Depuis plusieurs années, le personnage de Batman est revisité, sous les feux de la rampe, par une kyrielle d’artistes qui ne le ménagent nullement, tant physiquement que psychologiquement. Le cœur brisé suite à sa rupture avec Catwoman, son fidèle partenaire Alfred Pennyworth tragiquement décédé, plus récemment dans Joker War, le voici démuni et appauvri financièrement. Sans oublier les toxines qu’on lui a fait ingérer pour l’arc Detective Comics... En effet, la Chauve souris paie cher, ce qui place indéniablement Batman sur la liste des héros martyrs.
On comprend dés lors que le Chevalier noir perde patience, s’écarte de son sentier ou tout simplement met ses nerfs à rude épreuve au sein d’une Gotham toujours de plus en plus vacillante quels que soient les moyens presque illimités mis en œuvre pour la restaurer.
Lors de l’une de ses escapades nocturnes où il tente de combattre le crime, Le Chevalier noir se retrouve désarçonné face au neveu de Sal, Bruno Maroni, génétiquement modifié, devenu un monstre nerveux et redoutable. Bien que vaincu lors de ce duel, il ne doit son salut que par l’intervention de Talia et la découverte, à l’entrepôt de contrebande, d’une boîte musicale antique d’aspect cubique renfermant un lourd secret. Une mélodie nommée "Le Diabolus in Musica", ou le "Bruit noir", libérée en 1883 lors de l’éruption du volcan Krakatoa, capable de libérer un son qui audible jusqu’à sept fois le tour du globe, mais surtout responsable d’un changement brutal chez les individus qui l’entendent !
Dans ce premier tome de Batman Nocturne intitulé "Ouverture", le duo de scénaristes Ram V & Simon Spurrier s’emploient à placer idéalement leurs pions sur l’échiquier.
Cette fois, Le Chevalier noir est confronté à des forces surnaturelles, des démons évoluant sur plusieurs générations, responsables autant de ses cauchemars nocturnes que sur le terrain réel. Des "Azmer", d’anciens êtres de colère qui répondent à l’appel de leur maitre (Gael Tenclaw) et qui soumettent sans difficulté l’ancien roi de la pègre "Harvey Dent" pour le replacer, contre son gré, sur son trône. Car oui, le temps d’un instant, Harvey Dent s’était rangé des voitures, il étaot devenu clean …
Là où Grant Morrison nous dévoilait les origines d’Arkham dans Arkham Asylum, Ram V remonte à une époque plus éloignée encore, en l’an 1692 lors d’un traité signé par Anatol Orgham qui a ensuite profité à ses descendants dont l’un d’eux a changé le terme Orgham en Arkham qui prêta son nom au célèbre asile en 1921.
Il fallait bien la maitrise et la maturité de Ram V pour nous distiller dans cette œuvre brillante, un scénario qui nous tient en haleine. Des chapitres courts mais qui s’enchaînent avec vélocité, l’apparition d’anciens et de nouveaux protagonistes, une boîte à musique qui recèle un lourd secret lié à la culture orientale... Tant d’éléments qui réveillent notre curiosité.
D’un point de vue graphique, Rafael Albuquerque assure la smajorité de l’album en cavalier solitaire, si ce n’est l’interlude et l’épilogue, signés respectivement Dani & Christopher Mitten. Sans réellement briller, Rafael Albuquerque reste toutefois son élément, avec son trait nerveux et sombre à souhait, en étroite relation avec la noirceur de la trame. Le jeu des noirs et blancs tellement présent, empêche par moments de clairement distinguer ce qui se déroule sous nos yeux, mais vu le contexte abyssal de l’introduction de démons et des chimères de l’esprit comme c’est le cas lors des cauchemars que vit Bruce Wayne. Cela apporte son lot d’émotions fortes.
On ne peut cependant pas en dire autant pour Dani & Christopher Mitten, qui l’un comme l’autre, s’avèrent moins en phase. Clairement le jour et la nuit avec le travail d’Albuquerque ! Soulignons également le travail de Dave Stewart, à l’unisson, et dont la palette de couleurs, sombres à souhait, nourrit efficacement le propos.
Les admirateurs de Ram V et d’un Batman évoluant dans un contexte plus sombre devraient apprécier l’ouvrage avec une satisfaction évidente, de même que les nouveaux lecteurs qui ne manqueront pas d’être séduits également.
(par Marc Vandermeer)
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Batman Nocturne T.1 : Ouverture. Scénario : Ram V & Simon Spurrier. Dessin : Rafael Albuquerque & Collectif. Editeur : Urban Comics. 176 pages. Sortie : le 7 juillet 2023. Prix : 19 euros.
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