En 2009, plusieurs auteurs belges avaient reçu les insignes de Chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres au nom du président de la République, par le Ministère français de la culture : J. F. Charles, Jean Dufaux, Gos, Griffo, Hermann et Yslaire. C’est dans le même salon de l’ambassade de France, que six ans plus tard, Bernard Yslaire, est cette fois élevé au rang d’officier.
Outre sa famille, Bernard Yslaire s’est employé à convier bon nombre de personnes qui ont compté dans sa vie artistique pour l’entourer dans ce moment particulier :
Des éditeurs avant tout : Jacques Glénat & Benoît Cousin (Glénat), Louis Delas (Rue de Sèvres - ex PDG de Casterman), Sébastien Gnaedig (Futuropolis), Sergio Honorez (Dupuis), Reynold Leclercq (Casterman), Yves Schlirf (Dargaud), ...
Des auteurs, tels que Étienne Schréder, Olivier Grenson, Jean Dufaux,...
Des amis tels que les journalistes Thierry Bellefroid & Michel Dufranne, le conservateur du Centre Belge de la BD J.-C. de La Royère (CBBD), les galeristes Eric Verhoest (Champaka) et Marc Breyne (Petits Papiers - Huberty-Breyne), des attachées de presse, des libraires...
Son Excellence, madame Claude-France Arnould, ambassadeur de France en Belgique, a su directement trouver les mots justes pour saisir l’atmosphère particulière de cette cérémonie : "La Belgique est le lieu d’origine, de naissance, voire d’excellence du 9e art. Et l’œuvre de Bernard Yslaire est une merveille d’expression du franco-belge. Le Franco-belge : une singulière expression où l’on ne sait plus où se situe la frontière entre la France et la Belgique, tant il existe une synergie entre auteurs, éditeurs et autres acteurs pour que soient publiés ces livres. Cette synergie entre nos deux pays enrichit notre culture."
"Plus spécifiquement, continua-t-elle, Le travail d’Yslaire est une interaction entre le trait, la photo, le dessin, Internet, le web feuilleton, la vidéo et bien d’autres supports. Il utilise aussi toutes les ressources du langage et de l’actualité pour démontrer son intérêt et ses passions. C’est en ce jour particulier pour vous que la France vous rend hommage."
Un jour particulier ? Ceux de l’assistance qui n’étaient pas encore affranchis vont rapidement apprendre de bouche-même de Bernard Yslaire pourquoi ce jour n’est pas comme les autres : on enterrait son père au même instant à quelques kilomètres de là ! Si l’auteur avait préparé un discours avec la sensibilité et l’intelligence qu’on lui connaît, il en improvisa finalement une grande partie, afin de laisser parler son cœur.
Ses pensées étaient bien entendu dirigées vers sa famille, et plus particulièrement vers son épouse, ainsi que ses amis et partenaires, même s’il a reconnu qu’il ne devait certainement pas être l’auteur le plus facile à gérer (un gros clin d’œil à Jacques Glénat). Il salua avec brio ce titre d’officier auquel il était promu, source évidente de fierté, avant de revenir, au bout de quelques instants dans l’humilité d’un combat pacifique pour la culture. Il fit remarquer que cet honneur qu’on lui faisait n’établissait en aucun cas une hiérarchie entre les auteurs, à l’image de ces résultats des ventes qui "ne veulent strictement rien dire" à ses yeux.
"L’art est un combat dont on me décore, continua Bernard Yslaire. Revenant récemment de Corée, je voudrais préciser qu’aucun autre pays que la France ne donne une telle place à la culture. Je me sens un peu chez moi en France, car nous partageons les mêmes envies artistiques. Bien entendu, je me suis demandé pourquoi moi j’étais décoré. J’en déduis un message d’encouragement à mes amis auteurs : on ne nous ne considère plus uniquement comme des dessinateurs de petits Mickeys. Ne désespérez plus : on peut vous reconnaître uniquement pour votre talent."
"Quant à l’Ordre des Arts et des Lettres, observa-t-il, N’est-ce pas la meilleure des définitions de cet art particulier qu’est la bande dessinée, un mariage contre nature entre la littérature et le dessin ?"
Le dessinateur belgerevint également sur la saga de Sambre, dont il croyait l’avoir imaginé après s’être rendu compte qu’il avait peut-être sublimé sa propre histoire familiale. "Nous les raconteurs d’histoires, nous nous inspirons de nos drames, expliqua-t-il, ’Nous donnons un ton particulier à notre récit, comme des alchimistes du malheur..."
L’auteur revint également sur le destin de sa mère, une femme de lettre et d’action, ainsi que sur l’importance de son père, qui travailla notamment pour La Libre Belgique et pour le journal satirique Pan. En ce jour si particulier, il mit en parallèle ces deux destins qui l’ont soutenu dans la voie qu’il avait choisie.
Accablé par ce qu’il ressentait, Bernard Yslaire alterna des passages très vifs où l’acuité de ses propos stupéfièrent l’assistance, avec des silences chargés d’émotion que personne n’aurait osé briser. Un intense moment d’émotion que nous n’oublierons pas de sitôt.
(par Charles-Louis Detournay)
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À propos de Bernard Yslaire que vous pouvez retrouver sur ActuaBD.com :
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ainsi qu’un autre entretien avec Yslaire (2003)
Photo en médaillon : Charles-Louis Detournay
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