En 1770, en provenance du Saint-Empire, Marie- Antoinette d’Autriche pénètre en France pour y devenir l’épouse du futur Louis XVI, petit-fils d’un Louis XV moribond. Elle se trouve, comme toujours, accompagnée de sa doublure, son frère jumeau Albert, également son habituel souffre-douleur. Le destin de ces deux personnages bascule alors que surgissent des morts-vivants qui massacrent la garde et dévorent la future reine sous les yeux de son frère. Celui-ci, après avoir passé un pacte avec une mystérieuse entité, parvient néanmoins à s’enfuir, vêtu d’une des tenues de sa sœur.
Afin d’étouffer le scandale et de maintenir l’alliance avec l’Autriche, le pouvoir royal français décide de préserver la supercherie. Albert devient donc secrètement Marie-Antoinette, une Dauphine surveillée de près par des gardes qui flairent quand même l’embrouille. Mais le pays a d’autres priorités encore : cette attaque de morts-vivants n’était pas isolée. La France, et notamment sa noblesse, se trouvent menacée par des hordes de créatures venues de l’au-delà.
Versailles of the Dead confirme la fascination qu’exercent la France de l’Ancien Régime et en particulier la figure Marie-Antoinette sur les mangakas. Au-delà du culte La Rose de Versailles, que l’on songe aux plus récents Marie-Antoinette de Fuyumi Soryo, Le 3e Gédéon de Taro Nogizaka, Innocent de Shin’ichi Sakamoto ou encore à Hungry Marie de Ryuhei Tamura. Dans Versailles of the Dead époque et personnage se trouvent revisités par deux biais différents. Mais l’un et l’autre laissent un peu le lecteur sur sa faim.
C’est d’abord le thème du travestissement que l’on découvre dans le premier volume à travers le personnage d’Albert, jumeau et doublure de celle qui devait devenir Dauphine de France. Un thème finalement classique, et presque hommage, quand il s’agit de traiter Marie-Antoinette en manga : plusieurs des titres cités plus haut en constituent des illustrations évidentes. Mais ce thème est rapidement abandonné et, passés les premiers moments, ce qui était présenté comme inaugural et structurel s’avère en fin de compte anecdotique. Le tome 2 ne fait ainsi plus jamais référence à cette donnée lorsque Marie-Antoinette intervient dans le récit.
L’autre motif saisi pour investir de manière nouvelle l’objet, classique, de cette histoire se révèle l’un des emblèmes de la pop culture contemporaine : le zombie. Si ce n’est pas là un choix résolument original, son déplacement dans une société d’Ancien Régime semble posséder quelque chose de neuf à offrir. Malheureusement, les hordes de morts-vivants se révèlent rapidement de simples instruments, aisément manipulés, au sein de luttes entre factions opposées. Ils passent au second rang, deviennent une menace ponctuelle en attendant que les véritables acteurs, a priori angéliques et démoniaques, n’entrent en scène.
Reste alors un scénario qui semble assez alambiqué et court déjà assez loin de son point de départ. Son développement pioche dans la « mythologie » de l’époque avec des personnages étonnants, tels un Dauphin couard qui se prend pour le messie, une bizarre conspiration associant Napoléon, Robespierre et l’aventurier italien Cagliostro, ou encore la du Barry et l’affaire du collier de la Reine. Mais le plus surprenant consiste certainement en une figure historique majeure de l’Histoire de France que l’on voit sommeiller, telle la Bois au Bois Dormant, dans les sous-sols de Versailles. De quoi susciter, pour le prochain volume, la curiosité des lecteurs que n’auraient pas perdus en route le étranges bifurcations de ce récit en fin de compte assez décousu.
(par Aurélien Pigeat)
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Versailles of the Dead T1 et T2. Par Kumiko Suekane. Traduction Aline Kukor. Kana, collection Dark Kana. Sorties les 17 mai et 5 juillet 2019. 176 pages. 7,45 euros.