Sanctuary T. 01 & 02 - Par Sho Fumimura & Ryoichi Ikegami - Glénat

Akira Hojo est le président d’une fédération de yakuzas, dont la renommée grandissante fait frémir ses rivaux du monde de la pègre. Il sait néanmoins que son ascension (aussi inévitable soit-elle), sera toujours limitée par le milieu dans lequel il évolue. Et il a la ferme conviction que pour parvenir à son but ultime, s’élever aux plus hautes strates de la société, il devra sortir du monde du crime organisé et pénétrer un autre univers tout aussi redoutable : la politique.

Il croise alors la route de Chiaki Asami, un jeune politiciens aussi ambitieux et prêt à tout qu’Hojo. Leur association semble être leur meilleure option pour parvenir à leurs fins, mais à quel prix ?...

Grand banditisme et intrigues politiques : bonnet-blanc et blanc-bonnet

Sanctuary est un titre cultissime du seinen des années 1990, qui a acquis ses lettres de noblesses à la force d’un dessin impeccable et d’une intrigue aussi originale que bien travaillée. Fumimura déploie un véritable génie dans la constitution des enjeux de son intrigue, la mise en place de ses personnages et l’enchaînement des péripéties, pour garder un rythme soutenu mais pas effréné, dynamique mais pas précipité. Au dessin, Ikegami n’est pas en reste et délivre une prestation à la hauteur de l’enjeu : chaque planche est simplement magnifique.

Le titre est sorti entre 1990 et 1995 et certaines thématiques sont assurément abordées avec le regard de leur époque. Notamment au niveau du traitement des personnages féminins, particulièrement de la commissaire. Dans le premier tome, elle subit ce qu’à l’époque on aurait appelé un simple "mauvais tour" mais qui aujourd’hui n’est pas perçu autrement que comme une authentique agression, qui fait froid dans le dos.

Contrebalançant un peu cette dimension, on se doit de garder à l’esprit que la série met en scène de véritables crapules immorales et criminelles, on comprend donc bien que leurs actions ne soient pas glorifiées. Il n’empêche qu’on retrouve plusieurs éléments participant à une "glamourisation" de la mafia et du grand banditisme, qu’on sait aujourd’hui assez éloigné de la réalité.

Ces deux principaux défauts, qui tiennent en fait plus à l’époque de la création du titre qu’au titre en lui-même (on ne peut pas reprocher à une œuvre d’être imbibée par la pensée de son temps), sont très largement gommés par les nombreuses qualités de l’oeuvre, à commencer par son histoire. Fumimura ne nous ménage pas et ose proposer une intrigue complexe, dense, riche, avec plusieurs niveaux de lecture. On lit Sanctuary comme on lit en roman noir : en s’attendant aux frissons mais avec une vraie avidité et une sincère envie de connaître la suite.

Une fois de plus, Glénat nous propose une réédition inattendue mais dont on avait finalement besoin : celle d’un classique qui ne doit surtout pas sombrer dans l’oubli. Le travail éditorial est, comme toujours avec les Perfect Editions de Glénat, très soigné. On aime particulièrement les couvertures, vraiment dans une vibe James Elroy. Sanctuary reste donc un titre à détenir dans sa bibliothèque et à mettre en les mains de tous les amateurs de pègre, intrigues et sournoiseries (avec tout de même un peu de recul, naturellement.)