La chose a déjà fait le tour de la toile comme si elle datait d’hier. En fait, c’est depuis 2019 que le Conseil scolaire catholique Providence de l’Ontario au Canada -qui regroupe quelque 30 écoles- jette, enterre ou brûle (pas plus d’une trentaine apparemment...) des livres. Selon Radio-Canada, sous la plume de Thomas Gerbet, près de 5000 ouvrages ont été ainsi frappés d’autodafé parce qu’ils parlaient en termes jugés dénigrants des « Autochtones » (le terme, déjà…) « dans un but de réconciliation avec les Premières Nations », disent-ils.
Un conseil formé d’enseignants et d’Autochtones, soutenu par le Ministère de l’Éducation de l’Ontario, a établi une liste d’ouvrages à bannir. « 4716 livres ont été retirés des écoles » déclarent-ils fièrement.
Suzy Kies, présentée comme une « gardienne du savoir autochtone », en réalité une lobbyiste politique, si l’on en croit Radio Canada, théorise l’action : [Ces publications décrivent les Autochtones comme] « pas fiables, paresseux, ivrognes, stupides…. Quand on perpétue ce genre d’image dans la tête des jeunes, c’est difficile de s’en débarrasser. »
Les livres ont été retirés mais seulement une trentaine ont été brûlés à cause de (grâce à ?) la pandémie.
Tintin, Lucky Luke, Astérix…
Dans le collimateur, Tintin en Amérique à qui l’on reproche « un langage non acceptable », « des informations erronées », « une présentation négative des peuples autochtones » et « une représentation fautive des Autochtones dans les dessins. » Oui, sauf que Tintin est une BD européenne des années 1930 et ce héros n’est jamais allé au Canada…
Trois albums de Lucky Luke ont également été retirés : « Autochtones perçus comme les méchants » justifie-t-on. Dans le livre adapté du dessin animé Astérix et les Indiens, on reproche à Obélix d’en pincer pour une autochtone : « On a développé ce qu’on appelle la sauvagesse sexuelle, une image des femmes autochtones comme étant des femmes faciles » argumente la grande spécialiste qui se réclame des racines indiennes. Elle professe d’ailleurs que « un livre sur les Autochtones ne peut pas être écrit par un non-Autochtone, à moins qu’un Autochtone ait révisé l’œuvre ou y ait collaboré. »
Les commentaires canadiens sont mesurés : la vision que l’on a des Autochtones doit changer, « mais de là à brûler des livres… » En fait, ce ne sont ni plus ni moins que les bons vieux réflexes des censeurs d’antan qui sont à l’œuvre ici, remis au goût du jour par l’esprit « woke » si prisé par les universités américaines. On est reparti comme dans la France des années 1930 lorsque le très maurassien Abbé Bethléem promulguait la liste des « illustrés » à l’index, aussitôt suivi par le stalinien Georges Sadoul, préludes à la fameuse loi de censure de 1949.
Une situation qui évolue
Évidemment, depuis le tollé provoqué par cette information, la situation a changé. On s’est d’abord penché sur cette « gardienne du savoir autochtone » qui revendique ses origines. Or, selon Radio Canada qui a enquêté sur le sujet, « on ne trouve aucun ancêtre autochtone sur sept générations à la coprésidente de la Commission autochtone du Parti libéral du Canada », ce qu’elle conteste de son côté.
Le scandale, ajouté au fait que la conseillère-justicière n’avait finalement que peu de légitimité a poussé le Conseil scolaire catholique Providence, par la voix de sa porte-parole Lyne Cossette, à mettre de l’eau dans son vin de messe : « Nous regrettons sincèrement l’impact de cette initiative et nous sommes toujours à la recherche de manière de s’améliorer.... Le CSC Providence prend très au sérieux les événements et nous mettons tout en œuvre pour qu’ils ne se reproduisent pas. »
C’est beau la contrition...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Dessin de Hergé © Hergé / Moulinsart / Casterman
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