BENOIT MARCHON : Bob Garcia : Franquin les secrets d’une œuvre (Ed. du Rocher, 2024)

Vous qui croyez déjà tout savoir sur le génial dessinateur de Spirou et le créateur du Marsupilami, de Modeste et Pompon, et de Gaston, vous avez encore des centaines de secrets à découvrir.

L’auteur, Bob Garcia, a le nom d’un bandit d’opérette, mais c’est un très sérieux journaliste français, passionné de littérature populaire en général, et de bande dessinée en particulier.

Dans ce titre de 350 pages, il décortique l’intégralité de la production de Franquin, depuis sa première histoire de Spirou parue en 1946 jusqu’aux ultimes gags de Gaston Lagaffe en 1991.

Minutieusement, case après case, planche après planche, il a « scanné » littéralement l’ensemble de cette œuvre foisonnante pour en tirer des secrets inédits : références à des films noirs ou burlesques sortis à l’époque (et, pour certains, tombés dans l’oubli), influences conscientes ou inconscientes de l’univers d’Hergé, son principal « concurrent » qui développait son œuvre en parallèle, emprunts à l’Histoire récente de la Belgique ou du monde, extraits de chansons à la mode, clins d’œil aux dessins animés et aux BD américaines dont le jeune Franquin se régalait, fragments d’affiches publicitaires de marques célèbres ou inventées, nombreux caméos sur son propre travail et sur celui de ses confrères dessinateurs des éditions Dupuis, etc.

Franquin. Dupuis.

À sa lecture, on comprend mieux qu’un auteur, aussi génial soit-il, ne crée jamais « ex nihilo », mais qu’il travaille comme une « éponge », capable de s’inspirer de tout ce qu’il lit, voit, écoute, etc. pour le métamorphoser en une œuvre personnelle et unique.

Une fois refermé ce livre d’une incroyable érudition, vous n’aurez qu’une envie, c’est de vous replonger dans votre collection d’albums de Franquin, pour y détailler les images à votre tour et vous régaler une nouvelle fois de son humour déjanté et de son trait virtuose, d’une expressivité incroyable.

Car, détail important (et frustrant), aucun dessin du maître n’y est reproduit ! Et ce, pour des problèmes de droits éditoriaux. Bob Garcia, auteur par ailleurs de plusieurs livres passionnants sur Hergé, a perdu un procès contre les ayants droits pour avoir reproduit plusieurs vignettes de Tintin sans demander d’autorisation, et surtout sans payer de droits (alors qu’il pensait y être autorisé au nom du « droit de citation ») ! Chat échaudé craignant l’eau froide, l’éditeur a demandé à un autre dessinateur (Sternic), hélas moins talentueux, de faire quelques illustrations en noir et blanc.

Franquin. Dupuis.

Dommage, par ailleurs, que le texte soit parsemé de coquilles, même parfois sur des noms propres : ainsi, le comte de Champignac devient le comte de Montignac (pages 154 et 309), l’auteur de Gil Jourdan est orthographié « Thillieux » (page 119 ) et non « Tillieux », celui de La Patrouille des Castors, MitTacq, et non Mitacq (page 304), et le professeur Halambique (dans Tintin) devient « Hallambic » !

Enfin, dans le chapitre « Pandémie » (page 301), à propos d’une « Idée noire » particulièrement visionnaire, Bob Garcia évoque plusieurs pandémies dramatiques, mais pas une ligne sur la pandémie de Covid 19 ! Étonnant, non ?

Couverture de "Hergé, les ultimes secrets" de Bob Garcia. Editions du Rocher.

Rappelons que l’excellent Bob Garcia avait déjà publié en 2023 une somme de plus de 300 pages sur Hergé, les ultimes secrets  : en épluchant les milliers de pages des trois revues auxquelles Hergé a collaboré (Le Petit Vingtième, Le Soir Jeunesse et Le Journal de Tintin), il est tombé sur une mine d’informations inédites dont Hergé s’inspirait directement pour alimenter les aventures de son héros à la houpette ! Impressionnant…

Benoit Marchon