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Bruno Di Sano ("Rubine") : « Dans notre métier, il faut parfois prendre des chemins de traverse pour atteindre son but »

Par Nicolas Anspach le 2 mai 2011                      Lien  
Fidèle complice de {{François Walthéry}}, {{Bruno Di Sano}} a repris le dessin de {Rubine}. Cet album lui permet de prouver qu’il peut se plier aux contraintes d’un style oscillant entre l’humoristique et le semi-réalisme pour illustrer des récits policiers à la mécanique bien huilée. Sa reprise lui permet de quitter le genre « coquin-humoristique » auquel il s'était consacré ces dernières années.

Rubine, la jolie policière, est chargée par des amis de convoyer un colis bien particulier : Toutes les tentatives pour le faire parvenir jusqu’à Santa Barbara se sont soldées jusqu’ici dans le sang et les flammes. Rubine décide de traverser les États-Unis en train. Des personnes mal intentionnées ont vent de ce voyage et vont tout faire pour détruire le colis… Heureusement, seul Rubine connaît l’endroit où est planqué l’objet de toutes les convoitises.


Bruno Di Sano ("Rubine") : « Dans notre métier, il faut parfois prendre des chemins de traverse pour atteindre son but »

Après avoir signé quelques histoires chez Michel Deligne et dans le journal de Tintin, vous avez réalisé Le Jeune Renaudin » avec un scénariste prometteur nommé … Jean Dufaux.

C’est exact ! Mes véritables débuts professionnels ont eu lieu en 1984 dans le journal de Tintin. J’animais une série humoristique scénarisée par Thaulez qui avait pour titreArnold le Rêveur. J’avais enfin un contrat dans le monde de l’édition ! À l’époque, j’étais mécanicien dans un garage automobile. Grâce à ces histoires que je signais dans le journal de Tintin, j’ai pu avoir assez de sûreté pour aller dire à mon patron que je le lâchais. Je voulais me consacrer à la bande dessinée, j’ai pris d’énormes risques, et heureusement que le rédacteur en chef de l’époque, Jean-Luc Vernal, m’a présenté quelque temps après Jean Dufaux. J’ai commencé avec lui Le Jeune Renaudin. Puis, il s’est consacré peu à peu à des histoires plus ambitieuses. Et Mythic a pris le relais…

Vous avez été un mercenaire du dessin pendant de nombreuses années, en alternant les projets sans avoir une série fixe.

Il ne faut pas croire que la BD est une longue ligne droite, une autoroute. Il faut parfois prendre des chemins de traverse pour atteindre son objectif. C’est Rob Harren, un ancien directeur général du Lombard, qui m’a suggéré de dessiner des histoires coquines. De fil en aiguille, j’en ai fait pour les éditions P&T Productions qui ont ensuite changées de nom pour devenir Joker. J’en ai illustré pendant une dizaine d’années. Malheureusement, l’éditeur a remarqué que cela marchait bien, et a rapidement demandé à d’autres auteurs de faire ce type de gag pour rapprocher les sorties de ce type d’album. Les ventes ont chuté peu à peu. La collection s’est arrêtée et j’ai repris Rubine entretemps.

Extrait du T13 de "Rubine".

Comment avez-vous rencontré François Walthéry ?

Je l’ai côtoyé longtemps avant de collaborer avec lui. François avait signé le premier tome d’Une Femme dans la peau en 1994 chez Joker. Il avait d’autres obligations professionnelles et ne pouvait pas dessiner une éventuelle suite de la série. Les ventes du premier album étaient bonnes et l’éditeur voulait publier un second tome. Ce dernier a pensé à moi pour reprendre le graphisme des aventures de Johanna. François a accepté cette idée de reprise. J’ai dû adapter mon style et quitter ce graphisme un peu trop humoristique pour me rapprocher de celui de François Walthéry. Nous avions au début un rapport de maître à élève. Aujourd’hui, nous sommes devenus amis. Il m’a fait un très grand plaisir en me demandant de l’aider sur Atoll 66, le vingtième tome de Natacha.

Il nous a déclaré que vous étiez un terrible bosseur, une fusée même…

Je suis simplement discipliné. Chaque jour, je me tiens à un horaire. J’organise ma journée pour avancer sur mes planches, tout en m’octroyant des pauses où je travaille sur des travaux plus amusants : affiches, illustrations, etc. Grâce à cela, on a l’impression que je dessine très vite. Ce n’est pas le cas. Mais c’est vrai que je m’impose cette discipline car je dois gagner ma vie. Et puis, j’aime mon métier. Comme beaucoup ! Je connais beaucoup d’auteurs à succès qui continuent parce qu’ils ont cela dans la peau. Ma passion, c’est le dessin. Je ne fais pas ce métier pour gagner de l’argent, sinon je ferais autre chose.

Extrait du T13 de "Rubine".

François Walthéry nous disait aussi que vous étiez mal perçu dans la profession à cause de vos albums coquins…

Oui et non. Je suis surtout ignoré par certains journalistes pointus. Mais le public m’apprécie. Enfin, un certain public. Lorsque je dédicaçais les albums coquins, je m’apercevais que mon public était un peu différent. C’est vrai que le gag polisson est un genre difficile à imposer, à moins de jouer une carte élitiste comme le font dans un autre domaine Manara et Serpieri.

Je me sens un peu comme un acteur de cinéma. Quand on lui propose un rôle, il le joue… Il est possible que je sois resté trop longtemps dans ce registre. Je n’ai pas vraiment ce sentiment.

Vous connaissiez Mythic depuis les années 1980, puisqu’il a assumé le scénario du « Jeune Renaudin » après le départ de Jean Dufaux, puis vous avez réalisé ensemble la suite d’Une Femme dans la peau. Pourquoi a-t-on pensé à vous pour la reprise de Rubine ?

Dragan De Lazare avait travaillé avec François Walthéry sur les neuf premiers tomes de la série. Boyan a dessiné les deux suivants. Lorsqu’il a arrêté de dessiner Rubine, j’étais occupé sur différents projets pour Jungle et Vents d’Ouest. Il y a toujours moyen de trouver du travail dans notre métier. Il suffit de chercher, et de faire preuve de bonne volonté. Mythic et François ont pensé à moi pour reprendre la série. Le directeur éditorial du Lombard de l’époque, Yves Sente, nous a donné son accord. J’ai dessiné trois albums de la série, dont L’Héritier fragile qui est paru au printemps dernier. Malheureusement, d’autres directeurs éditoriaux sont arrivés depuis. La parution d’un prochain Rubine est compromise. Est-ce que la série va continuer au Lombard ? On n’en sait encore rien. Si notre éditeur n’a plus envie d’éditer Rubine, nous en contacterons d’autres. Je suis partant pour dessiner le quatorzième album à condition d’avoir un scénario bétonné. Nous repartirons sur de nouvelles bases.

Comment avez-vous abordé la reprise graphique de la série ?

Je n’avais pas de problème à dessiner Rubine. J’avais déjà appris à me plier au style de François Walthéry. Par contre, les décors de Dragan De Lazare étaient diaboliques. Ils étaient d’une précision extraordinaire pour une série policière humoristique. Je n’étais pas habitué à une telle netteté. J’ai donc eu quelques difficultés à dessiner le onzième tome, Photo de classe. Puis, j’ai trouvé mon rythme.

François Walthéry intervient-il encore dans le graphisme de Rubine ?

Oui. Il a contrôlé de story-board de mes deux premiers albums. Nous l’avons suivant ses conseils. Il intervenait graphiquement sur le story-board en me donnant des conseils pour que la planche soit plus compréhensible. François était fort accaparé sur son dernier Natacha, le Regard du Passé. J’ai donc réalisé l’Héritier fragile sans bénéficier de ses conseils.

Etude pour Rubine
(c) Di Sano, Walthéry & Mythic.

Le graphisme de De Lazare et de Boyan était plus anguleux...

Oui, il était beaucoup moins rond. Cela avait son charme, mais j’ai préféré revenir à un style plus proche de celui de François Walthéry. J’ai aussi apporté ma perception des personnages. La série a évoluée depuis les premiers épisodes. Les scénarios sont devenus plus durs et Rubine est devenue plus mature, plus femme ! Je l’ai faite évoluer dans un style semi-réaliste, en tenant compte du graphisme de François, tout en me distanciant de Natacha. Les histoires de Natacha sont d’une manière générale des aventures humoristiques, de la rigolade. Rubine est une série plus sérieuse, plus dure. J’essaie d’osciller entre le gros nez et le réaliste.

(par Nicolas Anspach)

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Photo (c) Nicolas Anspach
Illustrations : (c) Di Sano, Walthéry, Mythic et Le Lombard.

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