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Anna Politkovskaïa : la journaliste qui défia Poutine

Par Marlene AGIUS le 8 octobre 2022                      Lien  
Il y a seize ans jour pour jour, Anna Politkovskaïa, journaliste d’opposition russe et reporter du conflit tchétchène, a été assassinée devant chez elle. Publiée en 2016 comme "Journaliste dissidente", elle revient en "Journaliste qui défia Poutine" dans une nouvelle édition chez Steinkis. Cette lecture rapide la met en scène dans son quotidien de journaliste et de citoyenne. Âmes sensibles, s'abstenir.

Cette semaine, un des prix Nobel de la paix a été décerné à Mémorial, une ONG russe de défense des droits de l’homme et de préservation de la mémoire des victimes du pouvoir soviétique, mais aussi d’abus plus récents commis par le gouvernement russe, comme en Tchétchénie.

La seconde guerre de Tchétchénie a débuté en 1999, opposant l’armée fédérale russe aux indépendantistes tchétchènes, mais a été alimenté par Poutine pendant près d’une décennie pour entretenir une guerre qui renforça son pouvoir et fit plusieurs centaines de milliers de morts.

Anna Politkovskaïa : la journaliste qui défia Poutine
Anna Politkovskaïa : la journaliste qui défia Poutine - Matteuzzi & Benfatto © Steinkis

Anna Politkovskaïa était une journaliste russe d’origine ukrainienne, grande critique de Poutine, dont les reportages sur la deuxième guerre de Tchétchénie ont été récompensés autour du globe et par Amnesty international. Ses enquêtes ont mené à sa perte : torture, exécution simulée (comme sous l’empire russe), et assassinat.

Cet album, publié originellement en italien chez BeccoGiallo, est scénarisé par Francesco Matteuzzi, également journaliste, et dessiné par Elisabetta Benfatto. Cette édition inclut une introduction d’Ottavia Piccolo, un essai en postface d’Andrea Riscassi, fondateur d’une association italienne d’après le nom de Politkovskaïa, Annaviva ; et une interview de Paolo Serbandini, journaliste et auteur d’un documentaire sur la journaliste.

Anna Politkovskaïa : la journaliste qui défia Poutine - Matteuzzi & Benfatto © Steinkis

Comme Aleksei Navalny en 2020, Politkovskaïa a été empoisonnée sur un avion en 2004 et y a survécu. Et comme Natalya Estemirova, militante-phare de l’organisation Mémorial en Russie, elle fut assassinée lorsqu’elle travaillait sur des cas "extrêmement sensibles" de violations des Droits de l’h=Homme en Tchétchénie. Quant à Novaya Gazeta, le journal pour lequel elle écrivait, il a été dissout depuis la guerre en Ukraine.

Le récit est délié et difficile à comprendre pour quelqu’un qui n’est pas familier avec l’histoire de la région et du conflit. Il tient cependant d’introduction pour sensibiliser le lectorat à un autre conflit entretenu par la Russie, en espérant que toutes ces informations pousseront les lecteurs courageux à faire leurs propres recherches toponymiques et chronologiques… Mais on y trouve aussi des personnages devenus hélas familiers comme Ramzan Kadyrov, actuel président de la Tchétchénie, allié de Poutine, grotesque et belliqueux.

Anna Politkovskaïa : la journaliste qui défia Poutine - Matteuzzi & Benfatto © Steinkis

Jeu typique du journalisme en BD, les témoins oraux deviennent des témoins visuels, avec une mise en abyme de souvenirs. Les auteurs mettent en scène entretiens ou témoignages « en face à face », notamment de la prise d’otages de l’école de Beslan, qui fit 333 morts sur plus de 1000 otages.

La BD reprend des citations de ses écrits sur Poutine (La Russie selon Poutine) et sur la guerre (Tchétchénie, le déshonneur russe).
Politkovskaïa finissait son ouvrage sur Poutine comme ceci :

« - Pourquoi est-ce que je hais autant Poutine ? Je le hais pour son pragmatisme pire qu’un crime, pour son cynisme, pour son racisme, pour ses mensonges, pour le gaz qu’il a utilisé lors du siège du Nord-Ost, pour le massacre des innocents. En Russie, nous avons déjà eu des dirigeants avec cette attitude. Cela a conduit à des tragédies, à des effusions de sang à grande échelle, à des guerres civiles. Je ne veux plus de ça. »

Politkovskaïa en 2005
Photo Anna Politkovskaya talking with Christhard Läpple by Blaue Sofa. CC BY 2.0

C’est donc par le biais d’une Politkovskaïa ressuscitée que les auteurs ont choisi de dire que la Russie de Poutine n’est qu’un pouvoir soviétique déguisé par un démocrate apocryphe. Ce n’est certes pas le chef-d’oeuvre graphique que mérite cette histoire, mais les auteurs sont concis : il est de leur devoir de lui rendre hommage, non comme martyre, mais comme journaliste.

« - Comment faites-vous pour continuer votre travail ? », demandait un collègue journaliste à Politkovskaïa dans les années 2000. Vous savez que les intimidations militaires ne sont pas du bluff. Vous pourriez mourir. »
Elle répondit :
« - Oui, je le sais ».

(par Marlene AGIUS)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782368466568

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