Reckless T. 5 : Descente aux enfers - Par Ed Brubaker & Sean Phillips - Delcourt Comics

Ethan Reckless avait beau avoir pris sa retraite, quand une dette d’honneur vient le chercher dans son antre… Il n’en faut pas plus pour enfiler ses boots et partir à San Francisco où un séisme a ravagé la ville. On est en 1989 et la baie californienne a tremblé au point de détruire une partie de la mégapole, allant jusqu’à rendre son célèbre pont hors d’usage. Mais ce n’est pas ce qui amène notre héros. Un ancien voisin et ami a fait appel à l’enquêteur pour retrouver sa belle-fille. Depuis la catastrophe, la jeune femme a perdu le nord, s’est renfermée sur elle-même jusqu’à, finalement, quitter le domicile conjugal.

La police aurait dû intervenir, mais la disparue étant une ex-junkie, elle est le cadet de leurs soucis dans cette période trouble. Alors Ethan s’en charge, bon gré, mal gré. Ça ne sera pas une partie de plaisir, il le sait. Rôdé depuis des années, il est même presque certain de retrouver la belle dans un abri de fortune, une seringue dans le bras et le regard terne. Mais il n’en est rien, évidemment. Ed Brubaker construit son scénario à partir d’un fait divers qui a marqué son époque, de même qu’un sujet cher à son cœur comme il en témoignera dans sa postface. Les abus faits aux enfants et aux femmes. C’est le cas de Rachel. Petite, elle vivait dans un groupement hippie avec sa mère, deux autres femmes et d’autres enfants. Sans oublier le chef de clan, prônant fièrement le vie "Sexe, drogues et Rock’n’roll".

On devine le sadisme du personnage en couverture, cigarette au bec et regard pervers fixant le lecteur. C’est une des rares fois où Sean Phillips le dessinera, car c’est définitivement l’homme le plus difficile à atteindre. Il est le graal qui couronnera la mission que Rachel s’est donnée : se venger de Porter Brickman et ses quatre fils. C’est d’ailleurs à cause d’une lettre de repentir de l’un d’eux que tout a commencé, suivi du tremblement de terre dans lequel Rachel a failli mourir, lui donnant en quelque-sorte l’impulsion de se venger, enfin…

©Sean Phillips / Delcourt Comics

De ses 5 victimes, l’un est en prison, cloué dans un fauteuil, attendant que le sida l’emporte ; ça ne fera pas long feu. Le deuxième et le troisième subiront les foudres de la belle. Reste un de ses bourreaux et le père. Ethan la retrouve à l’instant où elle assassine sa deuxième cible, après un road trip, allant de motel en motel pour empêcher le pire sans y parvenir. Au contraire, la belle a des arguments pour que notre héros l’accompagne. Elle sera une figure marquante dans sa vie, mais il ne le sait pas encore.

Sean Phillips accompagne la trame comme à son habitude, son trait sombre et épais, une femme aux atours ravageurs sous un poncho et des scènes entre explosions fulgurantes et sensualité à l’arrière d’un van. L’artiste joue également sur les expressions, d’autant qu’Ethan expérimente de nouveaux sentiments et de nouvelles émotions qui le montre sous un nouveau jour, un peu naïf parfois, pensif souvent. Et ça fonctionne, comme à l’accoutumé. Ed Brubacker et Sean Phillips encrent définitivement Reckless dans l’esprit de leurs lecteurs qui devront sans doute patienter encore un peu avant de le revoir.

D’autres projets, d’autres idées fusent déjà dans l’esprit du duo phare dans le registre du suspens et du polar. Mais nul doute que ce tome ravira, même en sachant que Reckless ne reprendra du service que plus tard, dans les années 1990 avec pour seuls indices, ceux laissés en fin d’album. Espérons donc que l’attente ne sera pas trop longue malgré tout !