Sigi, c’est Sigrid Hässler, une jeune pilote allemande évoluant dans le monde sectaire et masculin de la course automobile des années 1920 dont elle est injustement bannie à la suite d’un accident mortel au Nürburgring, circuit automobile tout juste construit à l’époque. Loin de se laisser abattre et convaincue de sa supériorité de conductrice, elle décide de faire le tour du monde en voiture à l’époque où conduire est l’apanage des hommes mais elle a, pour cela, besoin d’argent. Elle en trouvera non pas auprès de sa riche famille conservatrice qui lui coupe les vivres et fait tout pour empêcher son projet de se réaliser mais auprès d’un certain Gottfried Meyer, un homme d’affaires que lui présente une de ses amies. C’est le début d’une aventure haute en couleurs qu’Erik Arnoux et David Morancho ont prévu de décliner en quatre tomes, avec la complicité de Glénat.
Le personnage de Sigi est très librement inspiré de Clärenore Stinnes, une passionnée d’automobile qui réalisa un tour du monde en voiture en 1927. Peut-être un peu trop librement d’ailleurs. De la naïveté sélective de Sigi, méfiante envers Gottfried quand elle pense qu’il veut coucher avec elle mais pas plus curieuse que ça lorsqu’il finance intégralement son expédition et lui obtient le matériel qui lui était jusque-là refusé à cause des pressions de sa famille, aux trop nombreux accidents et incidents qui émaillent les premiers jours du voyage, le scénario accumule beaucoup d’éléments non crédibles, ce qui lui porte préjudice. La péripétie majeure se résout avec une pirouette narrative sortie du chapeau qui pourra exaspérer un lectorat un peu exigeant et la fin est une claire invitation à se procurer le volume suivant, ce qui, là aussi, pourrait agacer.
Cependant, le contexte historique de l’Amérique et de l’Allemagne des années 1930 dans lequel Sigi évolue promet de belles perspectives si l’intrigue revient sur les rails du réalisme dans les prochains tomes. Le dessin de David Morancho est d’une excellente facture, avec des couleurs à la fois douces et tranchées déjà présentes en couverture et qui donnent le ton du récit : c’est une femme qui conduit mais ne se laisse pas faire. En parallèle de la version couleur, une édition en noir et blanc est également sortie le 8 septembre.
Pour résumer, Sigi : Opération Brünnhilde est un premier volume esthétiquement magnifique et prometteur sur le plan historique mais qui démarre un peu trop sur les chapeaux de roues et gagnerait à atténuer son côté peu réaliste au fil des tomes.
A suivre donc pour voir l’évolution de ce récit féministe qui a le mérite de l’originalité !
(par Gaëlle BEDIS)
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Parution le 30 août 2023 - 62 pages
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