Albums

Deep me - Par Marc-Antoine Mathieu - Delcourt

Par Charles-Louis Detournay le 24 octobre 2022                      Lien  
Poursuivant son exploration narratrice et conceptuelle, Marc-Antoine Mathieu livre un récit introspectif qui étonne et pose des questions au lecteur.

Entre abstraction et narration, entre noir et blanc, Marc-Antoine Mathieu tisse album après album, un véritable cheminement exploratoire au sein de la bande dessinée, et du sens de manière plus globale. Chaque récit pousse plus loin l’introspection, la question du soi et du livre en lui-même.

Deep me - Par Marc-Antoine Mathieu - Delcourt

L’auteur-scénographe repousse, encore une fois, les limites dans ce Deep me. Il met en scène un certain "Adam" qui est coincé dans son corps, dans une situation qui s’apparente au coma. Lors de ses phases conscientes, Adam entend les docteurs, infirmières, sa femme et l’inspecteur qui viennent lui rendre visite. Seul problème, il ne parvient pas à réagir, même s’il écoute et réfléchit.

Les lecteurs le savent, chaque album de Marc-Antoine Mathieu tient de la gageure. Cette fois, l’expérimentation graphique tient carrément au dessin en lui-même, ou plutôt de son absence ! Car pour représenter la prison d’Adam au sein de laquelle sa conscience s’ébat, l’auteur utilise des cases noires. Bien sûr, on retrouve les sons qu’entend Adam, par le biais des phylactères, ainsi sa propre pensée. Et il y a des dessins qui se précisent de temps en temps, pour figurer les souvenirs fugaces qui s’imposent parfois à lui, sans oublier toute la dernière partie du livre qui vient apporter une partie des réponses aux questions que ne manquera pas de se poser le lecteur.

En s’imposant ce canevas si minimaliste, l’auteur réfléchit et joue avec les codes intrinsèques à la bande dessinée. La mise en page, la forme des cases, les onomatopées, l’inter-case, les ellipses, etc. Et lui qui a livré un album majoritairement empli de blanc l’année dernière, s’est engouffré dans l’opposé avec avidité et passion. Il écrit noir sur noir, comme c’est le cas sur la couverture, sans oublier la tranche mate même pour les pages blanches. Tour à tour, cela séduit, déroute, intrigue et questionne.

Le second atout de l’album est sa réflexion presque philosophique sur la conscience. Sur la base de Descartes et son « Je pense donc je suis », l’auteur utilise les avancées d’autres chercheurs, dont Henri Laborit, afin de réfléchir sur la construction-même de l’identité par le biais de la conscience. Il est compliqué d’expliquer plus avant le but du livre sans en dévoiler la résolution finale. Qu’il suffise de dire que le propos de l’auteur cadre parfaitement avec l’esprit de notre époque, tout en restant une fois de plus deux foulées devant les autres.

La seule question qui finalement nous taraude, est de savoir si les lecteurs seront d’accord de payer près de vingt euros pour un album majoritairement noir. Les fans salueront l’audace, d’autres crieront à la fumisterie. Deep me reste pourtant une pierre complémentaire à l’imposant édifice que construit Marc-Antoine Mathieu album après album.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN : 9782413044512

CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Charles-Louis Detournay  
A LIRE AUSSI  
Albums  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD