On le sait, le scénariste Jonathan Hickman apprécie les récits hermétiques, pour ne pas dire cryptiques. On lui doit notamment, côté productions indépendantes, des titres comme Pax Romana, Nightly News, East of West ou encore le récent The Manhattan Projects. Mais aussi une grande implication dans l’univers Marvel (Avengers, Avengers vs X-Men, Secret Warriors ou Infinity). Et avec Black Monday Murders, le scénariste s’en donne à cœur joie, au risque réel de perdre son lecteur en cours de route.
Il faut remonter à la crise de 1929, et à une réunion soudaine des quatre membres du Conseil d’Administration de la banque Caïna : Charles Ackermann, J. W. Bischoff, Raymond Dominic et Milton Rothschild. Quatre magnats de la finance, associés, dont on comprend surtout qu’ils ont passé un pacte avec une puissance maligne qui réclame son dû sous la forme d’un sacrifice majeur.
Car il s’agit là du seul moyen de sauver ce qui peut l’être et de sortir, une fois encore, vainqueur de cette immense crise financière secouant les fondements de Wall Street. Et l’intrigue de rebondir à notre époque, en compagnie des héritiers des ces dynasties maudites et triomphantes. Avec de nouveaux crimes, pour une guerre intestine qui s’annonce sanglante.
Aucun doute:Jonathan Hickman sait y faire pour créer du mystère et accrocher le lecteur. Entre l’enquête policière, la sombre affaire de succession qu’elle enclenche, une inscription dans le temps qui nous fait passer d’époque en époque, les manœuvres en coulisses, les dialogues multipliant les allusions énigmatiques et ces rituels pseudo-sataniques posés comme moteur secrets de Wall Street, il y a de quoi titiller notre curiosité.
Ajoutons à cela un récit volontairement décousu, alternant de superbes, mais glaçantes, planches de Tomm Coker et de longs textes explicatifs nécessaires à la compréhension toute relative, de l’action. Non : Black Monday Murders n’est pas une lecture facile, légère, et il faut souvent revenir en arrière pour s’assurer d’avoir bien saisi qui fait quoi, afin de conjecturer pourquoi.
Reste que la petite ritournelle complotiste autour des puissances de l’argent, incarnées par quelques familles aux patronymes connus et identifiables, sonne bizarre et met même mal à l’aise. Espérons que ces clichés soient traités comme tels, avec un recul critique développé à mesure que l’intrigue se déploie.
À un moment où les rhétoriques du complot se trouvent tout aussi puissantes que délirantes, on attend d’un comics qui s’engouffre dans cette voie une démarche de déconstruction. Pour l’instant, Black Monday Murders semble avoir opté pour la surenchère. Attendons de voir sur quoi cela va déboucher.
(par Aurélien Pigeat)
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