Au 18e siècle, parce qu’il craint que les colonies antillaises s’enrichissent de façon trop importante, Louis XIV décide de prohiber l’économie du Rhum à travers son royaume. Pour bien assurer la chose, il envoie un intendant en Martinique, qui veillera au stricte respect de la nouvelle législation en vigueur.
Pour notre héros, Jean Rouen, et l’ensemble des ses collaborateurs qui ont délaissé la production de sucre depuis bien longtemps, c’est une catastrophe. Démuni et privé de la rente importante qui est la leur, il décide de traiter discrètement avec des nations voisines telles que l’Angleterre ou l’Espagne. Face à une précarité et une urgence grandissantes, la révolte des propriétaires : la Gaoulé, menace de faire s’effondrer l’ensemble de ce microcosme insulaire.
Richement documenté, le récit est historique et rigoureux. Avec des extraits de documents d’époque à l’appui, on comprend de façon très claire l’ensemble des entités en lutte dans cette histoire et où sont les intérêts de chacun. L’histoire du Rhum est indissociable de l’histoire de la Martinique, et c’est précisément par ce biais, ludique et accessible, que Tristan Roulot nous l’a fait découvrir. Une trame générale qui lui permet également d’aborder de nombreux autres sujets comme le servage ou le racisme qui sont ici des composantes systémiques de la société dans laquelle évoluent les protagonistes de notre histoire. Jean Rouen est devenu père de famille et sa plantation ne génère pas de bénéfice. Il va, bien malgré lui rejoindre le groupe des frondeurs ce qui, malheureusement, ne va pas vraiment lui apporter la chance ou la prospérité.
Le caractère documentaire se ressent également dans le dessin de Matteo Guerrero. De la même façon que plusieurs auteurs incontournables de ce registre, chaque costume est scrupuleusement reproduit de manière à correspondre de façon cohérente aux us et coutumes de l’époque. L’encrage de cette bande dessinée est épais et homogène notamment dans les expressions des personnages qui ont tous une identité graphique originale et propre. Les planches sont habilement découpées ce qui procure une lecture fluide et agréable. Certains phylactères aurait cependant pu être légèrement agrandis.
Inspiré entre autres par les mémoires du Père Labatt, et plusieurs voyages sur l’île, le scénariste livre un récit historique, rigoureux et épique de la vie de ces gens qui ont défié la couronne et l’autorité de la monarchie. Le Rhum est finalement un prétexte pour raconter la genèse d’un territoire et de son peuple.
Une série de facture classique qui n’en demeure pas moins plaisante et que l’on prendra plaisir à poursuivre.
(par François RISSEL)
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