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Angoulême 2023 : la masterclass de Hajime Isayama

Par Malgorzata Natanek le 13 février 2023                      Lien  
L’auteur de "L’Attaque des Titans" Hajime Isayama a participé à une masterclass exclusive le samedi 28 janvier 2023 au FIBD. Une rencontre animée par Fausto Fasulo co-directeur artistique du festival de la BD d’Angoulême. Petite séance de rattrapage pour ceux qui n’avaient pas la chance d’être de la partie.

En janvier dernier, les festivaliers d’Angoulême ont eu une chance inouïe : l’opportunité de participer à un échange avec l’auteur de l’un des mangas les plus appréciés du moment : "L’Attaque des Titans", Hajime Isayama. Cela se passait au théâtre d’Angoulême.

Un évènement dont les billets ont été écoulés en à peine quelques heures puisque cette rencontre était particulièrement attendue par les fans. Une chance rare d’entendre le célèbre auteur parler en public de son travail en compagnie de Fausto Fasulo, le scénographe et commissaire de l’exposition L’Attaque des Titans : De l’Ombre à la Lumière.

Angoulême 2023 : la masterclass de Hajime Isayama
Hajime Isayama lors de la réception de son "Fauve d’honneur"
Photo : Kelian Nguyen
Exposition L’Attaque des Titans
©Hajime Isayama

Une masterclasse exceptionnelle durant laquelle l’auteur évoque son expérience de mangaka, mais n’aborde pas vraiment sur le fond la série L’Attaque des Titans. Une façon d’en apprendre plus sur sa méthode de travail plutôt que sur son œuvre ce qui a déçu certains participants.

Après les applaudissements chaleureux du public, une première question plutôt intéressante est posée. N’y aurait-il pas un parallèle entre son travail quotidien de mangaka enfermé derrière des murs et ses personnage de L’Attaque des Titans eux-mêmes prisonniers de murs et également contraints à une grande pression ?

Le mangaka opine : effectivement, les thématiques de la guerre et des batailles reflètent pour lui le travail du mangaka, mais il confie que son rôle a beaucoup évolué au cours de son intrigue comme les personnages auxquels il s’identifie.

Couverture L’Attaque des Titans T.1
© Hajime Isayama / Pika

Il révèle ensuite ce qui, selon lui, a fait le succès de son œuvre : tout le monde peut s’identifier : son scénario raconte l’histoire d’une population vivant entourée de murs et menacée par des titans, une situation qui peut arriver à n’importe quelle époque et à n’importe quel pays de notre monde.

Il raconte qu’il s’est vraiment rendu compte du succès de son histoire avec l’animé qui en a été tiré et qui a fait connaitre ce shōnen au plus grand nombre. Une popularité qui a suscité une attente pressante vis-à-vis des chapitres suivants de son manga, une situation qu’il a vécue très difficilement surtout vers la fin.

Peinture de Kiyoshi Yamashita
© Kiyoshi Yamashita

Cette rencontre a été aussi l’occasion pour l’artiste de partager avec le public l’image d’une peinture de Kiyoshi Yamashita, un artiste aux capacités artistiques incroyables qui souffrait du syndrome du savant. Ce peintre découvert dans son enfance au travers d’un artbook dont les visuels lui faisaient peur, a été une inspiration pour les séquences du grand terrassement de L’Attaque des Titans car elle exprime le même sentiment de désespoir. Un constat qu’il a fait une fois avoir terminé le dernier chapitre de son manga.

Dans le cours de cette conversation, le mangaka évoque son atelier, son travail avec ses assistants et l’univers des mangas. Après avoir partagé une vidéo de son espace de travail, il a expliqué qu’il y avait une quinzaine d’assistants qui se relayaient pour travailler. Concernant les mangas, il a avoué s’être mis à lire récemment des mangas davantage qu’auparavant.

Un autre point abordé : sa relation avec son éditeur, Shintaro Kawakubo, qui l’a accompagné durant de nombreuses années. Il faut savoir que c’est ce dernier qui a remarqué le potentiel de l’univers créé par Isayama et que c’est à lui que le projet a été apporté à l’origine. Un sentiment de reconnaissance qu’il a exprimé pour cet éditeur avec qui il s’est senti grandir.

Avant chaque chapitre, ils se réunissaient pour discuter du développement de l’histoire. Après une semaine, il proposait à son éditeur un storyboard à partir duquel ils décidaient ce qu’il fallait conserver et ensuite, le mangaka se mettait à dessiner. Au départ, les discussions autour de ce qu’il fallait enlever étaient compliquées. Toutefois en relisant les pages, l’auteur a réalisé que les conseils de son éditeur étaient justes, ce qui a aidé à améliorer leurs échanges.

Pour ce qui est de ses dessins, il a eu le droit parfois à des remarques dures de son éditeur. Devant la difficulté pour améliorer ses planches, il argumentait le fait que son style avait « un certain charme »... Cependant avec le temps, il a bien dû admettre la réalité de ses carences techniques. Pour pallier à cette situation, le dessinateur Ryōji Minagawa (dessinateur de Arms dont il est fan), qu’il respecte beaucoup, lui a dispensé certains conseils comme le fait de travailler davantage ses onomatopées.

Couverture Arms T.1
©Ryōji Minagawa / Kyōichi Nanatsuki / Kana

Fausto Fasulo saisit alors cette opportunité pour revenir sur sa dernière exposition au Japon et demande si en voyant ses travaux exposés, il aimerait refaire certaines séquences. C’est un interrogation qui interpelle Isayama depuis longtemps. Par exemple, il aurait aimé ajouter une réplique à Armin « je ne sais pas comment ces murs ont été fabriqués » pour améliorer la compréhension de cette séquence. Il y a aussi la scène où Eren devient un titan qu’il souhaiterait refaire pour la rendre plus naturelle, moins incongrue selon les retours qu’il a eus de la part de certains lecteurs.

À côté de nombreuses scènes muettes, il en existe aussi avec beaucoup de dialogues complexes et informatifs, un équilibre important pour l’auteur. En ce ce qui concerne les dialogues, justement, l’ironie utilisée dans Game of Thrones a servi d’influence et a poussé le mangaka à en placer le plus possible dans ses textes. Une série qui a été découverte aux alentours de la saison 4 de L’Attaque des Titans. D’autres œuvres l’ont aussi inspiré comme par exemple District 9, le film de Neill Blomkamp, ou encore Watchmen d’Alan Moore & Dave Gibbons.

Isayama changeait-il le scénario pendant son travail sur le storyboard quitte à le modifier ? La réponse est oui : les grandes lignes de l’histoire sont respectées tout en laissant une part d’improvisation dans l’écriture, ce qui a eu pour résultat de prolonger l’histoire racontée. C’est alors qu’il confie avoir eu un réel plaisir à dessiner après la transition du tome 21 et l’introduction de l’univers de Mahr. Une sensation nouvelle pour lui.

Couverture L’Attaque des Titans T.21
© Hajime Isayama / Pika

À la suite d’une autre question sur l’évolution de ses dessins, il raconte que ses moyens étaient limités au début et qu’il avait donc moins d’assistants. Les trames ajoutées sur les planches requièrent le recours à des assistants (au Japon, ceux-ci sont payés par l’auteur). Plus les moyens sont importants, plus les trames sont nombreuses. Le succès de l’œuvre lui a donc permis d’améliorer la qualité graphique de ses planches.

Moment de détente : une nouvelle vidéo qu’il a lui-même réalisée est projetée où ses assistants sont en train de jouer à Tetris. Il commente la séquence en parlant de la difficulté qu’ils ont eue pour trouver du temps de jouer à ce jeu, un commentaire qui a fait rire le public.

Retour aux choses sérieuses et à l’exposition d’Angoulême. Il évoque le fait qu’au début, il n’accordait pas d’importance à ses originaux. En visitant l’exposition consacrée à son œuvre, il s’est fait la réflexion que le fait d’exposer des originaux était un bon choix : «  il est bon de savoir que ce sont des originaux "fait à la main" ».

Pour conclure, Isayama a partagé avec le public cette nouvelle surprenante : il pense dessiner quelques pages supplémentaires à L’Attaque des Titans. Une annonce accueillie avec un tonnerre d’applaudissements.

(par Malgorzata Natanek)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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