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Takeshi Obata (« Death Note ») : « Je produis 80 planches par mois ».

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 18 août 2008                      Lien  
Dessinateur de Death Note, un thriller qui est l’un des plus gros succès en librairie dans la catégorie « Manga » en France, Takeshi Obata est un auteur culte. Sa BD a déjà fait l’objet de dessins animés et il a été une des attractions-phare de Japan Expo 2008. Nous l’avons rencontré pour vous.
Takeshi Obata (« Death Note ») : « Je produis 80 planches par mois ».
Death Note par Obata et Ohba - T6
Ediitons Kana

Marie, l’attachée de presse de Kana nous avait donné la consigne : surtout pas de photo ! Il s’en est suivi une liste de « questions interdites » imposées à la presse française par l’éditeur japonais Shueisha. Il faut dire que nos mangakas sont hyper-protégés par leurs éditeurs qui préfèrent qu’ils s’enchaînent à leur table de travail plutôt que de faire le kéké à la télé. Il faut donc accepter comme un hommage sa venue en France, un effort surhumain consenti par son éditeur. On a donc été correctement briefés : Pas de question concernant le meurtre en Belgique perpétré par le « Tueur aux mangas », pas de questions sur le scénario (bof, la série est finie), pas de question sur le « scénariste-mystère » de la série, Ohba, pas de question sur l’anime ou les jeux vidéo, pas de question “philosophique” (les Français font peur sur ces sujets, dirait-on), etc. Comme on a le choix entre faire l’interview et ne pas en faire, ben, on y va.

Obata est petit, mince, timide mais sympa. Il a un faux air d’extra-terrestre de Roswell. Il est flanqué de son éditeur qui le coache en permanence, et d’une traductrice-dragon plutôt douée, néanmoins soucieuse de faire respecter les consignes. Dans la salle, les journalistes (peu nombreux) lui font face et posent gentiment les questions. L’attachée de presse de Kana la joue comme à l’école : une question par journaliste. Dans les questions qui suivent donc, je n’en ai posé que trois. Le reste l’a été par mes confrères. Qu’ils soient donc remerciés pour leur collaboration. Ne vous étonnez pas du côté lacunaire des réponses, c’est comme cela : les Japonais ne sont pas des faiseurs de phrases. Moteur !

Quelques centaines de fans ont pu rencontrer Obata lors du dernier Japan Expo. Mieux que la "femme à barbe", le "mangaka sans visage" !
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Comment organisez-vous votre travail ?

Je reçois le scénario, je le lis. Ensuite, je mets en page, je dessine tous les personnages moi-même ainsi que tout l’univers visuel. Hormis ces éléments, je transmets à mes assistants ce que je veux qu’ils réalisent : les bâtiments, etc.

Quels sont les auteurs et les œuvres qui ont influencé votre style graphique et qui vous ont donné envie de faire ce métier ?

Évidemment Osamu Tezuka [NDLR : l’auteur de Astro Boy et de Black Jack et maître Go Nagaï [NDLR : L’auteur de Goldorak]. Lorsque j’étais enfant, je dessinais Goldorak dans mes cahiers d’écoliers. Au Japon, il y a beaucoup d’auteurs de mangas. Je suis influencé et stimulé par tous les auteurs en général.

Death Note par Obata et Ohba - T8

Vous avez été nominé aux Eisner Awards à San Diego. Quelle est votre réaction ?

Je n’étais pas au courant de cela, j’en suis très content. [1]

Comment avez-vous reçu le succès de Death Note ?

Je suis surpris et ravi de ce succès car c’est quand même un univers très particulier. Je me dis que ce qui plaît, c’est le côté « suspense » de la série et aussi la confrontation entre le personnage principal et son rival. Je pense que ce sont des ingrédients qui font que ça marche.

Quels seront les thèmes abordés dans vos œuvres futures ?

Je suis en train de préparer une nouvelle série que je dois dessiner cet été. Je suis complètement plongé dedans en ce moment. Le titre n’étant pas encore complètement décidé, je ne peux rien dire d’autre que c’est un manga spécialisé dans un métier.

Avez-vous envie de revenir au Shônen après une série Seinen, comme Death Note ?

J’apprécie de lire les shônen d’action, d’aventure. Mais j’ai l’impression que ce qui me va le mieux, ce sont des histoires calmes, posées, comme celle-ci.

La "mangaka sans visage" ne refuse pas de se faire photographier les mains.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD).

Qu’est-ce qui a inspiré le design des Shinigami (dieux de la mort), présents dans cette histoire ?

Je ne voulais pas forcément dessiner l’image des Shinigami traditionnels. Je voulais donner une connotation un peu moderne, en liaison notamment avec le Gothic Punk, et aussi des éléments de la tenue vestimentaire de la jeunesse actuelle. J’ai donc pris ces éléments dans des magazines. Mais aussi, quand j’ai lu le scénario, des images me sont venues en tête et j’ai essayé de les retranscrire.

Quelles sont les influences qui ont fondé votre dessin ?

Même si on est influencé à ses débuts par l’un ou l’autre auteur et que l’on s’en détache rapidement, on finit toujours par transmettre quelque chose de ses prédécesseurs.

Combien de planches réalisez-vous chaque mois ?

80 pages par mois.

Combien de temps cela prend-t-il entre la phase de documentation et la phase de création ?

Comme le rythme de parution est hebdomadaire, il est très difficile de s’accorder du temps pour les recherches. Donc, du coup, je fais toujours agir en permanence mes petites antennes pour recueillir de l’information. Dès que je vois quelque chose qui m’intéresse, je le classe, même si ce n’est pas pour un usage immédiat.

A droite, l’un des "Shinigami" (dieux de la mort) de "Death Note" de Obata et Ohba
(C) Shueisha / Kana

Comment vivez vous votre immense popularité ?

Je travaille tout le temps enfermé. Je ne fais que travailler. Je ne me rends donc pas toujours compte de la popularité de la série. Je m’emploie à ce que mon travail soit le meilleur possible. Je suis content que les lecteurs l’apprécient.

En produisant 80 planches, est-ce que cela vous laisse de la place pour une vie de famille ?

Effectivement, ma famille est un peu sacrifiée. Mais ils sont compréhensifs et ils sont avec moi, derrière moi. Ils me soutiennent.

Lisez-vous des auteurs de bande dessinée francophones ?

J’aime bien la « bande dessinée » et plus précisément Enki Bilal. Plus généralement, le mode de la production de la bande dessinée en Europe me fait envie car un seul auteur peut créer une histoire de A à Z et maîtrise tout le processus. Je ne connais pas exactement le mode de production mais apparemment, c’est comme pour un album de musique, on a la maîtrise totale et, d’un point de vue artistique, ça donne envie.

Si l’on ne connaît pas le visage de Takeshi Obata, on connaît en revanche l’aspect de L, l’adversaire de Light Yagami, que ce cosplayer de Japan Expo reproduit ici à la perfection.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

Comment travaillez-vous avec votre éditeur ? Quelle est son intervention dans le processus créatif ?

Je vous signale que mon éditeur est à mes côtés (rires). Cette intervention est très importante dans le processus créatif. Le dessinateur et le scénariste ont, chacun de leur côté, envie de créer beaucoup de choses. Finalement, la personne qui coordonne le travail de ces deux auteurs joue un rôle crucial car elle est la mieux placée pour doser l’élan de chacun en fonction du succès de la série.

Pourquoi refusez-vous de vous faire prendre en photo ?

Pour moi, ce qui compte, c’es que ce soit mes dessins qui soient connus. Toute information qui n’a pas un rapport direct avec la série importe peu et est même un peu gênante pour moi.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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En médaillon : Obata, "le mangaka sans visage", qui tient dans ses désormais célèbres mains le trophée du Japan Expo Award qu’il a reçu à Paris/Villepinte. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD).

Lire la chronique de "Death Note" sur ActuaBD par Baptiste Gilleron.

[1La nouvelle venait de tomber. Il n’a finalement pas eu le prix : c’est Taiyo Matsumoto (Amer béton) qui a été distingué.

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