Interviews

Des Nouvelles de Zanzim [INTERVIEW]

Par Kelian NGUYEN le 3 mars 2023                      Lien  
Depuis la sortie retentissante de "Peau d'homme" en 2020, son dessinateur, Zanzim, se fait plutôt discret. Après plus de 300 000 albums vendus, nous lui avons demandé de ses nouvelles entre deux rendez-vous dans la fourmillante Angoulême où il était présent pour rencontrer ses fans. Pour constater que, deux ans après la disparition tragique de son scénariste, "Peau d'homme" reste une référence.
Des Nouvelles de Zanzim [INTERVIEW]
© Glénat

Rétrospectivement, avec la disparition subite d’Hubert, comment avez-vous vécu la sortie du livre ?

C’était déjà compliqué à la sortie puisque Hubert n’était plus là. Il existait seulement une épreuve, un album souple, pour les commerciaux et les libraires avec une partie en noir et blanc. Ça il l’a vu, il avait eu des retours positifs mais il n’a pas vu le reste. J’ai du porter le bébé tout seul, et c’est vrai que j’avais plutôt l’habitude de me cacher un peu derrière lui, puisque c’était un grand bavard. Mais là, il a fallu que je porte aussi sa voix et sa parole sur les thèmes qu’il voulait défendre, notamment le genre.

Après, cela a été une période folle qui nous a fait sortir du cercle de la BD traditionnelle pour entrer chez les librairies généralistes qui se sont emparés du livre. Et puis, il y a eu tous les prix que nous avons reçus. Le plus dur, c’était l’ascenseur émotionnel à chaque fois. C’était très fort entre le plaisir de recevoir un prix et la tristesse de ne pas pouvoir le partager avec lui.

Zanzim recevant un Album d’Or des mains de Marion Glénat durant la conférence de presse de la maison d’Edition
© Kelian Nguyen

Je peux dire qu’avec le temps, maintenant, j’ai appris à parler de l’album, j’ai appris aussi à faire mon deuil, même si Hubert est toujours là, à côté de moi.

Aujourd’hui, je travaille sur un projet solo. Pour la première fois je fais tout tout seul, puisque même sur L’Île aux femmes, Hubert était aux couleurs. Ce projet, j’en suis fier, il avance bien, même si je ne suis pas un Lucky Luke de la BD. J’aime bien prendre mon temps. J’en ai déjà fait plus de la moitié.

On peut en parler ?

Oui, oui, ça se passe dans les années 1960, 1970 à Paris. C’est l’histoire d’un homme qui est tout petit et qui est fétichiste des chaussures et des jambes de femmes. Il ne trouve donc rien de mieux que de travailler dans un magasin de chaussures pour se rapprocher de ce qu’il aime. Sauf qu’il perd ses moyens quand il est au contact des femmes et de leurs jambes, donc il est envoyé à l’arrière de la boutique. Bien qu’il soit un véritable spécialiste de la chaussure, il n’est pas respecté en raison de sa taille. Un jour, il fait le vœu de devenir un grand homme, mais le lendemain, il se retrouve avec la hauteur d’un index ! C’est donc à partir de sa nouvelle condition d’homme minuscule, et grâce à de hauts faits, qu’il va devenir un grand homme.

On sent l’héritage d’Hubert même dans ce projet solo.

Comme on a commencé ensemble, on a évolué ensemble et on a toujours été une éponge l’un pour l’autre. Nos albums sont très personnels, il y a beaucoup de nous dedans.

Peau d’homme vous a donné un nouveau statut dans la BD, est-ce un poids trop lourd à porter seul ?

Non, je ne l’ai pas senti comme ça car cette reconnaissance nous a mis en avant et a aussi mis en avant le travail que l’on avait fait avant. Grâce à ça, on a tout réédité, on a remis les albums en avant et les gens nous ont découverts. C’est plus que bénéfique, grâce à ça, on s’est fait un nom.

Comment vous ressentez ce statut ?

Bien, parce qu’on a l’impression d’avoir franchi une marche dans le grand escalier du succès en BD et maintenant, le défi, c’est d’y rester. Mais pour être honnête c’est plutôt confortable, les contrats sont mieux, j’ai pu beaucoup voyager en festival et on y est bien reçu. Par exemple, je me suis rendu pour une traduction au Brésil, dernièrement. Là bas toutes les questions liées au corps ne posent aucun problème, mais c’est plutôt l’aspect religieux qui les a titillés...

Donc, ce statut est confortable, mais il y a aussi le revers de la médaille, comme partout, puisqu’on devient un peu un champion d’écurie. J’ai la chance que mon éditeur ne me mette pas de pression pour mon nouvel album, j’ai eu droit à un an supplémentaire pour le finir, pour ne pas travailler dans l’urgence. Surtout que je suis prof à côté. J’entends parfois que des mangakas font 40 planches par semaine. Tant mieux pour eux, mais c’est quand même dingue. Moi je ne peux pas, je dois prendre mon temps, et je n’ai pas de problème avec ça.

Comment expliquer la longévité de Peau d’homme dans une ère où l’on parle de surproduction ?

Ce livre est un titre qui reste encore maintenant en librairie : c’est inestimable, surtout pour un auteur, c’est le rêve ! Je pense qu’Hubert en aurait été très fier. On constate que le thème du genre est toujours d’actualité. Je reçois souvent des retours de jeunes lecteurs qui témoignent du fait que la BD les a compris.

© Kelian Nguyen

Sur cet album, je pense que l’on est arrivés à une maturité de travail. Pour lui, on a travaillé à ce qu’il soit moins bavard et le plus simple à lire possible. Tout comme mon dessin, que j’ai voulu rendre le plus épuré possible. Ce qui fait que le lecteur lit l’histoire sans se demander qui a fait quoi. Il est dans le récit et c’est génial.

Une grande place est aussi laissée aux lecteurs pour qu’ils puissent imaginer des choses, comme au théâtre ou dans un roman. C’est une narration ouverte.

Et puis c’est l’album le plus solaire d’Hubert, souvent ses fins sont sombres. Ici, elle est lumineuse et c’est aussi important pour les lecteurs.

(par Kelian NGUYEN)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782344010648

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Kelian NGUYEN  
A LIRE AUSSI  
Interviews  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD