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François Walthéry 1/2 (Natacha) : "Ce nouvel album est une suite au "Treizième apôtre".

Par Nicolas Anspach le 2 décembre 2010                      Lien  
Après un voyage en Égypte, {{François Walthéry}} a voulu réaliser une fausse suite au « {Treizième apôtre} », considéré comme un des meilleurs albums de la série Natacha. Il signe avec {{Thierri Martens}} et {{Mythic}}, {[Le Regard du passé->art11051]}, un histoire qui n’a presque pas à pâlir de la comparaison avec celles écrites par le grand Maurice Tillieux. Pour les 40 ans de son personnage, François Walthéry nous prouve que son talent est toujours intact. Rencontre.

François Walthéry 1/2 (Natacha) : "Ce nouvel album est une suite au "Treizième apôtre".Quelle est la genèse de cette nouvelle aventure de Natacha, « Le Regard du passé » ?

Il y a quelques années, j’ai passé des vacances en Égypte. Même si j’ai suivi un circuit touristique classique, j’ai apprécié les ambiances qui se dégageaient de ce pays. J’avais pris beaucoup de photographies et j’avais envie de dessiner cette région du monde. J’en ai parlé à Mythic (scénariste de Rubine et d’Alpha) et Thierri Martens [1], deux amis de longue date. Ils m’ont alors questionné sur mon voyage. Ils m’ont écrit tous les deux un scénario différent, puis l’ont « mélangé » pour arriver à une trame commune. Ils ont vraiment tenu compte de ce que je souhaitais dans une histoire de Natacha, bref, ils m’ont taillé un costard sur mesure ! J’étais en confiance car ces deux-là n’étaient pas à leur coup d’essai. Ils écrivent des romans, des pièces de théâtre et bien sûr des BD. Ils m’ont envoyé un « petit roman », que j’ai adapté en bande dessinée. Il y avait un vague découpage, mais je l’ai chamboulé. J’ai participé aux dialogues en leur donnant mes remarques. Mythic a le sens du verbe mais a tendance à ne pas être synthétique dans ses dialogues. Thierri Martens, lui, est plus succinct. Je pouvais deviner quand c’était l’un ou l’autre qui écrivait le texte…

Vous avez dessiné cet album seul, sans aide. Cela n’était plus arrivé depuis longtemps.

Oui. J’avais envie d’illustrer cet album seul ! Je voulais à tout prix dessiner les décors égyptiens. Cela fait quelques temps que j’avais envie d’assumer toute la partie graphique d’un album. Pour une raison simple : Il ne faut pas se déshabituer de dessiner des décors. Un jour, mon ami Jidéhem m’a confié que quand André Franquin a du recommencer à dessiner des décors après l’arrêt de leur collaboration, il avait beaucoup souffert : i a eu du mal à s’y remettre.
Mes lecteurs le savent : je mentionne toujours le nom des personnes qui m’aident ! Je fais généralement les mises en page et des amis me dépannent sur les décors. Ceci dit, je ne suis pas certain que cette aide apporte plus de rapidité à l’avancement de l’album. J’ai dessiné les deux tiers du Regard du passé en quatre mois ! Je sentais bien cette histoire. Elle m’amusait ! Du coup, j’ai été rapide…
Tous les dessinateurs vous diront éprouver du plaisir à dessiner les déserts, la mer, les rochers. J’apprécie également représenter les atmosphères des souks ! Bref, c’était une BD qui m’a dépaysé.

Extrait du "Regard du Passé"
(c) Walthéry, Mythic & Th. Martens - Marsu Productions.

On a l’impression d’assister à une réunion de famille. Vous avez repris Justin et le Professeur Karel, les personnages du Treizième apôtre, ainsi que le méchant de « La Mémoire de métal », qui est une caricature de Maurice Tillieux. L’avez-vous fait exprès pour célébrer à votre manière les 40 ans de Natacha ?

Ah ! C’est une coïncidence. En réalité, je voulais surtout faire une sorte de suite au Treizième apôtre, qui est pour beaucoup un album un peu mythique. Mes scénaristes l’avaient bien compris ! Et puis, faire revenir Maurice comme tueur, pour se venger, trente ans après La Mémoire de métal, c’était aussi un petit plaisir ! Même si j’ai éprouvé un pincement au cœur. Le copain qui a servi de modèle pour les traits de Justin est décédé l’année dernière, alors que je dessinais Le Regard du passé.

Quel est votre album préféré dans la série ?

Vous savez, je reste fort critique par rapport à mon travail et je n’y vois que des défauts. Lorsque je regarde un album, un récit ou même une planche de l’histoire en court, j’ai des pensées négatives. Je me dis : « je dessinais mieux avant ! Je ne sais plus dessiner, etc. ». Quand je reçois la caisse contenant mes exemplaires d’auteur, je la mets dans mon bureau. Je tourne alors autour pendant deux ou trois heures, sans oser l’ouvrir ! Cela dure un moment, puis je me dis que je suis stupide, et je l’ouvre. J’éprouvais un réel étonnement il y a vingt ans, en découvrant un de mes livres pour la première fois. En effet, la BD pouvait parfois sortir un an après avoir terminé d’y travailler.
Mais maintenant, l’auteur n’éprouve plus de réelle surprise en recevant son album. Vous avez à peine rendu la dernière planche que le bouquin est imprimé. Franchement, je dessinais encore quatre semaines avant la fin de la fabrication du livre. Je n’ai même pas eu le temps de voir toutes les couleurs. J’avais confiance envers le Studio Cerise. Je leur ai dit d’aller voir les couleurs, les ambiances égyptiennes, sur Internet. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut foutre la paix aux coloristes, compte tenu de la documentation actuelle et d’Internet. S’ils sont doués, ce n’est pas la peine de leur casser les pieds !
Pour répondre à votre question, mon préféré reste Le Treizième apôtre. C’est mon album fétiche. Mais j’aime aussi Les Machines incertaines et Instantanés pour Caltech. Ce sont les thèmes qui y sont abordés qui me portent…
J’ai voulu retrouver les ambiances archéologiques avec cette nouvelle aventure, avant d’entamer la suite de Natacha. J’ai quand même cinq ou six scénarios dans mes tiroirs.

Il faut donc espérer que vous viviez centenaire !

J’aimerai bien ! Mais je peux être rapide, quand je m’y mets sérieusement ! Je viens de le prouver avec ce livre. Même mon ami Hector Leemans m’a complimenté en me disant qu’en termes de productivité, je « pourrais être flamand » (Rires). C’était un compliment. Il aligne cinq albums de F.C. De Kampioenen par an ! Seulement, il faut que je m’isole une quinzaine d’heure par jour pour travailler. Je n’ai pas envie de faire de mauvais bouquins et de bâcler. Bien sûr, parfois, mes planches sentent parfois l’écurie en fin d’album car je suis pressé. Mais bon…

Extrait du "Regard du Passé"
(c) Walthéry, Mythic, Th. Martens - Marsu Productions.

J’avais découvert la série avec L’île d’Outre-monde, qui reste mon préféré à cause de son côté Robinson Crusoé…

Je me suis bien amusé à le dessiner. Je l’ai dessiné avec mon ami – et témoin de mariage – Willy Maltaite (NDLR : Will, l’auteur de Tif et Tondu). Il m’a aidé pour les décors. C’était le rêve de voir son nom à côté du mien sur la couverture d’un Natacha.

N’est-ce pas trop difficile de travailler avec des auteurs aussi talentueux. N’êtes-vous pas confronté à des problèmes d’égo ?

Non. Et généralement, les auteurs qui me donnent un coup de main sont plus forts que moi ! C’est gai et agréable de collaborer avec des gens qui m’ont fait rêver quand j’étais enfant, comme Peyo, Jidéhem, Willy Maltaite ou encore Maurice Tillieux. Willy avait un peu de temps libre à ce moment-là et m’a aidé. C’est sûr que j’aurais pu dessiner les décors de cette île. Mais c’était aussi un prétexte pour se voir toutes les semaines, boire des coups en refaisant le monde. Et aussi manger l’excellente cuisine de Claude, sa femme. Cela ne se remplace pas, ça ! Le rapport humain joue beaucoup. En fait, je crois que j’ai besoin de concrétiser une amitié par une collaboration autour de mes séries. Même si cela me coûte cher financièrement (Rires). Marc Wasterlain est quelqu’un que j’apprécie énormément. J’avais rencontré Étienne Borgers a l’armée, et il était logique de lui demander d’écrire une histoire de Natacha après celles de Gos. Il a d’ailleurs écrit un de mes prochains albums : African Express. Je ne sais pas encore quand je vais le dessiner. Le scénario est tellement dense que je vais devoir probablement le traiter en deux albums. Je n’ai pas envie de sabrer dedans, tellement il me plait !

Dans un train : Greg, Liliane & André Franquin, Peyo & François Walthéry
(c) Archive François Walthéry

Quels sont les albums appréciés par vos lecteurs ?

Ceux que je vous ai cités, mais aussi l’histoire Natacha et les Petits Mickeys. De nombreux dessinateurs du journal de Spirou y prennent l’avion pour se rendre à un festival. Le vol est détourné et les dessinateurs sont kidnappés. Ils doivent, sous la surveillance étroite de « gorilles », faire des planches inédites pour deux petites filles. Je me souviens d’une critique du quotidien belge La Libre Belgique qui disait, en substance, que c’était plus une farce de potache qu’une BD digne de ce nom ! Ils n’avaient pas tout à fait tort (Rires). Cela m’a fait plaisir de dessiner mes copains dans cet album. Certains avaient vraiment le trouillomètre à zéro quand ils prenaient l’avion. Plus tard, Greg m’a reproché de ne pas l’avoir inclus à ce récit. On perdait déjà beaucoup d’auteurs à l’époque, et Greg m’a dit avec son humour légendaire : « Tu sais, ce n’est plus une BD, mais un cimetière » (Rires). Lui, aussi, malheureusement, a fini par le rejoindre.

Éprouvez-vous plus de plaisir à réaliser les crayonnés que l’encrage ?

Assez curieusement, j’aime les deux ! J’ai besoin de silence lorsque je fais un découpage graphique ou de la recherche documentaire. J’aime apporter un rythme et une lisibilité à ma page lorsque je réalise le découpage. Il faut qu’elle soit dynamique, même si la scène est articulée autour d’une conversation. Hermann m’a donné un conseil pour ne pas m’ennuyer à l’encrage : il m’a conseillé de « redessiner sur mes crayonnés en encrant ! ». Effectivement, cela permet d’éviter la monotonie. Je m’amuse réellement à encrer grâce à cela.

Autant j’ai besoin de calme quand je crayonne, autant je peux tenir une conversation en encrant. J’évite simplement les yeux de Natacha, qui sont délicats…

Lire la deuxième partie de l’interview

Luc Mazel et François Walthéry en juin 2008 au CBBD (Bruxelles)
(c) Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

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Une interview :
- François Walthéry : "Natacha est née chez Peyo !" (Juillet 2007)

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- Natacha : 40 ans d’aventures de haut vol

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- Natacha T20, T19
- Natacha, l’intégrale T1
- Rubine T11, T9


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Photos (c) Nicolas Anspach - Sauf mention contraire.
Images (c) F. Walthéry & Marsu Productions

[1Rédacteur en chef de Spirou entre 1968 et 1978< ;

 
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