Je vous avoue que je suis de plus en plus dubitatif devant le nombre d’ouvrages qui sortent et qui s’appuient sur des « bonnes causes » pour nous servir un dessin approximatif, parfois une première œuvre, le sujet venant supplanter la forme, comme si elle devait s’effacer devant quelque chose qui la dépasse.
Mais quelquefois, il nous arrive de dire « heureusement ». Car comment ne pas s’effacer devant un propos aussi fort, aussi impérieux, aussi simple aussi que le témoignage de Ginette. Elle dit tout : la fuite de Paris, la clandestinité puis la rafle, l’arrachement à une famille nombreuse, insouciante et heureuse ; le train vers Birkenau ; l’arrivée à Auschwitz, la sélection, l’humiliation de se mettre nue, d’être rasée de la tête aux pieds, marquée comme l’animal d’un cheptel, la promiscuité, la faim, la violence, l’esclavage, la perte de ses proches…
Et puis la maladie, la libération sans joie en raison des membres de sa famille engloutis dans l’oubli des camps. Enfin, l’apprentissage d’un retour à la vie, que l’on essaie de garder normale en oubliant le temps des infâmies. Arrive l’urgence de témoigner une expérience longtemps tue.
Le dessin d’Aurore D’Hondt, sans fioriture et sans art, doit décrire des choses terribles, insupportables. Tant mieux qu’il soit sommaire et schématique, avec ses personnages aux grands yeux naïfs, animés cependant d’émotion. Elle nous permet de garder les yeux ouverts, de réfracter l’horreur, et de mettre ce genre de livre dans les mains des plus jeunes.
Elie Wiesel, toujours pertinent, disait que celui qui écoutait un témoin devenait à son tour témoin. C’est notre sort à tous, lecteurs de ce livre. Pour veiller à ce que la haine ne devienne plus transmissible.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Ginette Kolinka – Récit d’une rescapée d’Auschwitz-Birkenau – Par Aurore D’Hondt – ED. Des ronds dans l’O