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Jumelle T. 2 : Dépareillées - Par Florence Dupré La Tour - Ed. Dargaud

Par Louise Ageorges le 14 octobre 2023                      Lien  
C’est le retour de Florence et Bénédicte ou “Florbendit”, comme aime à les surnommer leur mère. Un seul drôle de surnom pour deux drôles de filles inséparables, indissociables. Mais la fusion entre nos deux jumelles est-elle toujours d’actualité ? Rien n’est moins sûr dans ce deuxième tome autobiographique de la bédéiste Florence Dupré La Tour qui fait son grand retour chez Dargaud avec "Jumelle T. 2 : Dépareillées". Un nouvel opus plus sombre qui trouve ses premières limites.

Dans ce nouveau tome, Florence emménage en Guadeloupe avec ses parents, son frère, ses deux sœurs et bien évidemment Bénédicte sa jumelle, sa moitié, son tout. Mais entre quête identitaire et premiers émois amoureux, l’équilibre déjà instable de ce couple gémellaire est compromis par cette lourde période qu’est l’adolescence.

Jumelle T. 2 : Dépareillées - Par Florence Dupré La Tour - Ed. Dargaud

Les questions du corps et des cœurs s’entrechoquent. Si Bénédicte semble se détacher plus facilement de sa jumelle, attirée par les garçons et de nouvelles amitiés, Florence, quant à elle, n’a d’yeux que pour sa sœur. Entre sentiments fraternels et amoureux les perceptions se troublent pour la jeune femme en herbe.

Jumelle T. 2, c’est le récit des souffrances physiques et psychiques d’une adolescente, face à l’éloignement inévitable de sa jumelle et du doux monde de l’enfance dans lequel le duo infernal faisait sa loi. Florence se voit contrainte de rejoindre l’univers affreux des “tout seuls”, au risque d’y laisser quelques plumes. Car si c’était “nous contre le reste du monde”, que reste-t-il si “nous” n’existe plus ?

Si dans le premier volet la toute-puissance gémellaire écrasait une famille déjà largement dysfonctionnelle, de nouveaux équilibres se forment dans ce second tome, intégrant notamment le reste de la fratrie à l’équation. Un fossé de plus en plus profond se creuse également entre les deux parents, faisant déteindre conflits et distance sur la perception que notre héroïne se fait de son propre couple fictif.

Avec l’adolescence, Florence Dupré La Tour s’attaque également à des questions identitaires plus poussées, notamment sur le milieu social et religieux auquel elle appartenait. On suit l’éveil politique progressif des deux jeunes filles dont la famille est en profond décalage avec la population guadeloupéenne. L’autrice dénonce d’ailleurs régulièrement un racisme sous-jacent.

Dans la lignée du précédent tome, Jumelle T. 2 s’incarne dans des représentations toujours très oniriques, presque organiques. Il se dégage des planches de Dupré La Tour une violence, un désir de retranscrire au mieux les ressentis explosifs que l’on prête à l’adolescence : le doute, l’excitation, la rage, le désespoir. Offrant des voyages toujours très colorés et imagés, la bédéiste nous plonge dans la tête et le corps d’une jeune fille en quête de repères.

Les questions de genre et de sexualité sont omniprésentes dans l’œuvre. Notre héroïne évolue dans un milieu catholique bourgeois dans lequel la sexualité est taboue et l’homosexualité une tare. Entre son amour pour sa sœur et son attirance pour les garçons, difficile pour la jeune fille de s’y retrouver. La question du genre déjà largement abordée dans le tome 1 prend un tournant avec l’arrivée de la redoutable puberté. L’autrice traite d’ailleurs avec brio et complémentarité ces questions dans la série d’albums, également autobiographiques, Pucelle, paru elle aussi en deux tomes chez Dargaud.

Loin du lien indestructible quasi-magique qui unissait nos deux protagonistes dans le premier tome, ce nouvel album parle de dépendance, de solitude, mais plus tellement d’amour. Le récit se présente comme une longue descente aux enfers faite de désillusions pour Florence qui tente de combler le manque par différents stratagèmes. Drogue, fantasme, le jeu de rôle fait également son entrée dans la vie de la jeune fille comme activité cathartique dans laquelle une nouvelle Florence peut exister loin de sa jumelle. L’autrice a d’ailleurs dédié l’un de ses ouvrages à cette nouvelle passion dans Cigish : le maître du Je paru en 2015 chez Ankama.

Rapports amicaux laborieux, relation familiale chaotique, solitude imposée, difficile de ne pas compatir ou même de s’identifier à l’adolescence douloureuse de notre héroïne. Mais passé les premières intrigues, le récit tourne vite en rond. Face à la découverte du premier tome, réelle claque esthétique et scénaristique, ce nouvel opus compte certaines longueurs dues notamment à des schémas plus répétitifs entre les deux sœurs. Le « fuis-moi, je te suis » trouve vite ses limites, nous poussant à souhaiter de tout cœur l’envol de Florence dans le prochain tome, et un nouveau souffle dans la saga.

(par Louise Ageorges)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782205208283

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