Dany est un dessinateur finalement mieux connu des vrais amateurs de BD que du grand public. Ses contempteurs le cantonnent souvent à sa série Olivier Rameau (Ed. Kennes), une production poétique signée Greg qui a marqué la fin des années 1960 et les décennies suivantes, qu’ils classent volontiers dans le rayon des mièvreries, les sots. Ou encore à ses bandes dessinées d’humour et de charme souvent signées Bob De Groot, Ça vous intéresse ? (Ed. Kennes), où la relation homme-femme est traitée de façon légère et leste que d’aucuns jugent, sinon vulgaire, du moins sexiste.
Dany, en ce qui me concerne, est le premier auteur auquel j’ai consacré un article, il y a… , mince !, 48 ans ! Il était dédié au héros en costume blanc et canotier, Olivier Rameau, qui était pour moi une note de fraîcheur bienvenue, pétillante et élégante, dans les pages très viriles du Journal Tintin où les énigmes de Ric Hochet faisaient pâle figure face aux récits bien plus hard boiled de Bruno Brazil et de Bernard Prince. Le dessin était frais, enlevé, rêveur et déjà une pinup du nom de Colombe Tiredaile exerçait son charme. Les père-la-pudeur d’aujourd’hui peuvent mépriser ces représentations idéalisées de la femme qui faisaient de Dany une sorte d’Aslan sur le mode humoristique, jamais méchant, jamais vulgaire et plutôt charmant, un avatar moderne de la poésie courtoise. Personnellement, j’ai toujours perçu à sa juste mesure la sincérité de son art, solide, classique, entier.
Concordances
Le dessin de Dany lui ressemble. Même quand il dessine son chef d’œuvre, le diptyque Histoire sans héros et Vingt ans après de Jean Van Hamme, il y a toujours un personnage qui lui ressemble : beau gosse, bien découplé, sapé comme un prince, charmeur… Un cliché à la James bond ou à la Simon Templar. On le retrouve ici encore le visage carré, buriné, qui a connu autant de femmes que de destinations exotiques, cultivant tout au long des années le culte de la beauté.
Denis Lapière déconstruit ce cliché, le confronte à une jeune femme d’aujourd’hui qui s’est donné comme mission de faire rendre gorge à cet impénitent dragueur, de venger l’une de ses « conquêtes ». Mais l’homme d’aujourd’hui n’est plus le fauve d’il y a vingt, trente ou quarante ans. C’est une espèce de Dorian Gray, perclus, diminué, que Thanatos attend patiemment et qui se ressasse de façon pathétique les beautés croisées dans son existence, dont les portraits, inaltérables, ornent les murs de sa cambuse, alors que les traits de son visage ne sont plus que flétrissure.
« Ne vous vengez pas d’une femme, le temps s’en charge pour vous », disait Paul Claudel qui était loin d’être un progressiste. » Lapière et Dany nous démontrent que les hommes sont logés à la même enseigne.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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