Entretien avec Jorge Jimenez ("Batman Infinite") ! [INTERVIEW]

Révolution transhumaniste, guerre civile avec le Joker, mise en place d’une société de surveillance tout droit sortie d’un roman de George Orwell... On peut dire que l’assiette est pleine pour l’ancien milliardaire Bruce Wayne ! Pour revenir sur ce formidable run initié par Joker War, nous avons rencontré Jorge Jimenez.

Bonjour Jorge, merci d’être avec nous ! Vous êtes dessinateur de comics, mais en France on vous connait surtout pour votre travail chez DC, avec des séries comme Supersons, New Justice ou les Batman Joker war et Infinite ! Avant qu’on plonge dans ces travaux, est ce que vous pourriez nous raconter un peu votre parcours ?

Jorge Jimenez : Je dessine depuis que je suis tout petit, le comics c’est vraiment mon univers ! Mais je ne me destinais pas à ça, je voulais devenir prof de sport ! J’ai fait des études d’éducation physique et puis plus tard je me suis dit « En fait non. Ce n’est pas ce que je veux faire ! ». J’aurai été un professeur de sport parmi tant d’autres, moi ce que j’aime c’est le dessin, et je voulais me dédier à cela parce que j’avais le sentiment d’avoir quelque chose à apporter !... Ah ! et je suis aussi un gros lecteur de manga, haha.

Parlons un peu de votre dessin alors ! Vous avez un trait très saisissant, vos compositions allient dynamisme et précision… C’est époustouflant ! Quelles sont vos inspirations ?

J.J. : Et bien on peut re-mentionner l’importance du manga, haha. Akira Toriyama (DragonBall) évidemment, mais aussi Masashi Kishimoto (Naruto) ou Takeshi Obata (Death Note). Avec le mélange de références américaine et franco-Belge comme Stuart Immonen, Olivier Coipel, Adam Hughes ou encore Sean Gordon Muprhy, ça donne ce résultat-là ! J’essaye à mon tour d’apporter une pierre à l’édifice.

Il inspire la peur dans le coeur des criminels, il s’agit de BATMAN

&copy Urban Comics, Jorge Jimenez

L’année 2022 a été rythmée par la parution de Batman Infinite, et avant cela la trilogie Joker War, deux séries qui ont beaucoup rebattu les cartes de l’univers du Chevalier noir. Ce n’était pas la première fois que vous collaboriez avec James Tynion IV, non ?

J.J. : Non, en effet, on avait déjà fait New Justice ensemble. J’étais très heureux de retravailler avec lui, c’est un des scénaristes les plus reconnus de la profession ! Ça a entraîné une dynamique, une expérience hors du commun ! On s’est amusé avec cet univers cyberpunk qu’on aime beaucoup !

C’est James Tynion qui vous a proposé le projet ?

J.J. : C’était l’initiative de DC ! Aux États-Unis ce n’est pas tout à fait comme en Europe, l’éditeur se dit « - Tiens, j’ai ce scénariste, et puis j’ai ce dessinateur… Voyons ce qu’ils peuvent faire ensemble ! ». La notion de rapidité et de réactivité devient primordiale dans ce genre de projet. Aux USA, les deadlines sont beaucoup plus courtes, le processus de création, scénario ET dessin, se fait quasiment conjointement. Quand j’ai un doute, j’envoie un mail à James mais toujours avec DC en copie. Batman leur appartient après tout, ils nous laissent nous amuser avec, mais c’est eux qui mènent la danse !

Votre terrain de jeu, Gotham, c’est une vieille ville, avec une esthétique plutôt ancienne, d’inspiration Art Déco, Et vous évoquiez justement ce tournant cyberpunk que vous avez pris. Pourquoi avoir modernisé la ville ?

J.J. : Dans Joker War, toute la ville est détruite. Il a fallu la rebâtir. Avec Infinite, la ville se reconstruit, se modernise ! Et on en a profité pour ajouter un élément très important : le groupe de Miracle Molly. Ces dissidents portés sur les technologies, c’est une excuse pour donner un nouveau ton au récit et aborder des thématiques plus actuelles.

Mauvais rêves pour Bruce Wayne

&copy Urban Comics, Jorge Jimenez

On suppose que c’est pour les mêmes raisons que vous avez créé de nouveaux personnages. On parlait de Miracle Molly, mais il y a aussi Ghost Maker, Punchline… Pourquoi en créer de nouveaux personnages plutôt que de piocher dans l’univers déjà riche de Batman ?

J.J : Ca fait du bien d’introduire de nouveaux personnages ! Ca donne une bouffée d’air frais. Puis certains des personnages inventés pour Joker Warcomme Ghost Maker ou Miracle Molly sont resté dans Infinite, ça bouscule un peu !

Ces nouveaux personnages ont des designs très fouillés. Qu’est ce que vous aviez en tête quand vous avez dessiné ces personnages (ou les anciens que vous vous réappropriez d’ailleurs) ?

J.J.  : Ce que je préfère, c’est dessiner des nouveaux personnages. L’Épouvantail par exemple : je ne voulais pas faire un épouvantail classique. J’ai essayé de me représenter l’épouvantail le plus effrayant possible. Il a fallu reprendre quelques éléments iconiques, mais j’ai essayé d’innover en prenant des éléments du manga, comme le chapeau à large bord, puis il y a le poncho, les seringues au bout des doigts pour évoquer les toxines… Punchline, par exemple : je voulais faire une autre fiancé du Joker, avec d’autres traits et je me suis éclaté. Chaque personnage est un univers à part entière. J’ai tellement de designs que je pourrais y passer des heures !

L’épouvantable Epouvantail et la révolutionnaire Miracle Molly

&copy Urban Comics, Jorge Jimenez

On sent que vous vous en donnez à cœur joie, haha ! En parlant de plaisir, je sais que vous êtes un grand fan de Superman… Est-ce que vous dessinez superman comme vous dessinez Batman ?

J.J.  : Pour moi, un dessinateur, c’est un acteur. Il faut s’imprégner de son personnage. Batman ténébreux ou à l’inverse Superman très lumineux… Il y a un process psychologique derrière tout ça ! Je prends beaucoup de photos de moi, de mes expressions pour les références ! Le but c’est aussi de ne pas décevoir les fans, ceux qui connaissent parfaitement les personnages et leurs psychologies. Ce n’est pas toujours facile, haha !

C’est sûr, qu’avec votre carrure, ca fait des références solides ! En France, on va fêter la sortie de Batman Dark City de Chip Zsdarsky, votre dernier album ! Cela se passe après Infinite, c’est comment d’explorer un univers que vous avez contribué à créer avec un autre scénariste ?

J.J. : J’étais très ému, d’autant plus que ça a été un carton aux USA, j’espère que l’engouement sera le même en France ! Et oui, ce sont les mêmes personnages, le même setting, mais c’est un univers complètement différent. Il y a beaucoup de tension, c’est assez excitant ! Pour celui-ci, j’ai été beaucoup inspiré par un de mes films préférés, Terminator 2, vous verrez pourquoi…

La couverture de Dark City

&copy Urban Comics, Jorge Jimenez

Les aventures de Bruce Wayne dans ce Neo Gotham continuent dans Dark City, mais Chip Zdarsky nous régale également avec un retour aux origines de Bruce Wayne, Batman the Knight ! Une belle fin de février pour les lecteurs de comics !