en aplats et réalise plus un boulot d’éclairagiste, en ajoutant ombres, ambiances et textures. Ça nous permet de travailler ensemble, à notre rythme.

Avez-vous une routine d’écriture / de dessin ?  

Je préfère écrire le matin, quand j’ai encore une énergie « fraîche » ! Souvent, quand je bloque sur l’écriture, je commence à y penser le soir pour que mon cerveau travaille la nuit. Au réveil en général, c’est là que le cerveau fonctionne tout seul ! Et je ne sais pas pourquoi, j’ai souvent mes idées sous la douche !

J’aime me déplacer, voyager surtout, mais je ne sais pas vraiment si c’est pour trouver l’inspiration. En tout cas je ne la cherche pas. D’une manière générale, j’ai un peu des idées tout le temps, ce qui est parfois un peu fatiguant et frustrant car en bande dessinée, la réalisation d’une idée peut prendre beaucoup plus de temps, donc j’ai beaucoup plus de projets en tête que de temps que je n’aurais pour tous les réaliser. En fait, j’aime bien voyager pour débrancher, tout simplement, m’intéresser à autre chose et m’aérer la tête. Alors oui, ça favorise sans doute l’inspiration, mais ce n’est pas le but initial !
 
Dans votre carrière, vous avez fait plusieurs collaborations. Y’en-a-t-il une qui vous a touché ou marqué en particulier ? 

Je n’ai jamais fait de collaboration directe, dans le sens où j’ai quasiment toujours écrit, dessiné et mis en couleurs mes propres albums. J’ai collaboré avec beaucoup de monde dans un cadre extérieur à mon activité d’auteur, que ce soit comme rédacteur en chef (et maquettiste) de Tchô !, pendant sept ans, coloriste (avec mon épouse) pour Keramidas, Abolin, Alary,Guarnido et Zep (sur Titeuf à partir du tome 11), ou encore dans des séries collectives comme l’atelier Mastodonte, ou plus récemment Chihuahua, avec Lewis Trondheim, Obion et Pascal Jousselin, ou chacun écrit et dessine ses pages au sein d’une histoire collective (3 tomes parus chez BDkids, Le 4e est en préparation).

J’ai aussi écrit récemment quatre pages en hommage à Yakari, dessinées par
Aveline Stockart, la dessinatrice de Elle(s), pour le numéro spécial du journal Tintin spécial 77 ans, et j’ai trouvé l’exercice très agréable d’écrire et mettre en scène sans se préoccuper de la réalisation ! Il est possible que dans les prochaines années, je me consacre à de nouveaux projets comme scénariste seulement, ça permet d’aboutir des envies que j’ai en tête sans avoir le temps, ou l’envie, de les dessiner.

Quel genre de sujet n’aborderiez-vous jamais ?

Je ne pense pas avoir de sujet interdit, dans le sens où je pense qu’en tant qu’auteur on peut parler de tout, c’est surtout la manière dont on traite le sujet qui importe. Mais je sais que par tempérament, quelque soit le sujet, je l’aborderai toujours avec une forme de légèreté dans la gravité, de mélancolie dans l’humour, et de la pudeur. Parce que je suis comme ça !

Sinon, comme je le disais, j’ai plein de projets, mais je reste toujours très pris au quotidien par La Cantoche et ses pages à fournir chaque mois pour les différents titres de la galaxie J’aime Lire, et par Dad et sa planche hebdomadaire dans Spirou. Mais dans quelques semaines, je publie Une journée au Louvre, un album en co-éditions avec Delcourt et Le Louvre, sur une famille qui, comme son titre l’indique, passe une journée à visiter le célèbre musée, l’occasion d’évoquer certaines des œuvres les plus emblématiques (ou moins connues), et parler histoire, art, culture... et vie de famille !


(par Marguerite VALIERE)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9791034768813

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