La situation des autrices et auteurs de bande dessinée, qu’ils soient auteurs dits « complets », scénaristes, dessinateurs ou coloristes, reste majoritairement précaire. Les données avancées par les États Généraux de la Bande Dessinée en 2016 ont été confirmées par le Rapport Racine qui, après s’être longtemps fait attendre, a suscité quelques minces espoirs.
La pandémie n’a fait que mettre encore davantage en lumière les difficultés. Le report de nombreuses parutions, l’annulation de la plupart des événements collectifs, la diminution drastique des rencontres avec les lecteurs et des animations pédagogiques ont créé un manque à gagner que les subsides étatiques ne suffisent pas à combler. Au-delà de cette situation qui dure depuis presque un an et dont on ne voit toujours pas la fin, c’est tout le système économique et social de l’édition de bande dessinée qui est mis en cause
Le statut juridique, la protection sociale et le partage des revenus du livre sont questionnés. Le Rapport Racine a donné une version officielle des problèmes et tracé l’ébauche de solutions, qui nécessiteraient de longues négociations entre représentants des auteurs, des éditeurs, des diffuseurs-distributeurs, des vendeurs et de l’État. Mais, en une année certes chaotique, les changements n’ont pas été significatifs.
C’est du moins le constat que dresse le collectif Autrices Auteurs en Action. Fondé il y a un an presque jour pour jour, il s’était fait entendre à Angoulême à l’occasion d’une manifestation d’une ampleur inédite relayée sur la scène du Théâtre d’Angoulême, par les voix de Gwen de Bonneval et Fabien Vehlmann, lors de la cérémonie de remise des Fauves 2020. En mars, à la veille du premier confinement, la rédaction d’une « Charte de bonnes pratiques en festivals et autres manifestations culturelles liées au livre et à la bande dessinée » était lancée. Le collectif a depuis moins eu l’occasion de rappeler ses revendications.
Mais les autrices et auteurs restent mobilisés et anticipent la fin de la crise sanitaire, qui ne signifiera pas pour eux la fin de la crise économique et sociale. C’est pourquoi le collectif AAA vient de publier une nouvelle tribune, adressée directement à la Ministre française de la culture et au Festival international de la bande dessinée, et destinée non seulement à alerter sur la situation actuelle, mais aussi à impulser la définition d’un statut pour les auteurs et une juste répartition des revenus au sein de la « chaîne du livre ».
Le collectif repart du Rapport Racine, qui appelait l’État à assumer un rôle de régulateur dans ce secteur, qui est autant une richesse culturelle que financière pour la France mais qui ne peut vivre sans ses créatrices et créateurs. En prolongement de la tribune de janvier 2020, qui avait rassemblé presque 1400 autrices et auteurs, ce nouveau texte rappelle à la fois la gestion désastreuse des cotisations par l’Agessa [1] et les difficultés - parfois ubuesques - liées au transfert des compétences de l’Agessa à l’Urssaf [2]. Sont aussi remis en mémoire l’appel au boycott des événements de type salons et festivals si rien ne bougeait et la démission de Florence Cestac, Catherine Meurisse, Régis Loisel et Jul, les quatre marraines et parrains de l’Année de la Bande Dessinée en octobre dernier.
La tribune dénonce en outre l’absence de rémunération pour les auteurs dont des extraits d’œuvres sont exposés dans des dizaines de gares à travers la France, à l’initiative du FIBD et de la SNCF. Enfin, Mme Bachelot est mise en cause pour le décalage entre ses discours, qui clament son amour de la culture, et ses décisions, réduites à la portion congrue.
Le collectif ne s’arrête cependant pas aux mots. Les autrices et auteurs mobilisés appellent ainsi, sauf décision notable du gouvernement « à l’endroit de [leur] statut professionnel, de [leur] représentation et d’un juste rééquilibrage de la chaîne du livre », au « boycott total du versant public » du Festival d’Angoulême pour les événements prévus fin juin 2021. Ce serait alors plusieurs centaines d’autrices et auteurs [3] qui refuseraient de participer aux rencontres, aux séances de dédicaces et autres manifestations, souvent non rémunérées, les impliquant directement.
La balle est donc dans le camp de la Ministre de la culture et des dirigeants du FIBD, qui peuvent avoir une certaine influence en tant qu’organisateurs d’un événement d’ampleur internationale. Mais la 48e édition du Festival d’Angoulême s’ouvre dans à peine plus de cinq mois...
(par Frédéric HOJLO)
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NB : l’auteur de cet article est également signataire de la tribune.
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[1] Association pour la Gestion de la Sécurité Sociale des Auteurs.
[2] Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales.
[3] Pour des raisons techniques, le nombre de signataires a peu augmenté les premiers jours, mais cela peut évoluer.
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