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Avec My Hero Academia, Ki-oon tient probablement le successeur de Naruto

Par Aurélien Pigeat le 31 mars 2016                      Lien  
Lancement en fanfare opéré par Ki-oon pour cette nouveauté fébrilement attendue. Et l'éditeur ne fait pas les choses à moitié pour un titre que l'on annonce comme le nouveau Naruto, un leader naturel du marché sur le segment shônen. Avec une telle locomotive, le challenger qu'est Ki-oon entend occuper une place nouvelle dans la cour des grands.

Lancé en juillet 2014 dans le Weekly Shonen Jump, de Shueisha, My Hero Academia constitue le dernier grand succès en date du plus important magazine de prépublication du Japon. Avec des volumes tirés autour de 350.000 exemplaires en 2015, pour six tomes parus à la fin de l’année dernière, la série se classe déjà dans le top 30 des meilleurs ventes de l’Archipel. Et, selon les observateurs, le phénomène devrait s’amplifier encore.

Avec My Hero Academia, Ki-oon tient probablement le successeur de NarutoEn effet, l’anime, produit dérivé classique venant accompagner les succès de librairie et en doper les ventes, doit débuter dans quelques jours, dimanche prochain, 3 avril 2016. Et pas sur n’importe quel créneau : l’anime, produit par le studio Bones, sera diffusé sur la case horaire la plus prestigieuse de la grille , hormis celle du dimanche matin habituellement dévolue à Dragon Ball ou One Piece : celle de 17h. Une case occupée ces derniers temps par de gros succès du rival Kodansha comme Arslan ou Seven Deadly Sins. C’est dire si Shueisha croit en son titre et mise sur un futur hit.

Mais il n’y a pas qu’au Japon qu’on estime grand le potentiel du titre. En France aussi, comme le montre l’investissement consenti par Ki-oon pour acquérir et lancer ce manga d’une manière puissante, encore inédite sur notre marché. Car après le formidable coup réalisé par Kurokawa avec le lancement de One-Punch Man en début d’année, Ki-oon compte bien lui rendre la pareille.

Mais de quoi parle donc My Hero Academia ?

BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc

Super-pouvoirs, comédie scolaire, rivalité ardente : formule gagnante du shonen

All Might, la figure tutélaire
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc

Dans un futur proche, le monde a été bouleversé par un phénomène majeur ayant touché l’ensemble de la population mondiale, ou presque. L’humanité a subi une rapide et remarquable évolution visible à travers des capacités spéciales s’apparentant à des super-pouvoirs. 80% des individus développent, dans leur petite enfance, un pouvoir appelé "alter", dont les spécificités se transmettent génétiquement.

Les super-héros ont donc rapidement envahi le quotidien de chacun et font désormais réellement rêver les petits enfants qui aspirent à égaler leurs modèles, et en particulier All Might, le plus grand héros de cette époque. Izuku Midoriya, mordu de la geste super-héroïque, fan devant l’éternel d’All Might, aspire à intégrer la prestigieuse Hero Academia. Car le lycée Yuei forme l’élite de cette caste habilitée à arrêter les vilains et rémunérée pour ce faire. Seul problème : Izuku fait partie des 20% d’individus n’ayant aucun pouvoir...

Surnommé "Deku", le « bon à rien », Izuku subit les quolibets de ses camarades, et les brimades de l’explosif Katsuki, qui vise non seulement aussi l’entrée à Yuei, mais aussi la place de numéro 1 des héros ! Fort heureusement pour lui, Izuku croisera la route d’All Might lui-même et son destin s’en trouvera irrémédiablement changé.

Izuku, fan de héros avant d’en devenir un lui-même
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc

Ce prologue de l’entrée au lycée posé, My Hero Academia déploie rapidement de grandes qualités typiques du shonen nekketsu [1], parfaitement ménagées et mises en scène.

Izuku, notre héros
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc

L’univers construit autour des capacités des personnages, d’abord, bien que classique dans son postulat, se présente comme foisonnant. Qu’il s’agisse des pouvoirs convoqués ou de leur mise en scène, c’est l’inventivité de Kohei Horikoshi qui est à l’œuvre et force est de constater que le mangaka s’en tire à merveille.

Si plusieurs pouvoirs s’avèrent typiques du genre, comme les renforcements divers ou les pouvoirs élémentaires, l’auteur les combine astucieusement (feu et glace à la fois chez un personnage), en change la hiérarchie implicite (pouvoir explosif en tête) et offre à nombre d’entre eux une mise en scène, ou une variante originale.

Tout cela concourt à dresser une impressionnante galerie de personnages hauts en couleurs, les pouvoirs influant sur le physique des uns et des autres dans une sorte de souci expressif particulièrement pertinent et efficace. Direct, carré, lisible et en même temps creusé, cet univers impressionne rapidement, passée la mise en place habituelle, à laquelle il ne faudrait pas s’arrêter, car bien en-deçà de la suite dans la narration et dans le dessin.

All Might contre un Vilain !
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc

L’autre point fort du titre tient à la dynamique insufflée par les relations nouées entre les personnages. Le cadre de la comédie scolaire fournit toute une série de situations connues, mises à la sauce super-héroïque, dans lesquels les personnages principaux expriment leur caractère et interagissent de manière maligne.

Katsuki, le rival
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc

Le dépassement de soi, principe fondateur du nekketsu, dans un contexte de compétition et de défense de valeurs positives, se combine ici habilement avec la rivalité et l’entraide, autres ingrédients-clés des recettes gagnantes des shonen de la Shueisha. Le héros apparaît comme un modèle du genre, rappelant Sena d’Eyeshield 21 ou Tsuna de Reborn !, et il se frotte à un rival impulsif et arrogant particulièrement réussi dans l’appropriation d’un archétype qui lorgne du côté du Sasuke de Naruto.

D’ailleurs, dans cette relation entre les deux protagonistes majeurs, et dans le cadre global posé, très choral, le lecteur aura tôt fait d’établir un parallèle avec le manga-phare de Masashi Kishimoto. On observe ainsi des échos manifestes aussi bien dans les personnages que dans certaines situations. Mais le titre se démarque aussi de son illustre aîné par plusieurs aspects, à commencer par la caractérisation de son héros, bien plus réfléchi que Naruto, et dont la tonalité demeure globalement positive.

My Hero Academia n’aborde pas encore véritablement une ambiance dark ou torturée comme Naruto peut en proposer lorsque sa narration se focalise sur Sasuke. Et ce, en dépit d’enjeux empreints d’une certaine gravité et d’inquiétants "vilains" particulièrement bien croqués.

L’énergie des personnages prime encore sur tout le reste, quel que soit le héros concerné, et cela permet au manga de conserver une fraîcheur qui convient bien au jeune public auquel la série s’adresse en premier lieu. Seul bémol : le traitement des personnages féminins qui, pour l’heure, ne parvient pas à dépasser les clichés à partir desquels ils sont élaborés.

On tient donc là un vrai shonen héritier des plus grands, et Ki-oon semble avoir repéré le filon avant tout le monde. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que éditeur se donne les moyens de valoriser son acquisition.

Nos jeunes héros étrennent leurs costumes
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc

Un lancement digne d’un blockbuster

Si Ki-oon a remporté My Hero Academia, titre sur lequel plusieurs grands éditeurs lorgnaient, c’est par une conjonction de plusieurs bonnes raisons.

Uraraka, la copine du héros
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc

Ki-oon s’est ainsi très précocement positionné sur ce titre, en premier même - cela nous a été confirmé du côté Viz qui gère les droits de la licence pour la France. Et l’éditeur a choisi de ne pas courir plusieurs lièvres à la fois, ne se positionnant pas, à la différence d’autres acteurs du secteur, sur One-Punch Man, l’autre hit du moment, qui avait suscité l’an dernier bien des convoitises.

Outre la satisfaction des garanties exigées par les japonais en termes de tirage, il leur a été soumis un plan de développement du titre d’une rare ambition pour le secteur. Ki-oon était jusqu’ici coutumier d’une approche marketing accrocheuse, notamment grâce à des campagnes publicitaires dans les transports en commun parisiens et ses fameux 4x3. Mais cette fois, l’éditeur de Trappes promet là un lancement encore plus fort.

Pensez donc : pour la sortie de Civil War, le prochain blockbuster Marvel, fin avril, les spectateurs du réseau UGC découvriront un spot publicitaire de 20 secondes dédié au manga ! L’éditeur mise donc habilement sur une convergence avec la thématique des super-héros. Côté télé, les spectateurs des chaînes Disney découvriront eux-aussi une publicité pour My Hero Academia. Le but étant de toucher un public qui n’est pas forcément, initialement, consommateur de mangas.

Katsuki en fâcheuse posture
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc

Mais ce n’est pas tout : des partenariats avec diverses marques vont fleurir, comme ces bonbons Haribo dont les sachets porteront les couleurs de My Hero Academia. Les campagnes d’affichage vont se succéder non seulement à l’occasion de Japan Expo en juillet, avec des visuels sur la ligne de RER menant de Paris à Villepinte, mais aussi au niveau national en septembre, pour la sortie du tome 5.

Les sachets Haribo. Avec l’infirmière du lycée à l’honneur : Recovery Girl. Et non : il ne s’agit pas d’une plantureuse jeune femme, mais d’une petite grand-mère distribuant les bisous !
photo ap

Sur le terrain de la presse jeunesse et manga, l’investissement s’avère tout aussi puissant. Ainsi, les premières pages de la série seront ainsi proposées dans Le Journal de Mickey tandis que les sorties des volumes vont se multiplier dans les premiers mois pour atteindre les cinq tomes d’ici la rentrée prochaine. De quoi installer le phénomène et soutenir l’intérêt du public. Il le faudra bien : le lancement du titre se fait conjointement avec celui de l’anime !

Celui-ci, comme nous le signalions plus avant, débute cette semaine au Japon et quasiment en même temps en France, sur ADN, la plateforme de streaming, qui le proposera gratuitement en simulcast pendant un an. La diffusion aura lieu le dimanche matin, à 11h heure française, soit H+1 par rapport à la diffusion au Japon ! De quoi couper l’herbe sous le pied du piratage.

Ki-oon tient là un soutien de poids au lancement de son hit. On a pu le constater récemment avec l’appui fourni par l’anime au lancement de One-Punch Man en France, ADN ayant également proposé la série animée gratuitement en amont de la sortie papier du manga.

Un héros, c’est bien celui qui court au devant du danger pour sauver un ami
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc
Ahmed Agne, directeur éditorial de Ki-oon, lors de la soirée de lancement de My Hero Academia
Photo ap

Enfin, cela tient de l’anecdote mais se montre révélateur de l’importance qu’accorde l’éditeur à son titre, Ki-oon a organisé voilà deux semaines une grande soirée de lancement pour amorcer la communication autour de My Hero Academia (quelques photos de l’événement sont visibles dans le portfolio de l’article). Dans un bel hôtel particulier du Marais, un espace arborait fièrement une déco dédiée. Diverses animations (nourriture, photos, bornes d’arcade) évoquant l’univers du manga permettaient de patienter avant les discours des officiels.

On y découvrit la bande annonce de l’anime, les présentoirs pour les libraires, quelques goodies. Ahmed Agne, directeur général de Ki-oon, témoigna de son affection pour le titre et détailla sa stratégie de communication, expliquant que pour Ki-oon, la phase de lancement de My Hero Academia était envisagée... sur trois ans !

C’est certainement aussi cela qui sut impressionner les ayants droits japonais et les convaincre de confier la licence à un éditeur manifestant une réelle envie et s’engageant sur un investissement conséquent, sur la durée.

Si les débuts de My Hero Academia ne seront certainement pas aussi tonitruants que ceux de One-Punch Man, la série devrait cependant monter progressivement en puissance et s’installer durablement dans notre paysage éditorial, ne serait-ce que parce que son rythme de production, hebdomadaire, s’avère plus régulier que celui de One-Punch Man, vaguement mensuel.

C’est en tout cas le pari de Ki-oon tient à faire car il y voit le grand manga de la nouvelle génération, après Dragon Ball, Naruto et One Piece.

Et à tout considérer, on se dit que l’éditeur pourrait très bien avoir vu juste.

Démonstration de puissance
BOKU NO HERO ACADEMIA © 2014 by Kohei Horikoshi / SHUEISHA Inc
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(par Aurélien Pigeat)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

My Hero Academia T1 & T2. Par Kohei Horikoshi. Traduction David Le Quéré. Ki-oon, collection Shonen. Sortie le 14 avril 2016. 176 pages. 6,60 euros.

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Photos du portfolio prises lors de la soirée de lancement de la série, organisée par Ki-oon le 19 mars 2016.

[1Nekketsu : signifie « sang bouillant », ce vocable désigne un type de récit au traitement exacerbé et exagéré dans ses situations et dans la manifestation des émotions.

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