Même avec ses 216 pages illustrées en grand format, résumer à l’intérieur de ce livre ne serait-ce que cent ans de bande dessinée pouvait rester un défi. Devoir satisfaire à un cahier des charges éditorial manifestement imposé par une commande de l’éditeur, Larousse, et observer un strict canevas chronologique, de 1922 à nos jours, avec cet impératif d’être synthétique, impliquent leur lot de contraintes. De l’exercice, Yaneck Chareyre (Zoo Mag, Zoo Manga, podcast Le Bruit des Bulles) s’acquitte plutôt bien.
Le sous-titre de 100 Ans de bande dessinée est parlant : "Découvrez les artistes, les styles et les histoires qui ont façonné le 9e art !". Rendre accessible à un large public la compréhension du vaste éventail de la production de bande dessinée durant cette période, au moins dans ses trois courants majeurs (franco-belge, comics et manga), sinon à une plus grande échelle, requiert un gros travail préparatoire de fond. Si l’on s’en doute, la lecture de l’ouvrage le confirme.
La chronologie couverte se révèle en outre un peu plus large, avec des inclusions, vers le début, de Bécassine (1905) ou des Pieds nickelés (1908). Décision a été prise de la répartir en cinq parties : 1922-1945, 1946-1969, 1970-1990, 1990-2010 et 2010-2022. Celles-ci ont été subdivisées en un nombre inégal de textes occupant une page thématique, une doubles page, voire un peu plus dans la maquette. Le tout est accompagné de « Focus sur... » des œuvres représentatives.
Ni dictionnaire ni encyclopédie, l’ouvrage, en dehors de l’esprit de synthèse précité, colonne vertébrale et liant de sa conception, a forcément impliqué une part de subjectivité. Pourtant, il renferme au final de l’information à haute dose. D’où le fait qu’il puisse s’adresser à un large public, et pourquoi pas au lecteur relativement profane désireux d’améliorer ses connaissances, mais adulte en premier lieu. En tout cas, sa rédaction a bénéficié d’une plume alerte et plaisante, qu’y retrouveront ceux qui connaissaient déjà les articles de Yaneck Chareyre.
Au passage, notez qu’il est également le scénariste de la bande dessinée London Vénus (avec Mathieu Bertrand, Steinkis, 2022), sur la plasticienne britannique née quasiment sans membres Alison Lapper. S’être confronté au médium qu’il étudie en termes de création lui procure un avantage certain pour mieux l’appréhender et le comprendre.
Le bien-fondé ou l’originalité des choix opérés pour les thèmes, dans leur diversité ou actualité, constituent un autre atout indéniable de l’ouvrage. Afin de les compléter, la sélection de « Focus sur... » à propos d’œuvres analysées et décryptées, ponctuant tout l’ouvrage, s’affirme de son côté très convaincante.
Si l’accent est mis sur des titres récents à diverses reprises là également, les plus vieux lecteurs y trouveront de quoi les satisfaire. Car un déférent souci de respecter la mémoire du médium s’y exprime également. Certes, chacun conservera ses préférences. Mais, pour les « classiques » du franco-belge par exemple, on ne peut que plussoyer en les découvrant.
Ainsi, voir traiter de l’album « Le Dernier Spartiate » (p. 27) pour la série Alix ou du « Schtroumpfissime » pour les Schtroumpfs (pp. 30-31) emporte l’adhésion d’emblée. Sur la mer, l’idée d’avoir opté pour Bruce J. Hawker et « Cap sur Gibraltar » par André-Paul Duchâteau et William Vance (p. 93) enchante carrément.
Idem pour la bande dessinée argentine, quand Yaneck Chareyre célèbre — et on ne le fera jamais assez — L’Éternaute d’Héctor Germȧn Oesterheld et Francisco Solano López (1957), ainsi que sa seconde version (1969) redessinée par Alberto Breccia (p. 59). Voire, pour le manga et « Le renouvellement du shōnen », lorsqu’il encense avec raison To your Eternity de Yoshitoki Ōima (p. 211), etc.
Par conséquent, l’auteur « fait le job » et l’on approuve la justesse de certaines analyses. De la sorte, à rebours d’idées reçues, il rappelle les origines et l’indéniable intérêt d’un personnage comme Wonder Woman (p. 19). Réaction similaire quand il revient sur Ayako, lucide et nécessaire fresque d’Osamu Tezuka, « désagréable aux Japonais », dépeignant les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale au Japon (p. 34). Sur les héroïnes féminines, l’exactitude du propos se prolonge jusqu’aux dernières pages, avec Miss Marvel (p. 213).
Ceci n’empêche pas Yaneck Chareyre de se risquer à parsemer parfois ses textes, notamment à la fin de ses pages-chapitres thématiques, de plaisantes conclusions qui remettent les points sur les i. Elles peuvent s’y autoriser un brin de poil à gratter. Bien sûr, plutôt que de les divulguer, nous vous y renvoyons. Voyez, par exemple, le dernier paragraphe de la partie sur « La ligne claire » (p. 39)...
Au point qu’on se prend à souhaiter la montée d’un cran du curseur de son audace. Certes, on peut comprendre que dans ce type d’ouvrage la marge de manœuvre ne soit pas étendue. L’obligation de s’en tenir à résumer réduit les possibilités du rédacteur de développer ses arguments. Le rajout de devoir se conformer à un fil chronologique renforce les contraintes.
Reste que quelques autres limites transparaissent. En général, on peut en noter la présence dans beaucoup d’ouvrages en français parlant de la bande dessinée. Des expériences professionnelles, telle celle de commissaire d’exposition en France comme à l’étranger, parfois au loin, ou en tant que juré de plusieurs prix, avec consultation d’un nombre considérable de livres, notamment de cette catégorie, me permettent d’examiner cela avec recul et des points de comparaison.
Dès l’introduction, l’auteur se propose d’offrir "un regard global sur ce médium, sa diversité et sa richesse "hors du commun" (p. 5). Pourtant, malgré l’érudition dont il peut faire la démonstration ou une relative distanciation par rapport au franco-belge et à la ligne claire, il ne peut échapper complètement à l’ethnocentrisme. C’est assez paradoxal, puisqu’il démontre, en dépit de cela, une ouverture plus prononcée sur les productions du reste du monde, comics et manga en tête, comparée à la moyenne des livres rédigés en français sur la bande dessinée.
Sinon, est-ce la nécessité imposant de résumer qui aboutit à la survenue, de temps en temps, d’abrupts raccourcis matières à débats ? De la sorte, de nouveau dans l’introduction (p. 5), on lit au sujet la « bande dessinée […] de tous les continents » […], « cette offre incroyable recouvre en fait des mondes qui ne se parlent pas beaucoup. Les bulles communautaires n’ont que peu de ponts entre elles ». Cette assertion interpelle.
Vu que, pour ne prendre que l’exemple du thème abordé dans le livre page suivante, sur « L’ère des comics strips de journaux », un « format devenu universel » (p. 6), ce contexte éditorial d’ordinaire peu connu du lecteur francophone démontre clairement le contraire. En préliminaire, rappelons qu’au cours de son histoire la bande dessinée est un médium qui a transcendé tôt les frontières. Ce dernier s’en est affranchi dans la continuation du processus traditionnel d’apprentissage artistique, selon un système de diffusion d’écoles et styles différents, par transmission de maîtres à émules. Un tel processus a souvent été stimulé au départ par l’imitation, parfois à une grande distance, avant que les artistes doués ne trouvent leur propre voie.
Spécifions que, préfigurant l’arrivée de l’internet, qui a amplifié ce phénomène en abolissant l’éloignement, ceci s’est vérifié en particulier via la syndication. C’est un système de diffusion (syndication) par des agences de presse (syndicates) — rien à voir donc avec un syndicat au sens français (nommé union en anglais). La syndication plonge ses racines dans des gazettes parues à la veille de la Guerre d’Indépendance américaine. Mais son mode de fonctionnement se systématise suite à la Guerre de Sécession (1861-1865), diffusant articles, jeux et bandes dessinées sous forme de bandes horizontales ou verticales comics strips à des groupes de journaux sur tout l’immense territoire des États-Unis, puis à l’international.
Alors et pour longtemps, les syndicates américains et leurs équivalents britanniques ont exercé une grande influence. Ces derniers étaient eux aussi très actifs à l’échelle mondiale, sur l’étendue d’un empire où le soleil était alors réputé ne jamais se coucher. Leur rôle est fréquemment oublié de ce côté de la Manche. Ces syndicates des deux nations anglophones étendirent entre autres leur action à l’Extrême-Orient.
Cependant que dans les premières décennies du XXe siècle, les comic strips américains, pour ne s’en tenir qu’à eux, firent l’objet de publications à Hong Kong et dans les concessions internationales en Chine ou au Japon et dans ses colonies. Dans l’Archipel, avant sa domination par le militarisme xénophobe, certains repris dans des quotidiens japonais sous l’impulsion des premiers mangakas exercèrent une influence déterminante sur les mangas et leur développement. Cas emblématique, George « Geo » McManus et Bringing Up Father (La Famille Illico) ont suscité des vocations bien plus loin qu’on ne le pense d’habitude dans les pays francophones...
Dans 100 ans de bande dessinée, par exemple lors de l’évocation de bandes dessinées de genre, en particulier western (pp. 46-47) ou d’aviation (pp. 48-49), le lecteur du franco-belge y trouve sans contestation son compte. Mais l’amateur éclairé de comic strips demeure plus dubitatif. Dans un livre s’adressant en priorité à un lectorat francophone, normal d’y trouver une mise en exergue de Lucky Luke ou Blueberry, Comanche et Red Dust ou Buddy Longway, etc. L’auteur y cite en outre, et à ce moment en dehors de sa chronologie, Sky Hawk de Jirō Taniguchi ou Shaolin Cow-boy de Geof Darrow.
Pour l’aviation, on démarre de Buck Danny, avec mention de son cocréateur Georges Troisfontaines, patron belge d’une structure éditoriale similaire aux syndicates américains (l’agence World Press) de Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon. Et on en arrive aux titres édités par Paquet en la matière. Quitte à revenir en arrière dans le cours de la chronologie, il aurait été utile, même en bref, de les remettre en perspective par rapport à leurs antécédents primordiaux, des héros de comic strips publiés par les syndicates.
Car ceux du franco-belge s’inscrivent souvent dans leur filiation. Ainsi, Buck Danny procède d’une longue lignée, dont les aventures ont démarré de l’autre côté de l’Atlantique. Il aurait été inspiré par G. Troisfontaines, dit-on. Mais celui-ci était très au courant de ce qui se passait aux États-Unis sur le marché des comic strips, après la Seconde Guerre mondiale, voire auparavant. D’autre part, western et aviation forment des registres de la bande dessinée où la mondialisation, bien avant l’heure, s’est spécialement manifestée...
Ailleurs, remarque valable là pour la plupart des ouvrages francophones, la préséance accordée à la ligne claire ou à l’école de Marcinelle, les « fleurons » du franco-belge, n’a d’égale que l’absence en tant que telle d’une école graphique majeure à l’échelle mondiale. Elle qui brille néanmoins par l’éclat de ses représentants. D’origine américaine, son envergure s’étend là aussi à l’échelon global, y compris de nos jours, bien que la généralisation de la colorisation à des fins commerciales en fasse oublier l’importance. Il s’agit de l’expressionnisme en noir et blanc.
Expressionnisme et non pas impressionnisme, comme l’on trouve souvent, avec guillemets (voir p. 58) ou sans. Le recours à ce terme se réfère à l’une de ses principales caractéristiques stylistiques, la radicalisation du contraste entre les aplats noirs et le blanc (pourtant évoquée p. 88) et à la prédilection du fondateur de cette école, Noel « Bud » Sickles, pour le courant cinématographique allemand de ce nom dans les années 1930. Tandis qu’il en expérimente les bases graphiques en collaborant dans le même studio pour un syndicate à New York avec son ami Milton Caniff, qui en fut le propagandiste décisif.
Néanmoins, certains de ses représentants les plus éminents sont évoqués, Alberto Breccia en tête. On y parle aussi de Mike Mignola ou Frank Miller. Dommage qu’il ne soit pas souligné qu’ils sont adeptes de la même école. Si vous doutiez toutefois du lien entre eux, reportez-vous donc à l’épisode sur la bataille des Thermopyles à la fin de la série Mort Cinder par H. G. Oesterheld et A. Breccia (citée p. 58). Et bien, il a inspiré 300, même s’il peut être admissible de le déplorer...
En revanche, pour apprécier d’avoir trouvé l’auteur de 100 Ans de bandes dessinée parfois plus incisif dans ses pages, on aurait voulu le sentir moins tributaire d’une certaine uniformité du discours critique francophone. C’est le cas concernant le roman graphique et sa "naissance". Inutile de discuter ici de l’action bénéfique, évidente, que peut avoir l’idée de rapprocher la bande dessinée de la chose littéraire. Par contre, d’aucuns s’ingénient à minorer des voix discordantes de poids, telle celle d’Alan Moore, pourtant concerné au premier chef (Watchmen), qui conteste l’existence du graphic novel. Seulement, peut-on totalement donner tort à ce dernier quand il lui reproche, en substance, de se résumer à une étiquette marketing et à un but commercial ?
Ainsi, dans l’Extrême-Orient cité plus haut, à Taïwan par exemple, l’étude de son marché insulaire, dans le sillage culturel du Japon, mais des États-Unis depuis longtemps aussi dans une certaine mesure, montre combien le prestigieux scénariste anglais fait mouche. En effet, l’appellation de graphic novel peut y servir des aspirations d’artistes, sinon fréquemment le souhait d’éditeurs de démarquer leurs publications de l’écrasante masse sur place de la production de mangas importés ou de ses équivalents locaux. Hélas, en vérité, dans la forme, leurs publications ne s’en distinguent pas tellement, sauf à être vendues plus chères...
On ne peut guère reprocher à Yaneck Chareyre d’insister sur Un Pacte avec Dieu (A Contract with God, 1978) de Will Eisner, tant on nous assène le credo de la prime importance dans le domaine de ce titre de l’excellent dessinateur américain. Néanmoins, auparavant, le texte de 100 Ans de bande dessinée décrète : « Phénomène occidental, le roman graphique n’a pas marqué autant le Japon, qui ne cherche pas la légitimité de la littérature dans « ses images dérisoires » (p. 61). L’allusion se réfère à la signification étymologique en japonais du mot manga, découlant du titre des carnets de croquis du grand Hokusai et le raisonnement général est bon. Las, s’il parle bien d’un autre des précurseurs du roman graphique, Hugo Pratt, avec La Ballade de la Mer salée (1967), un artiste expressionniste également, à la suite de la critique francophone l’auteur passe là, et il n’est pas le seul, sur un autre de ses « inventeurs », et pas des moindres parmi plusieurs.
À considérer que Rodolphe Töpffer soit le seul créateur de la bande dessinée et si comme lui, pour la critique, le parfait candidat concernant le roman graphique doit aussi être un théoricien du médium en plus d’un artiste de la bande dessinée, alors un sérieux candidat existe hormis Will Eisner. Car, bien avant l’Américain, l’incontournable Osamu Tezuka a cherché à revenir vers la littérature avec Hato : toujours plus haut (1964-1967). Au surplus, il a théorisé sa démarche, en particulier dans son magazine Com (Mushi Production, 1966-1971), créé pour concurrencer celui de l’avant-garde de la création adulte japonaise de la décennie 1960, Garō...
Sinon, toujours sur l’Asie, à propos du manga, est-ce la relative jeunesse de l’auteur qui lui vaut d’affirmer au sujet de la version papier en sept tomes de Nausicaä de la Vallée du Vent que « Hayao Miyazaki a commencé en tant que mangaka » (p. 77) ? il y a là une confusion. Probablement parce que cette série précède la création du studio Ghibli (1985). Cependant, le manga n’a jamais constitué qu’une production accessoire pour le maître de l’animation japonaise.
De la sorte, Le Voyage de Shuna, qui s’y apparente, remonte à 1983. Et, si le milieu éditorial du franco-belge traduit beaucoup de titres étrangers, reconnaissons qu’il peut également se cantonner à son cocon ethnocentrique. De manière significative, il aura fallu attendre quarante ans et la parution du titre avant aux États-Unis (First Second Books, 2022) et un Eisner Award patrimonial décerné ensuite pour assister enfin à sa sortie en français (Sarbacane, 2023). Nonobstant cela, Hayao Miyazaki a bien commencé sa carrière dans l’animation, comme intervalliste.
Il l’amorça dès 1963, année essentielle pour l’industrie de l’anime au Japon, au début de sa production de séries pour la télévision. Tout comme 1958 fut son année fondatrice, avec le film Le Serpent blanc, auquel participa Yasuo Ōtsuka, lui le maître en animation de Hayao Miyazaki et son vieux compagnon de route Isao Takahata. La page-chapitre à ce sujet du livre (p. 72) aurait gagné à en parler un peu, centrée sur les années 1970-1990 et les succès japonais en la matière de la décennie 1980.
Quoi qu’il en soit, pour conclure au sujet de 100 ans de bande dessinée, il demeure aisé de passer en revue l’ouvrage d’un œil distancié après le temps considérable passé dessus par Yaneck Chareyre. Lui s’est immergé dans son sujet jusqu’à parvenir à en tirer un singulier ouvrage-somme. Aussi, un tel labeur doit avant tout forcer le respect. Attendons d’ores et déjà son prochain livre, en l’enjoignant juste d’y réprimer moins son penchant pour l’audace.
Au préalable, souhaitons que le présent titre atteigne sa cible et que le grand public francophone jeune adulte et adulte de différents âges auquel il s’adresse s’y ralliera, ainsi que, jusqu’à un certain degré, le connaisseur du neuvième art. Il constitue un concentré d’information pour s’initier à la bande dessinée ou à utiliser comme un aide-mémoire, rehaussé par l’actualité de ses thèmes. Seul le spécialiste, en capacité de pousser loin l’analyse, géographique incluse, trouvera des arguments pour se montrer plus critique.
Noël approchant à grands pas, cette publication de luxe, que Larousse a tâché d’illustrer de façon à la rendre attractive, renforcera le désir de l’offrir. Notez également que l’ouvrage se termine par une bibliographie justement intitulée « Pour aller plus loin... » (pp. 214-215), plutôt à suivre. Toutefois sélective et faisant ressortir en partie des titres plus récents, une orientation un tantinet plus patrimoniale aurait été souhaitable par endroits, comme pour la bande dessinée italienne, en y ajoutant un Dino Battaglia ou un Gianni De Luca, notamment.
Cependant que parmi les ouvrages publiés par l’éditeur sur le neuvième art, on se tournera avec profit en supplément vers le Dictionnaire mondial de la BD de Patrick Gaumer. Tel que son titre l’indique, il contribuera à renforcer la compréhension de ce médium à une échelle planétaire. Hormis son impressionnant nombre d’articles, y est adjoint un cahier hors-texte de synthèses par pays.
D’un autre côté, toujours pour les publications de Larousse, Manga, que d’histoires ! de Matthieu Pinon laisse plus circonspect. Sa prétention à faire office de « rétrospective riche et complète du manga des origines à aujourd’hui ! » est contredite par la minceur de la première partie de la description de son histoire, jusqu’à 1945.
Sur toute cette première phase, qui devrait remonter normalement à l’après 1868 (ère Meiji), ne se dégage pas une impression d’aisance pour s’emparer du sujet. Peu de mise en perspective avec des faits historiques, y compris ultérieurs (après-guerre), où cela continue à ne pas convaincre. Il devrait être question ici de trois quarts de siècle, fondateurs de ce qui a suivi, à plus d’un titre. La disproportion flagrante entre le traitement des deux et le contraste avec les détails donnés sur les titres plus récents, quelques fois presque plus proches de l’engouement du fan que de l’examen critique, accentuent la perplexité.
Cette absence de tout un pan de l’histoire du manga existe ailleurs chez cet auteur et il peine à soutenir la comparaison avec des ouvrages plus probants. Citons, entre autres, Mille ans de manga de Brigitte Koyama-Richard (Flammarion, 2007, réédition 2022), professeure à l’université Musashi de Tōkyō. Comme quoi, décidément, au lieu de se cantonner à la théorie, rien ne vaut les connaissances acquises sur le terrain, si possible lointain, pour ouvrir son horizon et améliorer ses analyses...
(par Florian Rubis)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
En médaillon de cet article : "100 ans de bande dessinée" (couverture)/© 2023 Yaneck Chareyre & Larousse
"100 ans de bande dessinée" – Par Yanick Chareyre - Larousse – 216 pages -29,95 €
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